Erreur de chemin?
______Austérité est, paraît-il, un terme à bannir.
Un remède qui mène sûrement l'Europe vers une aggravation du mal.
Responsabilité budgétaire serait -il plus politiquement correct, même si la France n'est pas l'Espagne?
On peut se poser la question...
__Les grandes orientations définies par Matignon ne font pas l'unanimité dans le monde des économistes.
Plus à gauche que la ligne officielle du PS, des voix se font entendre qui ne ménagent pas les critiques, comme celle de Lordon ou de Généreux. Mélenchon fait aussi entendre une musique particulière..Cela n'est pas une surprise.
____Mais, dans le cercle des plus mesurés ou modérés, un économiste, certes keynésien, mais plutôt bon teint, responsable de l'OFCE, Xavier Timbeau, fait entendre une voix discordante, de manière certes nuancée, mais ferme.
Il estime que les choix européens actuels sont erronés, qu' une libéralisation brutale est une solution illusoire , "que la politique d’austérité choisie par le gouvernement constitue une
erreur grave de stratégie. Faisant le lit de la récession, elle ne
permettra pas d’atteindre la baisse des déficits qu’elle prétend
poursuivre. « C’est une récession qui s’auto-annihile »
Ses dernières déclarations " laissent à penser que
la politique économique voulue par François Hollande ne va pas
seulement opposer la gauche socialiste à la gauche radicale. Elle risque
également de traverser les socialistes eux-mêmes et plus généralement
les économistes, y compris ceux qui n’avaient pas de partis pris
idéologiques contre le PS. Les critiques de Xavier Timbeau attestent que
nous entrons dans un débat économique de première importance. Avec en
arrière-fond une question majeure : d’entrée, le gouvernement socialiste
n’a-t-il pas fixé des priorités économiques erronées ?
Cette position rejoind celle que Paul Jorion ou P. Krugman défendent depuis longtemps.
Tant que la confiance , clé de la sortie de crise, n'est pas rétablie, toute tentative de redressement risque fort de déboucher sur un impasse.
La France n'est pas une île. C'est l'Europe toute entière, sur d'autres bases, qui doit définir une autre politique économique.
____________________Dans une lettre au Président de la République, X.Timbeau, dans son blog de Mediapart, déclare:
"... dans un contexte de finances publiques dégradées non pas par le
laxisme budgétaire (ce qui exclut la Grèce) mais par la crise
financière de 2008, une restriction budgétaire maintenant peut provoquer
un effondrement social, politique ou économique ou détruire durablement
la capacité productive. La restriction budgétaire ne serait donc pas
simplement récessive à court terme mais également à long terme.
L’expansion budgétaire serait alors une condition nécessaire pour la
prospérité à long terme et la soutenabilité des finances publiques. Dans
ce schéma, notre salut exigerait que nous gardions le cap dans la
tempête.
Monsieur le Président, la pertinence de votre stratégie visant à
« équilibrer les comptes publics en 2017 » dépend de celui de ces deux
écueils que vous considérerez comme le plus menaçant ou inéluctable.
Devez-vous craindre que la négligence budgétaire finisse toujours par se
payer au prix fort ou devez-vous redouter par-dessus tout qu’une
rigueur brutale compromette le futur de notre économie et n’alimente
frustrations et désespoirs ?
Pour répondre à ces questions redoutables, les préjugés ou
l’idéologie sont de mauvais conseils. Nous vous pressons au contraire de
considérer les éléments les plus factuels :
- Les notations des dettes souveraines de pays dont les déficits et les dettes publics sont considérables, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ont été dégradées par les agences de notation sans conséquence particulière. Votre prise de fonctions ne s’est pas, elle non plus, traduite par une dégradation des conditions de financement de l’Etat. Ceci laisse à penser que les marchés comprennent, mieux, semble-t-il, que certains dirigeants, que le problème principal des finances publiques européennes n’est ni la dette ni les déficits mais bien la gouvernance de la zone euro et ses politiques monétaire et budgétaire. Un prêteur en dernier ressort ¬— il n’y en a pas en zone euro —résoudrait facilement et directement les crises de dette souveraine. L’objection voulant que cela forcerait la Banque Centrale Européenne à monétiser les dettes publiques, en violation de ses statuts et de son objectif de stabilité des prix, ne tient pas. La simple possibilité d’une monétisation réduirait en effet la prime de risque et en éliminerait la nécessité de sorte qu’il n’y aurait plus de panique autoréalisatrice sur le financement d’un Etat et de crise de dette souveraine italienne, espagnole, voire française.
- En outre, Ugo Panizza et Andrea Presbitero ont montré qu’il n’existe pas de preuve historique convaincante que la réduction de la dette engendre une croissance plus forte. Dès lors, l’affirmation courante selon laquelle la réduction de la dette publique est un prérequis à la reprise de l’activité est au mieux une corrélation, au pire fallacieuse, mais en aucun cas une causalité impliquée par les données.
- Vingt années de stagnation au Japon nous rappellent que la déflation est un piège durable et délétère. La sous-activité pousse les prix inexorablement à la baisse. Paul Krugman et Richard Koo ont montré comment les taux d’intérêt réels anticipés enclenchent une spirale de désendettement lorsque les anticipations de prix se verrouillent sur la déflation. Si de surcroît, la déflation des bilans touche le secteur bancaire, l’effondrement du crédit nourrit la contraction.
- Un des effets pervers de l’austérité budgétaire découle de la destruction de capital humain par de longues périodes de chômage. Les cohortes de jeunes qui entrent sur un marché du travail dégradé prendront un mauvais départ qui les marquera durablement. Plus longtemps le taux de chômage persistera au-dessus de son niveau d’équilibre, plus profondes seront les frustrations issues d’un avenir bouché..."
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