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lundi 17 décembre 2012

Famille: entre nature et culture

Quelques notes sur un débat en cours
__________________________Sur un sujet surmédiatisé, hyperconnoté religieusement et politiquement, souvent fantasmé et instrumentalisé.
Raison de plus pour y voir un peu plus clair
____Ce débat nous paraîtra sans doute bien dérisoire dans un dizaine d'années, comme lorsqu'il fut question naguère de la légalisation sur le divorce.
Certains, pas toujours croyants, y vont fort et agitent le fantasme de la décadence, de la fin de la famille traditionnelle, faisant même allusion à la fin de l'empire romain, comme les intégristes agressifs de Civitas, maurassiens très proches de l'extrême droite, dont le but est la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ (sic). D'autres, moins offensifs, mais restant dans le déni, plus puritains que les Américains, continuent à camper rigidement sur des positions traditionalistes. Se sentant déstabilisés dans leurs principes, refoulant le grand secret, ils imaginent que le mariage homosexuel va devenir une règle subversive, socialement mortelle, alors qu'il ne sera jamais que minoritaire. (1)
["En juillet 1992, le Vatican envoie une lettre aux évêques américains signée par le cardinal Ratzinger, dans laquelle les discriminations envers les homosexuels sont justifiées dans certains domaines : le droit à l’adoption, les homosexuels dans l’armée, l’homosexualité des enseignants. Ratzinger soutient que tenir compte de l’orientation sexuelle n’est pas « injuste ». Poursuivant le raisonnement, il affirme qu’en demandant des droits, les gays et les lesbiennes encourageraient les violences homophobes. « Ni l’Église ni la société ne devraient être étonnées quand les réactions irrationnelles et violentes augmentent" (sic!)  (wiki)]
Contre le "mariage incestueux" (sic)?
___Mais tous les catholiques ne partagent pas cette vision homophobe ultraconservatrice, souvent en contradiction avec les pratiques réelles .Des chrétiens, parfois de gauche, revendiquent, contre leur hiérarchie, le droit à l'union homosexuelle et même pour certains à l'adoption, sachant que la famille traditionnelle, recomposée ou non, peut ne pas être toujours le lieu d'épanouissement de l'enfant. Combien d' enfants mal aimés dans le cadre de la famille traditionnelle!..La famille idéale n'existe pas ou n'est jamais accomplie. L'amour dans le mariage n'est pas si ancien et l'infidélité (la polygamie de fait) est souvent si généralisée qu'elle en devient presque institutionnelle.
Les clivages ne sont pas que religieux, mais aussi politiques, traversant toutes les couches de la population, au sens large, reposant sur une certaine conception de la société et de la NATURE humaine, base philosophique revendiquée, spontanée, non réfléchie...C'est sur cette notion équivoque de nature, rigidement conçue, que repose toutes les positions les plus conservatrice (Tony Anaterlla). Ce qui caractérise la nature de l'homme, c'est justement, par rapport au monde animal, sa plasticité, son adaptibilité, sa flexibilité, son historicité et son extêrme diversité dans le temps et dans l'espace. La famille dans sa forme hérite aussi de telle ou telle culture.
__Certains pensent que "l’homosexualité (foncière) est anormative et continue d’être une dysfonction dans l’orientation normale de l’instinct sexuel de même que dans le développement psycho-affectif."
 Mais la notion d'instinct sexuel, au sens strict, n'a guère de sens en anthropologie
Pour Freud, l'homosexualité est la conséquence de la bisexualité précoce de l'homme, qui peut se trouver en condition d'être orientée dans l'une ou l'autre direction, chaque sexe comportant une part de l'autre, à des degré divers. 
__L'homosexualité est aussi vieille que l'humanité, mais dans nos sociétés, elle a été longtemps condamnée, reléguée, voire persécutée. Quand on fait un peu d'histoire et d'ethnologie, on est aussi frappé par l'extrême variété des formes d'organisation familiale. Le mariage tel qu’il existe en Europe a une histoire complexe en Occident même. Son caractère de sacrement est datable (1184). Sans parler de la bisexualité prônée par les Grec classiques, on peut évoquer les formes de matriarcat encore en usage en Chine du Sud. Le mariage classique est devenu aujourd'hui problématique. La nature ne connaît pas la famille, sur laquelle on ne peut réfléchir en dehors de cadres historiques et culturels déterminés.
Depuis l'aube de l'humanité, la culture a marqué très diversement le fait biologique de la reproduction, de la sexualité humaine. Celle-ci, comme construction sociale, a connu des configurations variées, aussi loin que remonte l'enquête historique.
_______________Comme le remarque l'EU, "Il n'existe pas d'état de nature de la sexualité humaine, qui est toujours déjà une expression de l'histoire et de la culture. La construction culturelle ne vient donc pas censurer un prétendu instinct naturel, mais elle établit ou modifie les bases sociales de l'interaction sans laquelle rien de sexuel ne saurait jamais advenir. Alors qu'au sein d'une espèce animale le comportement sexuel est uniforme et stéréotypé, l'espèce humaine a inventé un grand nombre de répertoires sexuels. En témoigne la diversité des pratiques, des représentations et des normes dans les divers segments d'une même société, dans des sociétés différentes ou d'époques historiques distinctes. La sexualité humaine est la seule à connaître cette historicité, cette sensibilité à l'organisation sociale, cette obligation de faire sens.
Mariage dans l'histoire
Longtemps pourtant, sexualité et reproduction humaines avaient fait à tel point partie intégrante de l'ordre du monde qu'elles n'étaient pas perçues comme un domaine à part, qui aurait obéi à des lois particulières. La procréation était inscrite dans une métaphysique, embrassant la nature et les corps, qui témoignaient d'un ordre des sexes immuable, et de sociétés se reproduisant à travers l'alliance et la filiation.
Cet ordre a cessé d'aller de soi. Une étape importante est l'apparition en Occident, dans la seconde moitié du xixe siècle, du terme même de sexualité et de savoirs qui la prennent pour objet, en rupture avec le discours religieux traditionnel sur la chair, parallèlement à l'invention de techniques et de disciplines du corps qui distinguent strictement le normal et l'anormal, comme l'a montré Michel Foucault dans le premier volume de son Histoire de la sexualité. La médecine se constitue alors comme le savoir de référence sur la sexualité. L'Occident contemporain est aussi le premier à connaître l'expérience d'une réduction volontaire de sa fécondité, qui est allée de pair avec l'émergence de nouvelles attitudes en matière de rapports conjugaux et amoureux et d'une nouvelle conception de la différence des sexes, désormais"
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(1)• Le mariage homosexuel est « une aberration anthropologique » (Christian Vanneste, ex-député UMP, aujourd’hui RPF, juin 2011) ;
• « Bientôt, on va nous dire que l’homosexualité est naturelle… Comme si la nature choisissait d’autodétruire une espèce »
 (Noël Faucher, maire de Noirmoutier, mai 2012) ;
• L’union homosexuelle « remet en cause l’ordre naturel des choses dans une volonté prométhéenne de reconstruire l’humanité » (Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, 15 septembre 2012) ;
• « Si on accepte le mariage homosexuel, on sera amené à accepter la polygamie » (Christine Boutin, présidente du parti démocrate-chrétien, 4 octobre 2012) ;
• Le mariage gay nie la « réalité biologique » (Marine Le Pen, 8 novembre 2012) ;
• « Il n’y a pas d’humanité sans différence des sexes… Il n’y a pas de reproduction hermaphrodite parmi les hommes » (Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris, 20 novembre 2012).
____Cet échantillon est loin d’être exhaustif. Au-delà de leur homophobie, latente ou assumée ouvertement, ces énoncés renvoient à une certaine vision de la nature, censée définir une norme de ce qui est acceptable dans l’ordre humain.
Or, cette vision est simpliste et erronée. Elle s’appuie sur l’empilement de quatre idées fausses : 1°) la nature exclurait l’homosexualité ; 2°) l’ordre naturel fournirait une base légitime pour les lois humaines ; 3°) les règles du mariage devraient être calquées sur le modèle de la reproduction naturelle ; 4°) le mariage pour tous serait la porte ouverte à tous les abus. Comme on va le voir, aucune de ces quatre idées ne résiste à l’examen...
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Michel Serres s'est amusé à imaginer la personne de Jésus comme défenseur d'une famille atypique:
"Cette question du mariage gay m'intéresse en raison de la réponse qu'y apporte la hiérarchie ecclésiale. Depuis le Ier siècle après Jésus-Christ, le modèle familial, c'est celui de l'Eglise, c'est la Sainte Famille. Mais, examinons la Sainte Famille. Dans la Sainte Famille, le père n'est pas le père : Joseph n'est pas le père de Jésus, le fils n'est pas le fils : Jésus est le fils de Dieu, pas de Joseph. Joseph, lui, n'a jamais fait l'amour avec sa femme. Quant à la mère, elle est bien la mère mais elle est vierge. La Sainte Famille, c'est ce que Lévis-Strauss appellerait la structure élémentaire de la parenté. Une structure qui rompt complètement avec la généalogie antique, basée jusque-là sur la filiation : la filiation naturelle, la reconnaissance de paternité et l'adoption. Dans la Sainte Famille, on fait l'impasse tout à la fois sur la filiation naturelle et sur la reconnaissance pour ne garder que l'adoption. L'Eglise, donc, depuis l'Evangile selon saint Luc, pose comme modèle de la famille une structure élémentaire fondée sur l'adoption : il ne s'agit plus d'enfanter mais de se choisir. A tel point que nous ne sommes parents, vous ne serez jamais parents, père et mère, que si vous dites à votre enfant "je t'ai choisi", "je t'adopte car je t'aime", "c'est toi que j'ai voulu". Et réciproquement : l'enfant choisit aussi ses parents parce qu'il les aime. De sorte que pour moi, la position de l'Eglise sur ce sujet du mariage homosexuel est parfaitement mystérieuse : ce problème est réglé depuis près de deux mille ans. Je conseille à toute la hiérarchie catholique de relire l'Evangile selon saint Luc, ou de se convertir."(MS)
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- Le mariage gay "ne détruira ni la famille ni la société"
- La vieille peur de l’Eglise depuis la révolution
- L’enseignement catholique joue son identité

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