Actualité d'un combat
-"La crise financière internationale fait que le citoyen se sent en droit de demander des comptes à ceux qui ont profité d'un système et entraîné des catastrophes financières et humaines pour des millions d'individus."(D.R.)
-"Le journaliste doit toujours être un contre-pouvoir. Un poil à gratter. Je ne vais pas déroger à la règle."(D.R.)
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-Denis Robert: «Le procès Clearstream sera celui d'une époque»:
"...BibliObs. – Depuis le début de la crise financière, on assiste à une déferlante de déclarations de guerre aux paradis fiscaux. Qu'en pensez-vous ? .
-Denis Robert. – Tout le monde joue en mode «transparency». Les paradis fiscaux sont effectivement au cœur du cyclone. Gouvernements et banquiers cherchent des parades pour sortir des «bad lists» de l'OCDE. Il y aurait beaucoup à dire sur les critères et la qualité de ces listes-.BibliObs. – Par exemple ?
D. Robert. – Elles ne sont pas assez radicales. Elles sont faites sous la pression des Etats. Les critères de sélection sont discutables. Les informations fournies par les paradis fiscaux restent floues et peu vérifiables. Tout se fait dans la précipitation. Mais c'est un début. Et on voit bien que contrairement à ce qu'on nous faisait croire - souvenez-vous de Jospin qui avouait sa démission face aux puissances économiques - les politiques peuvent avoir un réel pouvoir quand ils sont acculés. On l'a vu avec Obama qui a poussé UBS à lever une partie de son secret bancaire. Et à un degré moindre avec Nicolas Sarkozy amenant Jean-Claude Junker à trouver des accords de divulgation avec le Luxembourg. C'est embryonnaire compte-tenu de l'ampleur des dégâts. Et si l'opinion et les médias ne maintiennent pas une pression, le soufflé va retomber.-BibliObs. – Et que vous a inspiré le dernier G20 ?
D. Robert. – Les annonces du G20 sont évidemment sans rapport avec la réalité des marchés financiers. Il rentre dans un simple canton suisse deux fois plus d'argent que dans les quatre pays - Costa Rica, Uruguay, Malaisie et Philippines - cités par le sommet comme étant les plus noirs de la planète ! Seulement, même si elles sont critiquées, les annonces du G20 passent. Elles participent du bruit ambiant. On est en situation de crise. Les risques de débordement et de blocage existent. Les politiques redoutent le chaos social. Ils n'ont de cesse de prendre le pouls des citoyens, de construire des messages ad hoc et la stratégie pour les faire passer. On joue la montre et l'isolement des différents lieux où des luttes pourraient dégénérer. On en revient à la maîtrise de la communication....-BibliObs. – Depuis 1996, date à laquelle vous fédériez des juges européens autour de «L'appel de Genève» contre les paradis fiscaux, vous mettez en garde contre la circulation de cet argent invisible. Pensez-vous que la crise vous donne raison ?
D. Robert. – Je ne vais pas m'en réjouir. Une crise liée à la criminalité financière était inévitable. Nous sommes nombreux à avoir essayé d'alerter les politiques à ce propos. Bernard Bertossa, Edmondo Bruti Liberati, Gherardo Colombo, Benoît Dejemeppe, Baltasar Garzon Real, Carlos Jimenez Villarejo et Renaud Van Ruymbeke ne sont pas des naïfs, ni des utopistes. Ce sont des magistrats anticorruption qui, par cet appel, demandaient la création d'un espace judiciaire européen pour lutter contre les malversations financières.-BibliObs. – Comment expliquez-vous que des mesures aient tant de mal à se mettre en place ?
D. Robert. – Il y a un problème d'information. Plus le public sera informé sur ce qu'on peut appeler «les circuits de l'argent invisible», plus la pression se fera sur les politiques et donc sur les banquiers. Les politiques ont laissé les banquiers s'auto-contrôler depuis tant d'années. J'avais posé la question en 2002 à Jean-Claude Trichet alors gouverneur de la Banque de France du contrôle exercé sur les filiales des banques françaises à Vanuatu ou à Caïman. M'inspirant des listings de comptes de Clearstream, je lui avais livré des faits précis. Il avait répondu que ces filiales de banques françaises dépendaient des autorités judiciaires des pays en question. Le patron de la COB avait confirmé. L'hypocrisie du système est résumée dans ces réponses. Aujourd'hui elles ne pourraient plus passer. Donc, la situation évolue positivement. La crise financière internationale fait que le citoyen se sent en droit de demander des comptes à ceux qui ont profité d'un système et entraîné des catastrophes financières et humaines pour des millions d'individus.
BibliObs. – Qu'est-ce qui pourrait évoluer, concrètement ?
D. Robert. – Par exemple, le rôle des chambres de compensation internationales dans la régulation des marchés financiers. D'ailleurs Barack Obama est en train de créer une chambre de compensation internationale pour les banques américaines qui va concurrencer les deux chambres de compensation européennes existantes : Clearstream et Euroclear. Ces deux multinationales ont le monopole du marché obligataire. Elles sont présentes sur toute la planète et dans tous les paradis fiscaux. Elles voient passer chaque année près de 150 trillions d'euros (150 000 000 000 000 000 000 €). Contrôler les flux de ces monstres financiers permet d'avoir un contrôle sur l'évasion fiscale...."
-Denis Robert - AgoraVox
-Liberté dInformer
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- Journaliste ou journaleux ?
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