Et commerçants- explorateurs hors pair
C'est la fin des légendes concernant ces peuples venus du Nord pour répandre la terreur sur nos terre d'Occident, selon les images d'Epinal de mon enfance. On sait maintenant qu'ils avaient des capacités de se projeter loin de leurs côtes froides, de leur zônes d'origine, pour pratiquer un commerce étonnamment riche et diversifié et en développement des formes d'art originales. On n'est pas encore au bout de nos surprises. "...Leur motivation était, une fois la précieuse marchandise récupérée, d'étendre leur commerce. Selon les chercheurs, le réseau commercial d'ivoire des Vikings comprenait non seulement l'Europe et le Moyen-Orient, mais probablement aussi l'Asie de l'Est. Ces résultats sont intrigants car ils élargissent considérablement l'éventail autrefois supposé des activités de récolte d'ivoire, «et confirment les preuves archéologiques d'interactions avec les Inuits de Thulé»....
Si l'on se penche sur les études récentes d'un des meilleurs spécialistes de la question, faites de recherches savantes et de questions prudentes, Regis Royer, on apprend vite que:
LesVikings ne sont pas un peuple unique et ont connu, pour ce qu'on en sait, une civilisation riche et une histoire compliquée, mais passionnante, aux incursions maritimes et fluviales multiples et parfois étonnantes.Notamment en Grande-Bretagne et en Normandie.
Pour les Vikings de l'Est, on signale des avancées en profondeur jusqu'à Samarcande.
L'occupation assez longue en l'Islande est connue et celle qui affecte le Groenland continue à poser maints problèmes, comme les causes de leur disparition. On peut trouver ici des éléments permettant de mieux situer le problème, à la lumière des travaux de Jared Diamond.
Le cas d'une occupation sans doute limitée à Terre-Neuve est encore en discussion. .."
Même si, comme le souligne Alban Gautier, professeur d’histoire médiévale qui assure la préface du livre, « les Vikings n’étaient pas un peuple », puisque « l’univers des Vikings était marqué par une grande diversité tant culturelle que religieuse » et qu’il n’était pas nécessaire que du sang scandinave coule dans ses veines pour appartenir à ce groupe. À rebours de ce que pensent certains adeptes néopaïens et contemporains des Vikings. L’un des plus grands rois vikings, Cnut le Grand, qui bâtit un empire en mer du Nord entre 1015 et 1035, était ainsi aux trois quarts slave…
Mais la violence, écrit l’auteur, « continue à passionner la société moderne et les Vikings sont devenus emblématiques de ses formes les plus atroces et les plus insensées ».L’incarnation la plus fantasmée de cette cruauté viking aurait consisté en l’habitude de la torture dite de l'« aigle de sang », dont l’auteur rappelle pourtant que l’imaginaire provient d’une mauvaise compréhension et traduction de la poésie scaldique.
En dépit de tout cela, la réputation sanglante de ces « super héros du Nord » et de ces « histoires de tortures horribles imprégnées de paganisme », sensationnelles et palpitantes, a « annihilé notre sens critique habituel, y compris celui de nombreux historiens. Même des auteurs ayant accès à des sources de connaissance fiables continuent à raconter ces histoires considérées comme un fatras d’erreurs ».
L’auteur considère que, replacée dans son contexte historique, « leur violence n’était pas pire que celle des autres », par exemple comparée à un Charlemagne (sacré empereur en 800) dont les armées ont tué et ravagé à plus grande échelle que les Vikings. Le mode d’action des Vikings, consistant à remonter les fleuves à l’aide de bateaux rapides, catalysait l’effet de sidération et de terreur provoqué par ces hommes en armes. En effet, si les peuples d’Europe n’ignoraient pas la violence aveugle dans une époque très tourmentée, lorsque l’ennemi progressait par voie de terre, la rumeur se répandait rapidement et permettait à beaucoup de s’échapper…
Pour à la fois contrer cette image noire et aller au-delà des imaginaires stéréotypés entourant le temps des Vikings, Anders Winroth fait le point sur un savoir fragmenté, marqué par des vides et des incertitudes, qui a pu catalyser le recouvrement d’une réalité difficile à cerner par un imaginaire puissant et souvent erroné.
Il utilise pour cela les résultats de fouilles archéologiques inédites, notamment dans les « tombes à navire », puisqu’on trouve dans les campagnes scandinaves des milliers de « navires de pierres » en forme de vaisseaux emmenant les morts dans l’Au-delà et que nombre de Scandinaves, non seulement des guerriers vikings mais aussi des paysans lambda, étaient inhumés « dans une sorte de bateau ou au moins accompagnés par un navire symbolique ».Mais Winroth s’intéresse tout particulièrement aux inscriptions runiques et aux strophes scaldiques, ces compositions élaborées dont les poètes islandais firent la renommée....
..On « recycle toujours les mêmes mythes, mais certaines de ces histoires les plus passionnantes sur les Vikings ne sont que rarement, voire jamais racontées ». Si tout n’est pas passionnant de bout en bout dans cet ouvrage, son grand mérite est de trancher les controverses sur les motifs qui ont poussé les Vikings, pendant trois siècles, à parcourir les mers et les fleuves pour piller, rançonner, coloniser et conquérir une géographie lointaine, allant des mondes arabes jusqu’au-delà du Groenland.
Winroth fait donc le pari que, pour comprendre les Vikings qui sont partis et que l’Europe a vu déferler sur ses terres, il faut d’abord connaître ceux qui sont restés et les sociétés auxquelles les guerriers étaient adossés. En effet, « les raids des Vikings avaient lieu à petite échelle, et étaient le plus souvent le fait d’hommes jeunes qui possédaient peu de propriétés foncières, voire aucune, et n’étaient généralement pas mariés ».
L’historien cherche donc moins à comprendre le « temps des Vikings » depuis le champ de bataille que depuis la « maison-halle » où le chef abreuvait ses hommes et les éblouissait par sa richesse et les produits exotiques qu’il avait pu ramener. « Tout commençait, explique-t-il, avec les grandes fêtes données dans les maisons-halles des chefs de guerre du Nord » qui constituent les plus grands bâtiments de l’Europe septentrionale au Moyen Âge.
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