...Faites-nous plus de bébés! ♪♫♪
L'heure est grave, a-t-il dit. Le réarmement s'impose, même si on peut en rire... On ne va pas suivre les pas de l'Allemagne ou même de la Chine. Il faut régir, car on va manquer de bras si ça continue. Même si la baisse récente de la natalité n'est pas facile à expliquer, même si les causes sont multiples et interdépendantes. . Pour le démographe Hervé Le Bras, l'expression utilisée à l'Elysée est "grotesque": "....il y a eu beaucoup d’études réalisées sur la relation entre croissance économique et croissance démographique, et on n’a jamais pu mettre en évidence la moindre causalité. L’Allemagne en fournit la preuve : le pays a mieux réussi économiquement que la France en ayant une fécondité, pendant près de 50 ans, d’un demi-enfant de moins qu’en France. ..." Et le type 'économie de demain, de plus en plus digitalisée, va-t-elle demander une main d'oeuvre aussi importante que pendant les périodes antérieures.. On n’est plus du tout aujourd’hui dans cette idée du nombre qui fait la force..." conformément à la doctrine de Bodin ou des obsessions nationales, voire nationalistes de la III° République, ou de l'après-guerre. Voilà un signal qui plaît à l'extrême-droite, comme il était au coeur de discours de Pétain, dans la perspective culpabilisante du "redressement national" Donner des injonctions ne suffit pas, surtout sans réflexion sur les causes d'un phénomène peut-être provisoire, circonstanciel. Cela relève de la pensée magique. En tout cas, le message passe mal, surtout auprès des femmes. Cela se comprend.
___ "...C’est une rhétorique nataliste. Ce phénomène est ancré dans le temps long : déjà à l’époque de la IIIe République, il y avait cette idée que les individus « doivent » des bébés à l’État pour participer à l’effort collectif. Historiquement, c’est quelque chose qu’on retrouve dans les mouvements conservateurs - de droite comme de gauche - et qui a été largement dénoncé par les progressistes. Je n’ai pas connaissance d’un autre usage, dans l’histoire, des mots « réarmement démographique ». Mais simplement faire référence au réarmement, c’est utiliser un champ lexical très viriliste, guerrier et violent. Quand je l’ai entendu, j’y ai immédiatement vu un écho à la période de la fin du XIXe siècle et du début du XXe : une période de développement conjoint du capitalisme et du nationalisme, où sont apparus les termes de « chair à canon » et de « chair à usine », pour parler de personnes qui n’avaient pas de droits, si ce n’est de produire quelque chose pour la nation. S’inscrire dans cette lignée, c’est tenir un discours très conservateur. L’usage de cette expression rejoint un discours gouvernemental qui met l’accent sur le travail, l’apologie de la productivité... Elle donne une ligne claire : pour répondre à la crise économique et à la crise démographique, il faut se reproduire. C’est un cadre très patriarcal et hétéronormé, duquel découlent plusieurs problèmes. Si on fonde un projet social sur la reproduction, il y a forcément le risque d’instrumentaliser le corps des personnes qui peuvent enfanter. Ce fut le cas en 1920, au moment de la criminalisation des publicités sur la contraception et de la répression de l’avortement. Sans que ce soit explicite, ces termes renforcent un projet de société dans laquelle la vie doit suivre un ordre linéaire : le couple, le mariage, la grossesse. Il y a alors le risque que toutes les personnes qui ne se reconnaissent pas dans ce modèle, notamment les personnes LGBT, soient encore plus invisibilisées et précarisées....Les politiques natalistes ne sont pas l’apanage de l’extrême droite et ont historiquement été également tenues par la frange conservatrice de la gauche de l’échiquier politique. Toutefois, dans ce discours, il y a aussi l’idée de faire « barrage à l’immigration », et l’affichage d’un choix clair : faire des futurs travailleurs plutôt que d’accueillir des travailleurs immigrés comme cela a été le cas pendant les trente glorieuses, par exemple...". Le natalisme national laisse des souvenirs mitigés. "...Il y a un autre problème qui semble important. À une période ou des associations, des chercheurs et chercheuses n’arrêtent pas d’appeler à transformer nos pratiques, choisir de s’inscrire dans la lignée de la rhétorique capitaliste et nationaliste du XIXe siècle, c’est nier toutes les crises sociales et écologiques que nous vivons. De nombreux chercheurs et chercheuses ont écrit sur les tendances d’Emmanuel Macron à « flirter avec l’extrême droite », aujourd’hui, c’est quelque chose d’absolument décomplexé. Un terme comme « réarmement démographique », c’est un signal extrêmement inquiétant, et qui appelle à la vigilance quant aux évolutions politiques à venir...." _______________________________________________ La question de la natalité n'est pas que franco-français, mais aussi européen et mondial. __ Les démographes sont en pleine interrogation. Ils savent qu'ils ne pratiquent une science exacte (il n'en existe aucune dans les sciences humaines), mais ils se donnent les moyens d'y voir plus clair dans les mouvements de populations à un moment donné et surtout les tendances profondes sur le long terme ou le court terme. Modifications sur le taux de natalité, qui a des incidences sur l'histoire d'un peuple ou d'un continent, chutes brutales d'une population après un événement naturel, comme la peste noire ou une profonde modification climatique, etc... Autant d'objets d'étude qui peuvent en apprendre beaucoup sur l'histoire locale, régionale, voire mondiale... Aujourd'hui, beaucoup de spécialistes en la question s'interrogent sur les tendances de la population mondiale, qu'on a vu monter rapidement depuis le début de l'ère industrielle. Assistons-nous en ces dernières décennies à une chute programmée de la population mondiale, de manière différenciée, une chute qui ne serait pas provisoire, mais tendancielle, sous l'effet de facteurs divers, naturels comme culturels? Certains pays s'interrogent déjà sur une moindre natalité en leurs sein, leur apparaissant problématique en leur, comme l'Allemagne qui peine à renouveler sa population. Mais ce pays n'est pas le seul. D'autres voient leur natalité baisser régulièrement, comme certains pays de l'Afrique du Nord, tandis que le Sahel connaît une explosion problématique, pour des raisons surtout culturelles. La démographie peut souvent aider l'historien sur les modifications profondes à venir.
__ La France n'est plus la grande puissance quelle était au XVIII° siècle, mais sa politique de soutien familial lui permet de ne pas être affectée comme certains de ses voisins. Mais des données nouvelles pourraient modifier la tendance: les effets (relatifs) de la covid sur l'espérance de vie, les données récemment enregistrées sur la baisse de la fécondité masculine, les résistances psychologiques liées à une certaine angoisse écologique...Quelques facteurs partiels qui ne sont pas sans doute à eux seuls des éléments explicatifs, mais qui contribuent à mieux saisir ce qui s'annonce sans doute comme une régression, voire une stabilisation de la population mondiale. Ce qui ne serait pas en soi un drame, si l'économie s'adapte aux nouvelles donnes, ce qui serait pour d'autres une chance de voir se réduire une pression excessive sur le milieu vital, aux ressources limitées. Un débat en cours qui n'est pas anodin... En tout cas la "bombe démographique" n'aura pas lieu, si les tendances constatées continuent à se vérifier. Des questions d'ordre moral et politique se posent. Faut-il d'urgence "arrêter le enfants" comme il est parfois préconisé?... Un grand défi attend l'humanité, que ne résoudront pas les démographes, qui ne peuvent que poser des diagnostics à partir de leurs données chiffrées et de leurs projections et leurs hypothèses.. ___________________
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire