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jeudi 16 mars 2023

Erreurs fatales

Nous avons baissé la garde

                   Nous n'avons pas vu venir le danger et, jusqu' à la veille de l'"opération spéciale" en Ukraine il y a un an, peu croyaient à un engagement si proche et si déterminé des troupes russes. Nous vivions encore avec certaines illusions nées de la fin de la guerre froide et l'ère post-eltsinienne. Le "doux commerce", comme disait Montesquieu, devait pouvoir retisser des liens économiques normaux, de nouvelles interactivités et de ce fait d'apaisement. Le chef du Kremlin allait devoir se ranger dans un ordre international plus normal. Une sorte de "fin de l'histoire", comme disait Fukuyama....Mais nous avions mal jaugé les blessures profondes laissées par la gestion aberrante du pays dans les années 1990, le pillage des ressources, la montée d'une oligarchie, d'un ploutocratie sans scrupule, qui ruina le pays et discrédita les timides ouvertures démocratiques.                                                                       ____Nous n'avons rien vu venir. Nous avons fait preuve de naïveté. Les homme d'affaires se tournaient vers Moscou, vers les nouveaux marchés et les nouvelles ressources. L'Allemagne de Schröder montra l'exemple. Mais un certain impensé impérial revint en force, sur les traces de Catherine II, pour reconquérir les zônes périphériques, élargir l'espace de contrôle et de domination. On fut tenu à choisir son camp, malgré les griefs accumulés à l'égard de l'Otan, déclaré en état de "mort cérébrale".,                       _______Selon T. Gordadzé, "....Moscou a été et demeure toujours un empire. Un empire qui s’ignore, ou du moins qui refuse d’être considéré comme tel. Du temps de l’URSS, les manuels passaient rapidement sur les conquêtes tsaristes des siècles précédents. Chaque extension était décrite comme un rattachement volontaire de peuples adhérant au giron russe au nom du progrès. C’était une lecture téléologique : toute cette histoire devait mener à la révolution d’Octobre et à la fraternité entre les peuples. Or les conquêtes territoriales ont été accompagnées d’une violence extrême : tortures, déportations, massacres et même génocides – 800 000 Tcherkesses, parfois appelés Circassiens, ont par exemple été exterminés au début des années 1860, les survivants étant par la suite contraints à l’exode vers l’Empire ottoman...."...Nous avons oublié et avons cédé à de nouvelles naïvetés, des illusions tenaces:


"... 
Ce désastre sans nom qui meurtrit le monde russe et ruine l’Europe puise ses origines dans notre fol oubli de l’Histoire. Après la chute du Mur de Berlin et l’implosion de l’URSS, nous avons cru au paradis sur terre. Les gouvernants européens ont réduit leur dépenses militaires en confiant le soin de leur défense à l’Oncle Sam. La France s’est alignée sur ses partenaires en supprimant le service militaire.    Les dirigeants européens ont fait le pari d’abolir leurs vieux États-nations et de remplacer la Communauté européenne de 1957, basée sur la coopération intergouvernementale, par une entité abstraite à l’image de la défunte URSS. Cette Union européenne née il y a 30 ans, en 1993, a été fondée sur le présupposé que le libre-échange, la libre circulation des capitaux et des hommes et la promotion de l’individu au détriment du collectif allaient nous garantir paix et prospérité et convertir le reste du monde à nos valeurs libérales et libertaires.   Nous nous sommes « installés dans une sorte de déni de la guerre, de sa possibilité même en Europe, » déplore Stéphane Audoin-Rouzeau qui y voit « une très grave illusion, à dire vrai impardonnable », car la guerre n’a rien à voir avec la rationalité économique. C’est d’abord un phénomène politique, comme l’ont signifié bien avant nous Machiavel et Clausewitz, et « expliquer le politique par l’économique me paraît un raisonnement marxisant complètement dépassée », souligne l’historien.   Avant 1914, beaucoup de dirigeants « raisonnables » pensaient que la guerre entre puissances européennes était « irrationnelle » d’un point de vue économique et financier, du fait qu’elle amènerait la ruine des uns et des autres. Ils avaient raison ! Mais cela n’a pas empêché la guerre d’éclater.   Même chose en 1939 : les considérations économiques sont absentes du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Hitler était guidé par un projet politique et racial destiné à établir une domination millénaire du Volk allemand. La guerre est aussi un « acte culturel » qui implique toute la société et qui fait qu’une population a priori pacifique comme le peuple ukrainien peut basculer immédiatement et d’un bloc dans la guerre quand celle-ci lui est imposée. Ainsi qu’on l’a vu, « ce basculement est bien plus facile qu’on ne le croit, parfois même presque immédiat, » note l’historien.  Félicitons-nous que l’effet cumulé des deux guerres mondiales ait amené les Européens à rejeter la guerre. Mais cela ne suffit pas. « Rejeter la guerre et être capable de l’éradiquer sont deux choses largement distinctes. C’est parce que nous les avons confondues que nous avons été saisis de stupeur le 24 février 2022, » écrit encore Stéphane Audoin-Rouzeau.Après avoir vécu pendant une génération dans la croyance post-soviétique en une « fin de l’Histoire » (Francis Fukuyama), nos dirigeants peuvent ainsi mesurer combien il est illusoire de compter sur les sanctions économiques ou un renversement du président Poutine pour amener la Russie à la reddition…   [ Hérodote.net_André Larané]
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