Là où ne l'attendait pas
Il revient par la petite porte, au paradis du capitalisme triomphant, des crises économiques profondes, destructrices et périodiques, des inégalités galopantes.
Après avoir été longtemps ignoré, vilipendé, combattu sous le Maccarthisme (alors qu'il ne s'agissait que du stalinisme, qui n'était qu'un triste avatar), il devient chez certains jeunes une grille d'analyse pour comprendre les profonds dysfonctionnements qui affectent leur société.
Une certaine droite française et étrangère a et a eu aussi sa marxophilie.
Alors que le mot même de "socialisme" était frappé d'ignominie, il semble que de plus en plus d'intellectuels se tournent vers le penseur de Trèves pour y trouver une grille d'analyse, au moins pour comprendre les profonds désordres et contradictions qui perturbent leur société, qui n'a de démocratie que de nom, selon le journaliste John McArthur.
Comme Freud qui fut largement incompris à son époque lors d'une tournée de conférences Outre-Atlantique, la pensée de Marx n'intéressa qu'une infime frange d'intellectuels isolés. Il semble que ce soit en train de changer, des années après le spectre de la guerre froide, où l'on entretint, par ignorance ou par volonté, par idéologie surtout, la confusion entre les analyses marxiennes et la politique d'un régime qui se réclamait de lui, alors qu'on prête au compagnon de Engels, qui voulait dépasser Smith et de Ricardo, le fameux je ne suis pas marxiste, anticipant sur des formes d'exploitation de sa pensée qu'il envisageait comme inévitables.
Revenir aux sources, après les tentatives d'une certaine nouvelle gauche, semble être une nécessité pour ceux qui veulent retrouver les textes mêmes, pour sortir, surtout depuis Reagan, du piège de la pensée néolibérale de Hayek et de l'école de Chicago, qui n'est qu'une apologie des affaires, de la finance à tous prix, et de la dérégulation généralisée.
Sans doute la lecture de Thomas Piketty, qui eut un certain succès dans les milieux intellectuels de là-bas, contribua-t-il à un regain d'intérêt.
Le cadavre de Marx bouge encore, même si sa pensée, comme toute pensée, demande une critique sur certains points et une correction sur d'autres, de même qu'un adaptation.
Les critiques qu'il fait du capitalisme de son époque sont largement indépassables. Il aurait sans doute su interpréter les profondes crises du capitalisme de la nôtre, qui a pris de nouvelles formes, retrouver la logique d'un développement historique où les hommes se croient libres, font l'histoire tout en ignorant l'histoire qu'ils font.
L'épouvantail marxiste semble avoir cessé de fonctionner dans le temple d'un capitalisme qui prétend servir de modèle pour le monde entier.
Il y a encore beaucoup à apprendre (et à approfondir) de ses critiques, notamment de la valeur-fétiche qu'a pris l'argent dans nos sociétés, qui est devenu une fin et non plus un moyen:
....L’argent, moyen et pouvoir de convertir la représentation en réalité et la réalité en simple représentation, transforme tout, aussi bien les forces essentielles réelles et naturelles de l’homme en représentations purement abstraites et par suite en imperfections, en chimères douloureuses, que d’autre part il transforme les imperfections et chimères réelles, les forces essentielles réellement impuissantes qui n’existent que dans l’imagination de l’individu, en forces essentielles réelles et en pouvoir. Déjà, d’après cette définition, il est donc la perversion générale des individualités, qui les change en leurs contraires et leur donne des qualités qui contredisent leurs qualités propres. Il apparaît alors aussi comme cette puissance de perversion contre l’individu et contre les liens sociaux qui prétendent être des essences pour soi. Il transforme la fidélité en infidélité, l’amour en haine, la haine en amour, la vertu en vice, le vice en vertu, le valet en maître, le maître en valet, le crétinisme en intelligence, l’intelligence en crétinisme. Comme l’argent, qui est le concept existant et manifeste de la valeur, confond et échange toutes choses, il est la confusion et la permutation universelle de toutes choses, donc le monde à l’envers, la confusion et la permutation de toutes les qualités naturelles et humaines. Qui peut acheter le courage est courageux, même s’il est lâche. Comme l’argent ne s’échange pas contre une qualité déterminée, contre une chose déterminée, contre des forces essentielles de l’homme, mais contre tout le monde objectif de l’homme et de la nature, il échange donc – du point de vue de son possesseur – toute qualité contre toute autre – et aussi sa qualité et son objet contraires ; il est la fraternisation des impossibilités...._
Comme dit l'économiste orthodoxe Roubini, qui avait prévu la crise financière récente, Marx a encore des choses à nous dire. A condition de bien le relire. La critique de l'économie politique s'impose toujours.
Quant à devenir le livre de chevet de Donalt Trump, il faudra encore attendre....
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