De l'usurpation à la chute
Une journée Napoléon? Difficile à gérer. Comme à chaque fois que l'on évoque publiquement et officiellement une "grande figure" de notre histoire, qui a laissé des traces équivoques dans les mémoires. Le "en même temps" est une pratique difficile à effectuer, dans une balance équilibrée entre les acquis positifs et les critiques nécessaires. Quand on se réfère à un de nos grands personnages historique, on risque à tout moment de sombrer dans le piège du panégyrique ou de la détestation et de s'enliser dans les marais de la morale.
Et l'instrumentalisation n'est pas loin, comme souvent, dans le cadre d'un présent qui conditionne notre vision du passé. Oui, il fut grand. Par son oeuvre administrative et législative. Oui, son ambition démesurée le perdit et mena à une régression monarchique. Une savante dose de positif et de négatif, la rhétorique en plus, et le tour est joué. Pour quels résultats? Les facettes d'un "génie" ambigü sont loin d'être évoquées. Ce qu'un historien peut mettre en balance, un Président ne le peut pas, surtout en une heure, malgré les nuances apportées. Plus subtil que Sarkozy et ses gros sabots, mais fatalement décevant pour un homme averti. Un hommage appuyé tout de même. A l'heure où Jupiter rêve encore de grandeur. ______Il s'agissait pour beaucoup de savoir s'il fallait célébrer ou maudire. On sait que cela n'a pas de sens quand il s'agit d'abord de comprendre. Le passé est le passé, disait déjà ma grand-mère, qui ne brillait pas par sa culture historique. Les bilans sont compliqués après-coup et il reste encore beaucoup à apprendre et à mettre en perspective, le présent modifiant notre regard sur le passé. Sortir des légendes aussi, qui hantent encore le roman national. Les querelles sur le petit d'Ajaccio ne sont pas prêtes de s'évanouir, la nostalgie de la "grandeur" se réveillant régulièrement. Le mythe n'est pas prêt de s'éteindre. La puissance et la gloire: voilà qui fait toujours rêver, On oublie souvent la fin et les moyens. La Bérézina fut son Stalingrad. Pour la première fois l'aigle baissait la tête...La conquête du pouvoir fut un calcul. Le Premier Consul ne tomba pas du ciel. La création de la Banque de France, la nouvelle politique du sucre, etc...tout cela fut indiscutable, mais il y eu le népotisme et la guerre permanente, l'hubris, toujours présentés comme une continuation des conquêtes révolutionnaires. _______ * Fut-il continuateur ou usurpateur, lui qui prétendait tout assumer? "... Préparé par Sieyès, un des Directeurs, le coup d’État de brumaire - 25 décembre 1799 naviguait entre le double écueil des royalistes et celui des démocrates, et exigeait un régime fort. Ce fut la première constitution fabriquée en petit comité et non par une assemblée constituante élue, comme ce fut le cas en 1789 et 1793. Sieyès qui avait choisi trois consuls, Bonaparte, Roger Ducos et lui-même, tenta d’organiser le pouvoir à son avantage, mais fut contré par Bonaparte qui s’imposa et se déclara Premier consul, exerçant seul le pouvoir de décision. L’organisation du pouvoir législatif se répartit en deux chambres, le Tribunat et le Corps législatif, mais sans pouvoir, il était réduit à un rôle d’enregistrement de décisions déjà prises. Le suffrage censitaire masculin fut maintenu selon l’idée propre à Sieyès de lui donner une existence… illusoire : détaillé dans le texte de la constitution, il ne fut pas même appliqué. Pour résumer, Bonaparte s’érigeait en chef d’État, exerçant la confusion des pouvoirs législatif et exécutif, puisqu’il nommait tous les fonctionnaires civils et militaires, y compris les juges. Il reconstitua, avec le Conseil d’État, l’ancien conseil du roi : les membres de ce Conseil d’État étaient nommés par lui-même et répartis en cinq sections : finances, lois, guerre, marine, intérieur [5]. L’administration était confiée à des préfets (corps administratif et militaire), au niveau du département, supprimant la décentralisation administrative, confiée aux communes pour l’application des lois, selon l’esprit des principes de 1789 et de 1793, qui disparut alors. La nouvelle constitution du Consulat, selon Bonaparte, rétablissait la monarchie en France et la centralisation administrative, qui dépassait, et de loin, celle de l’Ancien régime. Tocqueville a souligné ce point dans son livre L’Ancien régime et la Révolution : « Les premiers efforts de la Révolution avaient détruit cette grande institution de la monarchie ; elle fut restaurée en 1800. Ce ne sont pas, comme on l’a dit tant de fois, les principes de 1789 en matière administration qui ont triomphé à cette époque et depuis, mais bien au contraire ceux de l’ancien régime qui furent tous remis alors en vigueur et y demeurèrent [6].....» ____________________
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