De Josué à B. Smotrich
Légendes et instrumentalisation d'hier et d'aujourd'hui. Cynisme et cécité.
« Tout lieu où ton pied se posera t'a été donné, comme je l'ai dit à Moïse, depuis le désert et le Liban jusqu'au grand fleuve, l'Euphrate. »
Le retour en force d'un mythe religieux, depuis la période Sharon et surtout Netanyahou, avec le concours de l'extrême droite israëlienne, comme Ben Gvir: Au nom de la Torah (ici) La Palestine est exclue de tout horizon politique. L'extrêmisme est en voie de gagner, contre l'opinion d'une fraction du peuple israëlien modéré, souvent non croyant. et opposé à une guerre sans fin, une aventure sans perspective. L'histoire de la ville emblématique de Jérusalem est saturée de sens. "Comment cela va-t-il finir?" demandaient de jeunes Israëliens démoralisés ,en 1970.Ezer Weisman répondait:"Il faut d'abord savoir comment cela a commencé" L'historien Marius Schattner souligne "Le potentiel dévastateur du mélange de nationalisme et de religion, quand brader la moindre parcelle d'Eretz Israël est considéré comme pire qu'une trahison: un sacrilège." (-Histoire de la droite israelienne)Et dans ce contexte, alors que chacun sait en Israël qu'une paix réelle ne se fera qu'au prix de concessions importantes, y compris dans la ville sacrée de Jérusalem, la montée en puissance de ce nationalisme religieux porte en elle les germes des crises à venir. "On peut imaginer ce qui risque de se passer quand il faudra évacuer non point 8000 colons de la bande de Gaza, mais au moins vingt fois plus de Judée Samarie (Cisjordanie), territoire avec lequel le lien religieux et historique est beaucoup plus fort, émaillé qu'il est de lieux saints traditionnels comme le Caveau des patriarches à Hébron, ou redécouverts depuis 1967, sans compter le Lieu saint par excellence, le mont du Temple à Jérusalem, site de l'Esplanade des mosquées.Par delà l'attache à des lieux aussi sacrés, la question se pose de savoir pourquoi la religion juive, dans sa version dominante en Israël, se prête à une telle alliance avec le nationalisme le plus extrême... " Marius Schattner rappelle justement qu'une telle alliance n'est pas inhérente au fait religieux, et cite le regretté professeur Yeshayahou Leibowitz (1903-1993), figure intellectuelle et religieuse majeure, resté célèbre pour avoir pronostiqué dès 1967 qu'Israël commettait une erreur capitale en décidant de profiter de sa victoire militaire pour occuper durablement les territoires palestiniens. Une partie des clés se trouvent effectivement dans l'histoire. Mais aussi dans les compromis historiques noués à la naissance de l'Etat juif en 1948, et qui expliquent pourquoi, jusqu'à ce jour, il n'existe toujours pas de constitution en Israël.... ___ " Si la coalition entre ultranationalistes laïques et religieux au pouvoir en Israël est inédite, l’imaginaire messianique a commencé à prospérer dans le pays bien avant 2022. Dès les débuts du sionisme, un discours emprunté au religieux doit conférer un supplément de légitimité au projet. Cette rhétorique convoque des termes tels que « Terre promise » et des espérances juives bimillénaires de rassemblement des exilés. Malgré l’athéisme de la majorité des pionniers sionistes. Malgré leur dédain à l’égard des juifs religieux — « arriérés », « passifs » — qu’ils souhaitent remplacer par des juifs rationnels, volontaires et travailleurs, aptes à reconstruire la nation juive en terre d’Israël. Libéraux ou ultraorthodoxes, les religieux voient l’émergence du projet sioniste comme une trahison de la tradition. Ils dénoncent une instrumentalisation du judaïsme au service d’une religion nationale. L’universitaire Amnon Raz-Krakotzkin évoque à cet égard un messianisme laïque : « C’est parce qu’ils sont au cœur du mythe sioniste laïque », estime-t-il, que messianisme et nationalisme se renforcent aujourd’hui en Israël. « Les colons n’ont rien inventé. Leur position n’est pas différente de celle des sionistes laïques, ils vont simplement au bout de ses conséquences logiques. » Pour cet historien et d’autres avec lui, le sionisme apparaît comme un détournement des concepts fondamentaux du judaïsme, dont ceux d’exil et de rédemption. Car « l’essence du judaïsme est l’idée que l’existence est un exil ». Celui du peuple d’Israël après la destruction du second temple, que la tradition présente comme la conséquence d’un écart vis-à-vis des préceptes divins : « À cause de son iniquité (…) la maison d’Israël avait été exilée » (livre d’Ézéchiel 39:23). Mais dans cette relégation, les Juifs doivent observer les commandements de la Torah et, par leurs bonnes actions, réparer le monde. L’éloignement a donc aussi une dimension spirituelle — un autre historien, Yakov Rabkin, le présente comme un « état (...)" _________Aux USA, "...Il n’y a aucun débat sérieux et loyal à propos de la Palestine et d’Israël dans la sphère médiatique, ni dans tout autre cercle culturel, politique et religieux américains. S’il se trouve que l’histoire actuelle est débattue, alors, elle l’est dans un langage imaginé, non réel, presque complètement à coté des réalités de la Palestine et d’Israël, fondée pour une grande part sur une étroitesse d’esprit, dans un discours apocalyptique religieux qui, depuis des décennies, se retrouve le point de départ accepté de la plupart des politiciens, même de ceux qui se déclarent faussement des libéraux. Entre les deux discours, celui des fantasmes absurdes des religieux et celui des flagorneries des politiciens, il y a sans doute assez de place pour un autre récit. Malheureusement, cet espace est lui aussi encombré d’idées culturelles erronées, de partis pris institutionnels et de confusions délibérées, introduits et insufflés par les producteurs de médias, les experts et autres fabricants de la culture populaire américaine.Jusqu’à ce que les gardiens de la culture américaine ne soient sérieusement contestés, la Palestine continuera de représenter, dans l’imagination américaine, une bataille entre le bien et le mal, une « Terre sainte » qui doit être arrachée des mains de ceux ont pu en être propriétaires, à une certaine époque, mais qui « n’ont rien à y faire sauf de la profaner ». La question se pose chez certains à Tel Aviv: Le Liban fait-il partie du territoire promis à Israël ? Par Mark Fish ( Jerusalem Post (archive), 25 septembre 2024): " Les versets de la Torah véhiculent des messages profonds que nous pouvons interpréter avec perspicacité pour notre vie quotidienne. Le rabbin Shay Tahan, Rosh Kollel [directeur d'un établissement d'enseignement talmudique] de Shaarei Ezra à Brooklyn, New York, ouvre gracieusement les portes de cette compréhension. Le récent conflit au Liban soulève l'éternelle question des frontières septentrionales de l'Eretz Yisrael [Terre d'Israël] biblique. Où exactement Hachem [Dieu] a-t-il défini ces frontières, et sommes-nous tenus de conquérir ces régions ? Les mitzvot [commandements] de terumah [donation d'une partie des récoltes] et de ma'aser [dîme] s'appliquent-elles à ces terres comme faisant partie d'Eretz Yisrael, ou sont-elles considérées comme en dehors des frontières ? La Torah fournit des directives claires concernant les régions que nous avons l'ordre de conquérir et de prendre possession de la terre. Au cours de la dernière génération, l'expression « Grand Israël » est devenue prévalente. Elle est parfois utilisée dans des discussions politiques ou religieuses sur les frontières idéales ou futures d'Israël, souvent dans le contexte d'aspirations messianiques ou sionistes. Certains l'interprètent comme un appel au rétablissement des frontières bibliques d'Israël. Toutefois, la signification de ce concept varie, allant d'interprétations symboliques ou spirituelles à des revendications géographiques littérales.
Ce terme fait référence aux frontières bibliques de la Terre d'Israël, telles qu'elles ont été promises au peuple juif dans différentes parties de la Torah. Il est souvent associé à la terre décrite dans l'alliance avec Avraham (Brit Bein HaBetarim), qui s'étend du « fleuve d'Égypte » (interprété par certains comme le Nil ou un fleuve plus petit dans le Sinaï) à la rivière Perat (Euphrate). Cette vaste région comprend des parties de l'Israël d'aujourd'hui, la Cisjordanie, Gaza, le Liban, la Syrie, la Jordanie et l'Irak. Lorsque Hachem a promis à Avraham Avinou [notre ancêtre Abraham] la terre d'Israël lors de la Brit Bein HaBetarim [alliance avec Abraham], le pasuk [verset] dit (בראשית טז) : « En ce jour, Hachem fit alliance avec Avram, en disant : À ta descendance, j'ai donné cette terre, depuis le fleuve d'Égypte jusqu'au grand fleuve, l'Euphrate. » À la fin de la Parshat [section de la Torah] Ekev, Hachem nous dit qu'il nous accorde toutes les terres que nous allons conquérir à l'intérieur des frontières mentionnées. Au nord, la Torah déclare : « Tout lieu que foulera la plante de ton pied sera à toi, depuis le désert et le Liban, depuis le fleuve — l'Euphrate — jusqu'à la mer occidentale, qui sera ta frontière. » Cette promesse du Créateur place clairement le Liban dans la Terre promise d'Israël, ou ce que certains appellent « la Terre d'Israël complète » ou « le Grand Israël ».
Un exemple de carte du « Grand Israël »
Le Ramban [Rabbin Moshe ben Nahman, dit Maimonide, ayant vécu au XIIIe siècle de notre ère] écrit que le Liban se trouve à l'intérieur des frontières d'Israël et ajoute que nous avions l'obligation et le commandement de le conquérir. Le Sefer Yehoshua [Livre de Josué] commence avec Hachem parlant à Yehoshua [Josué] et répétant le commandement ci-dessus : « Chaque endroit que ton pied foulera t'a été donné, comme je l'ai dit à Moshé [Moïse], depuis le désert et le Liban jusqu'au grand fleuve, l'Euphrate. » La tribu d'Asher [une des 12 tribus d'Israël] est principalement associée à des régions comprenant des parties du Liban. Après la conquête de la terre sous Yehoshua, les tribus ont établi leurs territoires, Asher s'étendant dans les régions adjacentes au Liban. Le texte décrit les frontières de la tribu d'Asher, en détaillant des sections de frontières et des listes de villes, dont certaines sont des villes frontalières marquant les limites de la tribu. Dans l'héritage de la tribu d'Asher se trouve la vallée d'Acco, au nord du mont Carmel, dont le point le plus septentrional est la ville de Sidon.
Carte du « Nouveau Moyen-Orient » présentée par Netanyahou à l'ONU, sur laquelle la Palestine n'existe pas ______________________" L'extension de la Terre d'Israël à d'autres territoires, comme dans le concept du « Grand Israël », a plusieurs implications halakhiques [juridiques]. Celles-ci concernent principalement les commandements liés spécifiquement à la terre, connus sous le nom de mitzvot hateluyot ba'aretz [commandements de la Torah qui ne s'appliquent qu'à la terre d'Israël, et principalement liés à l'agriculture et à la gestion des terres]. Voici quelques-unes des principales implications halakhiques : 1/ Mitzvot dépendant de la terre : Certains commandements agricoles ne s'appliquent qu'à la terre d'Israël, tels que : - Shmitta : l'année sabbatique où la terre doit se reposer tous les sept ans. - Terumot et Ma'aserot : la dîme donnée aux Kohanim [prêtres], aux Lévites et aux pauvres. - Orlah : l'interdiction de manger les fruits des arbres pendant les trois premières années de leur croissance. L'élargissement des frontières d'Israël impliquerait l'extension de l'obligation d'observer ces mitzvot dans les territoires nouvellement inclus. 2/ Deux jours de Yom Tov [fêtes juives] : Il existe une différence entre ceux qui vivent à l'intérieur des frontières d'Israël, qui observent un jour de Yom Tov, et ceux qui vivent à l'extérieur, qui en observent deux [pour s'assurer de célébrer la fête au bon moment, le calendrier lunaire dépendant de l'observation visuelle de la nouvelle lune]. Par conséquent, si la terre devait s'étendre jusqu'aux frontières plus grandes d'Israël, cette distinction s'appliquerait. Selon la halakha qui suit le Ritva [Rabbin Yitzhak ben Moshe, éminent commentateur du Talmud, XIIIe siècle] (Ritva, Rosh Hashanah 18a ; Soucca 43a) en désaccord avec le Rambam [Maimonide] (Rambam, Lois de la sanctification du mois, 5, 9-12). 3/ Habitants et peuplement : Selon certaines opinions, vivre dans les frontières bibliques d'Eretz Yisrael peut être considéré comme une mitzvah. L'élargissement des frontières d'Israël pourrait accroître l'obligation pour les Juifs de s'installer et d'habiter ces régions. 4/ Voyager en dehors du pays : Il est interdit de quitter les frontières d'Eretz Yisrael si l'on y réside, sauf pour apprendre la Torah, se marier ou gagner sa vie. Par conséquent, les résidents peuvent se rendre dans ces territoires supplémentaires s'ils sont conquis. 5/ Guerre et conquête : Le concept de milchemet mitzvah [guerre commandée] inclut la conquête de certains territoires promis dans la Torah. Si de nouvelles terres sont identifiées comme faisant partie des frontières bibliques, il peut y avoir des discussions halakhiques sur l'obligation de les conquérir et de les coloniser. Le fleuve Perat, communément identifié à l'Euphrate, traverse plusieurs pays, dont la Turquie, la Syrie et l'Irak, avant de se jeter dans le golfe Persique. Dans le contexte biblique, l'Euphrate est souvent mentionné comme une frontière importante dans les promesses faites au peuple juif concernant la terre d'Israël. Si l'on regarde une carte, on est stupéfait de voir à quel point ce fleuve s'étend vers le nord et à quel point la Terre d'Israël est vaste. Bien que nous ne soyons peut-être pas en mesure de la récupérer entièrement à notre époque, Hachem nous la rendra certainement bientôt ".. [Alain Marshal ]
No comment._______________________
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