"À la différence des récessions de 1991 et 2001, la crise actuelle oblige les Américains à repenser des habitudes ancrées depuis plusieurs générations. Qu'il s'agisse de leur dépendance à l'égard de l'énergie bon marché ou de leur préférence pour la consommation à crédit au détriment de l'épargne. Cette crise oblige aussi les autorités à recourir à contrecœur à des recettes interventionnistes pour pallier la défaillance inattendue des mécanismes de marché. La Maison-Blanche, le Congrès et la Fed improvisent dans l'urgence des solutions radicales, très coûteuses, aux chances de succès incertaines" (PY D.)________
Le marasme économique dont va hériter Obama | Mediapart:
_______"S'il y a un dossier sur lequel le nouveau président des Etats-Unis est attendu, c'est bien l'économie. Tout laisse pourtant penser qu'en la matière, la marge de manœuvre de Barack Obama sera très étroite. Son futur secrétaire au Trésor (on parle beaucoup de Larry Summers, proche du clan Clinton) se retrouvera pris en étau entre, d'un côté, les ravages d'une crise économique sans précédent depuis 1929, et, de l'autre, l'héritage désastreux du couple au pouvoir George Bush/Alan Greenspan. De quoi jouer profil bas dans les semaines à venir. Gros plan sur les cinq points noirs de la première économie mondiale (pour quelques années encore). ________Le spectre d'une récession profonde :Les dernières statistiques, publiées le 30 octobre, ont confirmé la gravité de la situation. Le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis a reculé de 0,3% au troisième trimestre de l'année. Barack Obama hérite donc d'une économie en récession. Principal pilier de la croissance américaine, la consommation des ménages signe sa plus forte baisse (-3,1%) depuis 1980. Et celle-ci n'est sans doute pas près de repartir: les ménages américains ne peuvent plus se permettre de s'endetter, comme ils avaient tendance à le faire dans les moments difficiles, à cause du contexte actuel d'assèchement du crédit.
Du coup, la population, privée de l'un de ses moyens d'ajustement (l'endettement), devient aussi plus exposée à l'augmentation des prix du gaz et de l'essence. Sortons la calculatrice pour faire ce constat accablant: la croissance aura été bien plus élevée sous les deux mandats Clinton (+3,65% en moyenne) que sous l'administration Bush (+2,5%, sans prendre en compte l'année 2008, qui s'annonce chaotique). Pour ne rien arranger au tableau, la majorité des économistes ne voient pas de sortie de récession (c'est-à-dire de croissance du PIB) avant huit à... dix-huit mois.
- L'inquiétante dérive du déficit et de la dette____Les «chefs économistes» des deux principaux candidats à la présidence américaine n'avaient pas caché leurs inquiétudes, ce soir de la fin octobre, lors d'une réunion publique à l'université Columbia de New York. «Les événements de ces derniers mois ont complètement fait dérailler nos projections initiales», avait même avoué Doug Holtz-Eakin, le très respecté conseiller du clan McCain. Ces derniers mois, l'addition s'est en effet corsée : 200 milliards de dollars avancés pour les deux géants du crédit hypothécaire Freddie Mac et Fannie Mae, 700 autres milliards pour le fameux «plan Paulson» (à l'avenir incertain, certes), 25 milliards pour le secteur automobile, etc. En attendant le probable nouveau «plan de relance» d'Obama, qu'il pourrait annoncer en janvier...
Ne pas se méprendre pour autant: les comptes publics n'ont pas attendu la crise pour se dégrader. Le coût exorbitant des guerres en Irak et en Afghanistan, ainsi que les réductions d'impôt décidées en 2001 puis en 2003 par Washington, ont contribué à une dérive du déficit comme de la dette. Sur l'exercice 2008, clos fin septembre, le déficit budgétaire s'est élevé à 455 milliards de dollars, soit 3,2% du PIB. En 2000, Bush avait lui hérité d'un excédent budgétaire, de plus de 200 milliards de dollars, lors de sa prise de fonctions... Prévision officielle pour 2009: un déficit de 482 milliards. Mais beaucoup d'économistes n'hésitent plus à anticiper un doublement du déficit, à 800 voire 1000 milliards de dollars! En ce qui concerne la dette, elle s'établit elle aussi à des niveaux records – 67,5% du PIB cette année. Elle pourrait dépasser les 70% en 2009.
____ Un système financier fragilisé___La déflagration des «subprime» en a apporté la preuve: les marchés financiers sont trop faiblement régulés. Alors qu'ils auraient pu, s'ils avaient été mieux gérés, stabiliser la croissance américaine, regrettent les deux économistes de Dexia, et spécialistes des Etats-Unis, Florence Pisani et Anton Brender. Dans un entretien accordé à Mediapart, le professeur de mathématiques à l'université de Columbia Rama Cont confirme ce constat, et revient longuement sur les responsabilités de l'administration Bush et de l'ancien président de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan, en matière de dérégulation des marchés. A lire ici.
__L'«économie réelle» déstabilisée
Parmi la dernière flambée de résultats trimestriels, certains avertissements ne trompent pas. General Motors a annoncé une chute de 45% de ses ventes de voitures de juillet à septembre, par rapport à 2007. Pour Ford, la dégringolade n'est «que» de 30%. Du coup, les équipementiers sont également très malmenés. «La situation pourrait se transformer en une nouvelle grande dépression», confie Daniel DiMicco, patron du sidérurgiste Nucor, dont le siège se situe à Charlotte, en Caroline du Nord. Au-delà de l'effondrement du marché immobilier, qui n'a toujours pas touché le fond et malmène en priorité les ouvriers immigrés du chantier, et du moral des ménages plombé par la crise, on assiste surtout au retour des peurs sur l'emploi salarié. Le taux de chômage s'est établi à 6,1% en septembre dernier, contre 4,7% douze mois plus tôt... Parallèlement, les durées de chômage s'allongent, à environ 17 semaines à présent, contre 12,5 en 2000. D'ici fin 2009, le taux de chômage devrait avoir grimpé jusqu'à 8, voire 8,5%, selon les pronostics des économistes.
_______Les inégalités se creusent
C'est peut-être là le véritable échec de la présidence Bush. Durant ses huit années au pouvoir, les salaires ont stagné sur fond d'inflation. La classe moyenne s'est donc appauvrie. Dans une étude récente réalisée pour l'OFCE, Hélène Périvier constate le développement de la «misère» aux Etats-Unis. Quelque 37,5 millions d'Américains vivent sous le seuil de pauvreté, soit 12,5% de la population. La pauvreté de la population enfantine y est trois fois plus élevée qu'en France. Et, entre 2006 et la fin de l'année 2009, environ 3,3 millions de foyers américains ont vu, ou vont voir, leur maison être saisie, faute de pouvoir acquitter les emprunts contractés pour les acquérir.
Comme le rappelait l'économiste Jean Gadrey, la crise des «subprime» est avant tout une crise sociale, où des ménages pauvres recourent à de l'endettement risqué, faute de mieux, et faute de logements sociaux. Le projet American human development project, inspiré des critères alternatifs de croissance du Pnud, tente de cartographier les inégalités en tout genre aux Etats-Unis: d'un Etat à l'autre, d'un sexe à l'autre, d'une station de métro de New York à une autre, d'une origine ethnique à une autre, etc. Les résultats sont souvent passionnants et permettent de prendre la mesure des inégalités qui minent le pays. " (Ludovic Lamant)
Obama : mandat à haut risque
- Qu’espérer d’Obama ? par Eduardo Galeano
-«Ce ne sera pas une tâche facile pour Obama de réguler les marchés»
-Ces économistes qui conseillent les candidats pour contrer la crise américaine
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Un autre système financier
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