La résignation politique et ses causes
Que la résignation soit un péril majeur pour la démocratie, surtout en certaines périodes cruciales comme la nôtre, paraît une évidence, Il ne suffit pas de le constater, de le déplorer, un peu tard comme Alain Minc, mais d'essayer d'en comprendre les causes. Une crise profonde de la démocratie, avec une abstention de plus en plus marquée aux urnes.
"La marche lente et régulière de Marine Le Pen vers l’Elysée s’alimente de la résignation d’une élite démissionnaire, réfugiée dans le repli et les illusions dont elle se berce. La force illusoire du marché d’abord, qui ramènerait le Rassemblement national (RN) à la raison s’il persistait dans ses élucubrations ; et puis l’exemple de la cheffe de gouvernement Giorgia Meloni qui, de l’autre côté des Alpes, a renoncé à ses positions les plus extrêmes. Sauf que les institutions ne sont pas les mêmes en Italie, puisque l’exécutif chez nous dispose de moyens d’action plus puissants, notamment celui d’organiser des référendums susceptibles de mettre à bas les contre-pouvoirs juridiques, à commencer par celui du Conseil constitutionnel. Se résigner, c’est donc consentir, abdiquer ce que nous sommes. La résignation n’est pas l’adhésion. Mais elle y conduit, de l’assentiment au consentement mou jusqu’à la servitude. Car les barrières immunitaires tombent dès que s’enclenche la mécanique trouble de l’indifférence. Qui ne s’est pas trouvé confronté à ce glissement progressif lors de réunions de famille ou de conversations de bistrot ? Cela commence par un rejet violent d’Emmanuel Macron qui, il est vrai, fait souvent ce qu’il faut pour. Puis vient l’enchaînement avec la « nullité » des oppositions de droite comme de gauche. Ce qui n’est pas faux non plus. Pour arriver à l’évidence du recours au lepénisme. Pour l’« essayer ». Finalement elle fait partie du paysage et sait se tenir. N’allez pas objecter ses inconséquences multiples, sa soumission à la puissance étrangère russe, ou encore le choc d’une France rabougrie qui n’a été grande que lorsqu’elle s’ouvrait au monde. ....Se résigner, c’est donc consentir, abdiquer ce que nous sommes. La résignation n’est pas l’adhésion. Mais elle y conduit, de l’assentiment au consentement mou jusqu’à la servitude. Car les barrières immunitaires tombent dès que s’enclenche la mécanique trouble de l’indifférence. Les futures élections donnent le vertige, de par les incertitudes quelles engendrent et les craintes qu'elles suscitent: le glissement vers une extrême-droitisation de votes de plus en plus nombreux. Mais il n'y a là rien de mystérieux, même si on le déplore...trop tard. C'est largement l'aboutissement d'un phénomène sociologique et politique qui se déroule depuis une vingtaine d'années. Une modification dans le monde du travail et le glissement vers la précarisation des classes moyennes, sous l'effet d'un néolibéralisme financier qui s'est appuyé sur un déclin de l'Etat, résigné à l'abandon progressif de la chose publique, ont amené un vide politique et une défiance progressive vis à vis de la représentation nationale, dont on voit aujourd'hui les effets. Le glissement progressif des classes moyennes vers le RN avec pour moteur la montée de l’inflation est plus impressionnant encore que l’impact de l’insécurité et de l’immigration. C’est donc l’indifférence qui prévaut, y compris chez les puissants, qui consentent implicitement au pire. Un mol abandon de soi. Comme si plus personne n’y pouvait rien. Honoré de Balzac, le génial auteur de la Comédie humaine, ne s’y était pas trompé. Pour lui, la résignation est un poison lent, un « suicide quotidien ».
Un phénomène de dépolitisation s'est installé peu à peu. Et comme la nature a horreur du vide...les votes protestataires se sont peu à peu rapprochés, comme souvent dans l'histoire, de ceux qui brandissent un nationalisme et un protectionnisme étriqué, comme on l'a observé Outre-Atlantique. Les frustrations et les colères sont largement le résultat de la gestion étatique sans vision et affairiste. Les forces de gauche ont cédé sous la puissance de la déferlante néolibérale, par fatalisme ou adhésion, comme à Terra Nova. Le phénomène est complexe et s'est installé à bas bruit depuis une vingtaine d'années. Le macronisme et son ambiguïté entretenue est comme le point d'aboutissement de ce processus. Le techno-pouvoir a fait le reste. La presse a suivi, devenue hyper-concentrée autour de quelques pôles financiers de plus en plus réduits. ____Les dérives d'une gauche qui a perdu ses repères et ses engagements, en état de coma dépassé, n'a plus rien de proposer à part quelques options sociétales. Les aveux ont été clairs, les dérives certaines, comme le reconnaissait déjà JP Chevenement à une époque. Le hollandisme a donné le coup de grâce. "... la France va vivre dans trois mois une élection présidentielle, se disait-on naguère le sentiment que la gauche va la perdre l’emporte assez largement. Il est d’autant plus puissant que, même dans l’hypothèse improbable où elles se retrouveraient unies le temps d’un scrutin, les diverses tendances qui composent cette « famille » n’ont plus grand-chose en partage. Comment gouverneraient-elles ensemble, alors qu’elles s’opposent sur des questions aussi essentielles que la fiscalité, l’âge du départ à la retraite, l’Union européenne, la poursuite ou l’arrêt du nucléaire, la politique de défense, les relations avec Washington, Moscou et Pékin ? Seule la peur commune de l’extrême droite les réunit encore. Mais, depuis quatre décennies, l’ascension de celle-ci s’est poursuivie alors que la gauche a exercé le pouvoir pendant vingt ans (1981-1986, 1988-1993, 1997-2002, 2012-2017). Autant dire que les stratégies déployées pour enrayer ce danger ont spectaculairement échoué. Ailleurs qu’en France, le tableau n’est pas plus reluisant. « Ce n’est pas la peine de tourner le couteau dans la plaie. Nous sommes submergés ! La gauche est détruite dans toute une série de pays », admet M. Jean-Luc Mélenchon. qui paraît faire la course en tête à gauche, mais derrière plusieurs candidats de droite et d’extrême droite. En 2002, les sociaux-démocrates dirigeaient treize des quinze gouvernements de l’Union européenne ; vingt ans plus tard, il n’y en a plus que sept sur vingt-sept (Allemagne, Finlande, Suède, Danemark, Espagne, Portugal et Malte). Un effondrement qui n’est pas sans rapport avec un paradoxe cruel que relève M. Jean-Pierre Chevènement : « La mondialisation néolibérale, à travers la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des hommes, se trouve mise en cause non pas par la gauche, largement ralliée au social-libéralisme, mais par la droite dite “populiste”. ....» Le "tournant socialiste" de 1983 aura été décisif. La "reconstruction" sera longue et ne se fera pas sans heurts. Mais une inversion des priorités du capitalisme, sous l'effet des crises qui nous attendent, pourraient constituer le début d'une réappropriation des valeurs démocratiques... Les futures élections donnent le vertige, de par les incertitudes quelles engendrent et les craintes qu'elles suscitent: notamment le glissement vers une extrême-droitisation de votes de plus en plus nombreux. Mais il n'y a là rien de mystérieux, même si on le déplore...trop tard. C'est largement l'aboutissement d'un phénomène sociologique et politique qui se déroule depuis une vingtaine d'années. Une modification dans le monde du travail et le glissement vers la précarisation des classes moyennes, sous l'effet d'un néolibéralisme financier qui s'est appuyé sur un déclin de l'Etat, résigné à l'abandon progressif de la chose publique, ont amené un vide politique et une défiance progressive vis à vis de la représentation nationale, dont on voit aujourd'hui les effets. _________________________
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