Pas seulement nos rues.
Hors de lui, point de salut.
L'anglais, du moins celui que nous parlons mal facilement, comme disait Churchill, est devenu notre nouveau latin, avec la montée en puissance technologique de l'empire, avec le triomphe de la Silicon Valley, avec la numérisation galopante d'une grande partie de notre vie, dont les clés sont ailleurs.
La langue ou la sous-langue du colonisateur fait florès jusque dans nos rues, se niche dans moindre aspect de notre vie quotidienne, jusqu'au coiffeur du coin qui a mis son enseigne = l'heure de Londres ou le petit restaurateur qui ne fait plus la cuisine, mais des happy meal..
Un globish à tout faire.
Dans le monde des open space, on jargonne sans retenue un globish douteux.. A Science Po, on se démarque du vulgum pecus. Les élites se délitent.
La langue de Shakespeare et ses dérivés ont pris le haut du pavé dans notre enseignement.
Certains résistent encore, mais au Québec. La dérive est constante depuis plus de vingt ans
C’est dès les années 60 qu’apparaissent les prémisses de la démission linguistique de nos élites. Le général de Gaulle comme Georges Pompidou ont une conscience aiguë du danger. Ce dernier définira clairement l’importance de l’enjeu : « Si nous reculons sur notre langue, nous serons emportés purement et simplement. C’est à travers notre langue que nous existons dans le monde autrement que comme un pays parmi les autres ».
Mais ce phénomène de démission, jusque-là marginal, prendra une autre dimension quand l’exemple du renoncement viendra de la tête de l’État. Le signal, l’acte spectaculaire de capitulation linguistique, date du 27 mai 1974, jour de l’élection à la présidence de la République de Valéry Giscard d’Estaing : reléguant le français au rang d’un patois local, c’est en anglais qu’il commenta sa victoire devant la presse étrangère. Le nouveau président enfoncera le clou en 1976 à la Nouvelle-Orléans où il prononcera son discours exclusivement en anglais devant des milliers de Cajuns catastrophés par une telle trahison !
La francophonie reste...des mots. Words!
A Bruxelles, le français, pourtant officiel, est délaissé de plus en plus. Dans les grandes entreprises, des notes de services circulent maintenant en anglais, sans justification aucune.
Le globish déferle dans tous les secteurs:
En effet, La loi Fioraso a institué l’anglais comme langue de l’Université et les quelques restrictions cosmétiques apportées à cette loi ne sont pas respectées--Les services publics et les entreprises détenues et/ou pilotée par l’Etat (Poste, SNCF, Air-France, EDF, etc.) multiplient les produits dénommés en anglais au mépris des usagers francophones et des étrangers non anglophones qui résident dans notre pays--Les publicités diffusées aux heures de grande écoute par les médias, y compris publics, sont fréquemment rédigées en anglais ou en franglais sans que cela n’émeuve en rien le « Conseil supérieur de l’audiovisuel »--Le gouvernement s’apprête à céder au chantage d’un magnat de la production cinématographique qui prétend obtenir des fonds publics pour tourner ses superproductions en anglais--Une initiative de l’Inspection d’anglais invite les professeurs de cette discipline à militer pour l’enseignement en anglais des autres disciplines !--Un cartel de radios commerciales prétend de fait en finir avec les quotas de chanson francophone passant à l’antenne, alors même que les jeunes chanteurs francophones ont de plus en plus de mal à trouver des lieux d’accueil, de lancement et de diffusion--Nombre de colloques universitaires ou scientifiques se tenant en France contournent la langue de Victor Hugo et d’Aragon bien que ces institutions bénéficient du financement public issu des impôts de tous : que devient le devoir pour les intellectuels et des savants, que proclama initialement Descartes en 1637 (Discours de la méthode), de s’exprimer dans la langue d’usage de la population ? --Que devient le droit de comprendre de nos contemporains quand trop de pseudo-experts, de publicitaires, de journalistes s’adressent au public avec des expressions que la majorité des citoyens ne comprend pas ou que pire, elle comprend de travers ?__Nombre d’entreprises imposent à leurs salariés de travailler en anglais ou en jargon franglais, ce qui est source d’humiliation, de discriminations et d’insécurité ; certains secteurs économiques ne recrutent plus que des cadres supérieurs « English Mother Tongue », ce qui institue une préférence nationale à l’envers, symétrique de la honteuse « préférence nationale » lepénisteLes quelques protections qui subsistent encore autour de notre langue commune sauteraient bien évidemment avec la mise en place du « Grand Marché Transatlantique », dit TAFTA, que les autorités françaises et européennes négocient actuellement dans le dos des citoyens__L’UE révèle sa nature dictatoriale en méprisant ses propres traités qui l’obligent à respecter le plurilinguisme : l’anglais devient de facto la seule langue officielle de l’UE et le gouvernement français tolère que Pierre Moscovici, actuel commissaire européen et ancien ministre français, écrive ses « lettres de cadrage » (fustigeant tous les acquis sociaux de notre peuple) en anglais à Michel Sapin. __Déjà, la ministre sarkozyste Christine Lagarde, dite « Lady The Guard », prétendait obliger les hauts cadres du ministère des finances à correspondre en anglais à l’interne !__Le patronat « français » et européen pousse honteusement à la roue : on se souvient du mot du Baron Seillières devenu président du super-syndicat patronal « Businesseurope » et déclarant devant Jacques Chirac : « désormais je ne vous parlerai plus qu’en anglais, la langue des affaires et de l’entreprise ».__La langue de travail de l’armée française asservie à l’OTAN et à ses entreprises prédatrices devient l’anglais sans que cela émeuve le haut encadrement de la défense de moins en moins « nationale » et de plus en plus atlantique et néocoloniale...
And so on...
Alors que le français (entre autres) a façonné l'anglais.
Oui à l'anglais. Non à l'anglais envahissant!
Résister à la pulsion mimétique anglo-saxonne, c'est résister à une forme de sujétion, car une langue n'est jamais neutre, elle véhicule et impose ses modèles.
L'anglomanie vire vite à l'anglocratie.
On l'a déjà dit: La fuite en avant vers le tout-anglais correspond à des rapports de forces politiques clairement explicités:
A l'heure ou le libre-échange euro-américain va se mettre en place, il faut se remettre en mémoire quelques affirmations non dépourvues d'ambiguïtés:
-"L'Anglais est la langue du vainqueur", disait le général Jean Béca
-« L’anglais est l’avenir de la francophonie », osait B.Kouchner
-Dans son rapport de 1987/88, le directeur du British Council écrit « Le véritable or noir de la Grande-Bretagne n’est pas le pétrole de la Mer du Nord mais la langue anglaise . Le défi que nous affrontons est de l’exploiter à fond. »
-« Il y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le Monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais et que, s’il s’oriente vers des normes communes en matière de communication, de sécurité et de qualité, ces normes soient américaines et que, si ses différentes parties sont reliées par la télévision, la radio et la musique, les programmes soient américains ; et que, si s’élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles les américains se reconnaissent...Les Américains ne doivent pas nier le fait que, de toutes les nations dans l’histoire du monde, c’est la leur qui est la plus juste, la plus tolérante, la plus désireuse de se remettre en question et de s’améliorer en permanence, et le meilleur modèle pour l’avenir ...affirmait David Rothkopf dans Praise of Cultural Imperialism, 1997)
Une langue n'est pas neutre et son abandon ou son affaiblissement progressif à des incidences sur les structures de la pensée, sur sa maîtrise.
Mais le soft power a sa logique.
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Le New York Times lui-même se moquait avec mordant de ce que nous sommes devenus:
"...Ce phénomène d’anglomanie qui semble se généraliser dans toute la France et dont les illustrations ne laissent pas d’étonner. La langue de tous les jours en est affectée ; dans les commerces, les médias, les publicités, en politique, on emprunte directement à l’anglais pour faire moderne, tendance, à la page, pour se distinguer de la « plèbe » restée franchouillarde, pour marquer son appartenance à un monde unifié, globalisé, interconnecté, électrostatique, sans frontières. Les emprunts à l’anglais sont de plus en plus délibérés, choisis à la manière d’une signature, d’un logo, d’une image de marketique qu’on lance à la volée pour épater le Gaulois ; plus l’emprunt est fracassant, grossier, tonitruant, meilleure est la réclame. Ainsi à la télévision française organise-t-on des « Talk », comme si la langue française était sans ressource pour nommer une émission de variété. Même le monde de la littérature se place sous le patronage de l’anglo-américain. Ainsi, s’inspirant du Courrier International, pourtant fondé comme une entreprise d’ouverture à la diversité linguistique, un magazine de recensions de livres a pris le nom de Books , façon désinvolte d’annexer une publication française au modèle anglo-saxon de revue littéraire (comme le New York Review of Books). Sur la scène parisienne, se faire jouer les trésors de la littérature française en anglais semble être du plus grand chic : ainsi le renommé théâtre du Châtelet a-t-il mis à l'affiche du 28 mai au 4 juillet 2010 une production anglaise de la comédie musicale Les Misérables d'Alain Boublil et de Claude-Michel Schönberg originalement conçue en français d'après le célèbre roman de Victor Hugo. (Quand verra-t-on sur les scènes londoniennes une comédie musicale Hamlet ou King Lear en français?)
Dans les grandes entreprises françaises, l’anglais a supplanté le français dans les rouages névralgiques; mêmes les entreprises à vocation strictement nationale voient arriver à leur tête des armées de jeunes managers formés à l’anglo-saxonne, pressés d’appliquer les recettes apprises en anglais à la lecture de manuels américains. Les universitaires français se convertissent aussi frénétiquement à l’anglais. Le prestige des publications dans les grandes revues et maisons d’éditions françaises a faibli ; les embauches dans les universités, les promotions, les honneurs se jouent de plus en plus sur la capacité à publier en anglais dans les forums mondialement cotés, à s’insérer dans les réseaux de recherche « européens » où tout se décline en anglais. Les grandes écoles et les universités françaises, au nom d’une autonomie fraîchement accrue, multiplient les programmes et les formations bilingues ou donnés strictement en anglais, dans l’espoir de toucher une part du marché lucratif des étudiants étrangers qui rêvent de vivre « a french experience » sans dépaysement linguistique. Il n’est pas rare que des professeurs français se vantent de donner leur cours en anglais, sans protestation des bacheliers français, au grand dam des étudiants…. étrangers que la France séduit encore par la langue et la culture. Même le vocabulaire de la politique française se ressent de cette anglomanie. Le secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, a proposé en avril 2010 de renouveler les politiques sociales françaises en s’inspirant du « care » britanniquev. La diplomatie française s'est mise aussi à l'english, en publiant, sous l'impulsion de Bernard Kouchner, ses cahiers (Mondes) en version bilingue. On applaudit même en France à « l'impérialisme cool de l'anglais », ainsi que l'a fait le thuriféraire de la culture américaine Frédéric Martel, dans un texte publié dans Le Point du 28 juillet 2010, « Français, pour exister, parlez English », où il clame sans ambages sa conviction que le français est incapable d'être autre chose qu'une langue de Gaulois rétifs à la modernité, sans dimension internationale ni même européenne.
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Le New York Times lui-même se moquait avec mordant de ce que nous sommes devenus:
"...Ce phénomène d’anglomanie qui semble se généraliser dans toute la France et dont les illustrations ne laissent pas d’étonner. La langue de tous les jours en est affectée ; dans les commerces, les médias, les publicités, en politique, on emprunte directement à l’anglais pour faire moderne, tendance, à la page, pour se distinguer de la « plèbe » restée franchouillarde, pour marquer son appartenance à un monde unifié, globalisé, interconnecté, électrostatique, sans frontières. Les emprunts à l’anglais sont de plus en plus délibérés, choisis à la manière d’une signature, d’un logo, d’une image de marketique qu’on lance à la volée pour épater le Gaulois ; plus l’emprunt est fracassant, grossier, tonitruant, meilleure est la réclame. Ainsi à la télévision française organise-t-on des « Talk », comme si la langue française était sans ressource pour nommer une émission de variété. Même le monde de la littérature se place sous le patronage de l’anglo-américain. Ainsi, s’inspirant du Courrier International, pourtant fondé comme une entreprise d’ouverture à la diversité linguistique, un magazine de recensions de livres a pris le nom de Books , façon désinvolte d’annexer une publication française au modèle anglo-saxon de revue littéraire (comme le New York Review of Books). Sur la scène parisienne, se faire jouer les trésors de la littérature française en anglais semble être du plus grand chic : ainsi le renommé théâtre du Châtelet a-t-il mis à l'affiche du 28 mai au 4 juillet 2010 une production anglaise de la comédie musicale Les Misérables d'Alain Boublil et de Claude-Michel Schönberg originalement conçue en français d'après le célèbre roman de Victor Hugo. (Quand verra-t-on sur les scènes londoniennes une comédie musicale Hamlet ou King Lear en français?)
Dans les grandes entreprises françaises, l’anglais a supplanté le français dans les rouages névralgiques; mêmes les entreprises à vocation strictement nationale voient arriver à leur tête des armées de jeunes managers formés à l’anglo-saxonne, pressés d’appliquer les recettes apprises en anglais à la lecture de manuels américains. Les universitaires français se convertissent aussi frénétiquement à l’anglais. Le prestige des publications dans les grandes revues et maisons d’éditions françaises a faibli ; les embauches dans les universités, les promotions, les honneurs se jouent de plus en plus sur la capacité à publier en anglais dans les forums mondialement cotés, à s’insérer dans les réseaux de recherche « européens » où tout se décline en anglais. Les grandes écoles et les universités françaises, au nom d’une autonomie fraîchement accrue, multiplient les programmes et les formations bilingues ou donnés strictement en anglais, dans l’espoir de toucher une part du marché lucratif des étudiants étrangers qui rêvent de vivre « a french experience » sans dépaysement linguistique. Il n’est pas rare que des professeurs français se vantent de donner leur cours en anglais, sans protestation des bacheliers français, au grand dam des étudiants…. étrangers que la France séduit encore par la langue et la culture. Même le vocabulaire de la politique française se ressent de cette anglomanie. Le secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, a proposé en avril 2010 de renouveler les politiques sociales françaises en s’inspirant du « care » britanniquev. La diplomatie française s'est mise aussi à l'english, en publiant, sous l'impulsion de Bernard Kouchner, ses cahiers (Mondes) en version bilingue. On applaudit même en France à « l'impérialisme cool de l'anglais », ainsi que l'a fait le thuriféraire de la culture américaine Frédéric Martel, dans un texte publié dans Le Point du 28 juillet 2010, « Français, pour exister, parlez English », où il clame sans ambages sa conviction que le français est incapable d'être autre chose qu'une langue de Gaulois rétifs à la modernité, sans dimension internationale ni même européenne.
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