Etranges dérives
On peut parler de la mort sans évoquer les aspects de morbidité qu'ils accompagnent parfois.
La mort est ce qu'elle est: naturelle et universelle.
Incontournable et implacable.
Ce n'est pas la révolte qui peut nous guérir de son horizon indépassable, mais la résignation apaisée et la sérénité. Comme dit Montaigne;: Il n'y a rien de mal en la vie pour celui qui a bien compris que la privation de la vie n’est pas mal.
Elle est même le principe du vivant.
Mais, historiquement, il n'est pas rare que la morbidité envahisse l'esprit des hommes, plus ou moins intensément, selon les individus, les cultures, les période historiques, de manière épisodique et légère ou prolongée et profonde.
Du point de vue de la raison, la mort n'est rien, comme le dit Epicure
Le cimetière est un dortoir paisible: le mot vient du latin coemeterium, devenu cimiterium (Bas-Empire), issu du grec ancien κοιμητήριον, koimêtêrion (« lieu pour dormir, dortoir »).
Même si son acceptation sereine fait problème, du point de vue du désir et de l'imagination.
Celle-ci est conditionnée par les cultures, les époques, les croyances, les circonstances.
Les événements dramatiques favorisent parfois le développement du macabre, cette étrange valorisation, cette curieuse complaisance, cette fascination trouble pour tout ce qui touche à la mort et à ses conséquences, qui en vient parfois à se développer dans certaines circonstances particulières, au point de produire des formes de représentations, parfois artistiquement élaborées
La psychanalyse peut en partie expliquer pourquoi cette blessure nacissique qu'est la mort peut générer de tels fantasmes individuels..
Pour ce qui est du collectif, les malheurs accumulés d'une époque peuvent produire des représentations hautement élaborées et partagées de scènes qu'on appellerait glauques aujourd'hui.
On pense aux cultes tournant autour de la mort au Mexique.
La danse macabre est une des manifestations culturelles les plus connues, sous ses formes les plus diverses.
Au milieu du XIV° siècle, une épidémie de peste décime environ un tiers de l’Europe : une personne sur trois meurt. La mort fournit matière à sermons : on exhibe des cadavres pour faire la morale. Puis… le contraire:
Au XVe siècle, le cimetière est une place publique : on y vend à boire, à baiser et à manger. On va s’y distraire ou s’y édifier. C’est un «espace de sociabilité intense, de processions, de foires, de commerce, de prostitution même», explique l’historien Philippe Kaenel, citant Le Journal d’un bourgeois de Paris au Moyen Âge qui rapporte qu’en 1429 : «le frère Richard prêcha pendant toute une semaine, aux Innocents, chaque jour, de 5 heures du matin jusqu’à 10 ou 11 heures, devant un auditoire de 5 à 6 000 personnes. Il prêchait du haut d’une estrade […] le dos tourné au charnier». Les cimetières sont des lieux privilégiés pour toucher un auditoire large. C’est donc dans les cimetières qu’apparaissent les premières danses macabres.
Diverses formes d'expression artistique exploitent ce thème à profusion, derrière lequel s'exprime aussi une critique sociale, l'occasion de fustiger les puissants. ..
La mort et l'amour s'y associent aussi.
Le théâtre, mais aussi la poésie, plus tard, tourneront parfois autour de ce thème, dont certains romantiques s'emparent..
Ces thèmes morbides n'ont pas quitté certaines formes marginales d'expression musicale et cinématographique d'aujourd'hui. Même sous des formes inattendues. Sans doute un retour du refoulé, dans nos sociétés qui tendent (vainement) à escamoter la mort.
L'humour reste un bon moyen de défense contre la morbidité toujours menaçante. Surtout quand il est noir, à certaines conditions.
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