_____________Je m'suis fait tout seul et j'ai réussi, parce que je le vaux bien...
Moi, monsieur, j' suis parti de rien...
______________________________De rien? Vraiment?...
Personne ne se fait tout seul. L'anthropologie et la psychanalyse montrent que tout individu ne serait rien sans un milieu qui le porte, une culture qui le fait être humain...
Nous sommes donc toujours en lien avec un héritage social, un modèle familial, même si nous les ignorons ou les refusons, fortement conditionnés par des facteurs dont nous ne pouvons nous extraire qu'en partie ou en imagination. Nous sommes dépendants d'un monde humain particulier, qui nous a fait ce que nous sommes..
Mais chacun a toujours la possibilité de faire des écarts, de sortir des normes, de se distinguer, de mettre en oeuvre des capacités particulières, qui peuvent l'élever au dessus du lot et l'amener, dans certaines conditions, à une certaine réussite sociale et financière. Parfois en tant qu'héritier, parfois sans appuis particuliers.
On ne peut méconnaître la part de volonté entrepreneuriale, d'ambition exceptionnelle qui peut entraîner des individus à se dépasser et s'engager dans des aventures industrielles et financières qui font leur prospérité et leur renommée, comme Bill Gates, talentueux concepteur mais enfant de son époque technologique; on doit lui reconnaître cependant beaucoup d'opportunisme et de pratiques monopolistiques.Le désir de dépassement, de réussite sociale, qui est plutôt positif, a de profondes racines historiques, culturelles et familiales, comme Balzac l'avait bien vu..
_______Ce qui fait problème c'est la prétention à être son propre créateur, le libre sculpteur de soi-même, ne devant rien à personne
Il faut reconnaître que l'expression self-made-man est abusive et fonctionne le plus souvent de manière condescendante, culpabilisante et exclusive: les losers et les pauvres mériteraient leur sort, idée qui nous vient du darwinisme social propre au rêve américain (1)
 Le pasteur baptiste Russell Cornwel  (1853-1925) donne corps à cette fiction: « Je
 dis que vous avez le droit d’être riche, et c’est votre devoir de 
l’être. L’homme qui devient riche est peut-être l’homme le plus honnête 
de votre communauté. Je serai clair sur la chose : 98 % des hommes 
riches vivant en Amérique sont honnêtes et se sont hissés au sommet à la
 force du poignet. C’est justement la raison pour laquelle ils sont 
riches. C’est aussi la raison pour laquelle on leur fait 
confiance en matière de finance. C’est la raison pour laquelle ils ont 
créé de grandes entreprises et qu’ils ont réussi à inciter des tas de 
gens à travailler pour eux. Je compatis 
néanmoins avec ceux qui sont restés pauvres, même s’ils doivent, 
d’abord, à leur propre incompétence de n’avoir pas échappé à leur 
condition. Rappelons-nous qu’il n’y a pas une seule personne pauvre aux 
États-Unis qui n’a pas été pauvre par ses propres défauts et faiblesses. »
 Le pasteur baptiste Russell Cornwel  (1853-1925) donne corps à cette fiction: « Je
 dis que vous avez le droit d’être riche, et c’est votre devoir de 
l’être. L’homme qui devient riche est peut-être l’homme le plus honnête 
de votre communauté. Je serai clair sur la chose : 98 % des hommes 
riches vivant en Amérique sont honnêtes et se sont hissés au sommet à la
 force du poignet. C’est justement la raison pour laquelle ils sont 
riches. C’est aussi la raison pour laquelle on leur fait 
confiance en matière de finance. C’est la raison pour laquelle ils ont 
créé de grandes entreprises et qu’ils ont réussi à inciter des tas de 
gens à travailler pour eux. Je compatis 
néanmoins avec ceux qui sont restés pauvres, même s’ils doivent, 
d’abord, à leur propre incompétence de n’avoir pas échappé à leur 
condition. Rappelons-nous qu’il n’y a pas une seule personne pauvre aux 
États-Unis qui n’a pas été pauvre par ses propres défauts et faiblesses. »______Les critères de la réussite et de son coût, par exemple celle des grands capitaines d'industrie et de la finance, peuvent légitimement être contestés.
Vouloir réussir, ça peut-être raté...
Et réussir quoi? « Toute vie qui n'a pour but que de ramasser de l'argent est une piètre vie. » (disait A Carnegie, le milliardaire mécène, qui pourrait inspirer quelques winners d'aujourd'hui...)
Il y a matière à réfléchir quand on s'interroge par exemple sur le cas Tapie, figure tant valorisée dans les années 80, ou sur les conditions de la fortune de F.Pinault, l'ambition de JMMessier, le parcours de B.Arnault... à l'heure de la logique de caste et de l'aggravation des inégalités
A leur époque, Carnegie a su profiter du développement fulgurant du rail, W Buffet, Soros, du contexte spéculatif contemporain, Ford n'a pas brillé pas l'excès de scrupules, pas plus que Rockefeller...PC Roberts parlaient de nouveaux barons pillards, monopolisant les fortunes, comme le maître du crédit, J.Pierpont Morgan, fils d’un banquier, ayant hérité de son géniteur l’horreur de la concurrence « qui, dit-il, crée la banqueroute et lamine les profits » ! Pendant la Guerre de Sécession, cet adolescent prometteur achète à un arsenal, 3,5 dollars pièce, des fusils qu’il revend à un général nordiste 22 dollars chaque !"
_________Le mérite, valorisé jusqu'à l'excès, est souvent une valeur faussée, oubliant l'importance des occasions heureuses et du tissu des relations dans le succès social.
 " Aimerions-nous vivre dans une société où, comme le suggérait Nicolas 
Sarkozy en 2006, " tout se mérite, rien n'est acquis, rien n'est donné ?
 Certes le mérite n'est pas sans lien avec la démocratie. Mais il est 
aujourd'hui l'objet d'un détournement qui en fait surtout - cet essai se
 propose de le montrer - l'outil de circonstance du néolibéralisme. 
Autrefois vertu publique, le mérite se prétend désormais mesure de la 
valeur individuelle indexée sur l'effort. Ainsi est-il communément 
convié pour justifier non seulement les distinctions sociales, mais 
aussi chaque situation particulière, notamment les situations 
difficiles. Il en vient à rendre compte des épreuves comme du signe 
d'une défaillance. Chômage, maladie, rupture... voilà ce qui attendrait 
ceux qui ne font pas les efforts nécessaires pour les éviter. Nous 
entraînant à justifier l'injustifiable, le mérite ne met-il pas dès lors
 sa logique au service de la violence néo-libérale, qu'il pare d'un 
voile de légitimité ? Placé sous la double référence à Hannah Arendt et 
au paradigme du don, attentif aux liens entre mérite et reconnaissance, 
cet ouvrage avance que la force d'attraction du mérite réside dans le 
rempart fantasmatique qu'il constitue contre la précarisation 
généralisée : plus nous croyons au mérite, plus nous nous sentons 
assurés que nos efforts nous protègent. Face à la violence néolibérale 
des dominants, le mérite alimente alors une autre violence : celle du 
corps social tout entier, qui, pour conjurer l'angoisse de l'exclusion 
et de l'invisibilité sociales, stigmatise et décuple la souffrance en la
 déclarant méritée. Sous les apparences du bon sens, cette 
société du mérite généralisé ne risque-t-elle pas de nous entraîner dans
 une impasse ?"
" Aimerions-nous vivre dans une société où, comme le suggérait Nicolas 
Sarkozy en 2006, " tout se mérite, rien n'est acquis, rien n'est donné ?
 Certes le mérite n'est pas sans lien avec la démocratie. Mais il est 
aujourd'hui l'objet d'un détournement qui en fait surtout - cet essai se
 propose de le montrer - l'outil de circonstance du néolibéralisme. 
Autrefois vertu publique, le mérite se prétend désormais mesure de la 
valeur individuelle indexée sur l'effort. Ainsi est-il communément 
convié pour justifier non seulement les distinctions sociales, mais 
aussi chaque situation particulière, notamment les situations 
difficiles. Il en vient à rendre compte des épreuves comme du signe 
d'une défaillance. Chômage, maladie, rupture... voilà ce qui attendrait 
ceux qui ne font pas les efforts nécessaires pour les éviter. Nous 
entraînant à justifier l'injustifiable, le mérite ne met-il pas dès lors
 sa logique au service de la violence néo-libérale, qu'il pare d'un 
voile de légitimité ? Placé sous la double référence à Hannah Arendt et 
au paradigme du don, attentif aux liens entre mérite et reconnaissance, 
cet ouvrage avance que la force d'attraction du mérite réside dans le 
rempart fantasmatique qu'il constitue contre la précarisation 
généralisée : plus nous croyons au mérite, plus nous nous sentons 
assurés que nos efforts nous protègent. Face à la violence néolibérale 
des dominants, le mérite alimente alors une autre violence : celle du 
corps social tout entier, qui, pour conjurer l'angoisse de l'exclusion 
et de l'invisibilité sociales, stigmatise et décuple la souffrance en la
 déclarant méritée. Sous les apparences du bon sens, cette 
société du mérite généralisé ne risque-t-elle pas de nous entraîner dans
 une impasse ?"_________________
- L’illusoire méritocratie américaine

 
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