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vendredi 8 juin 2018

Une loi impossible

Législation à risques      [Points de vue]
                                                      C’était une promesse de campagne doublée d’une affaire personnelle. Pris pour cible par les médias de propagande russes (notamment Sputnik) pendant la présidentielle, Emmanuel Macron avait juré de régler leur compte aux fake news. Jeudi 7 juin, les députés commencent à débattre de la proposition de loi relative à la lutte contre « la manipulation de l’information » en période électorale. Soit « toute allégation ou imputation d’un fait dépourvue d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable ». Le Conseil d’Etat avait déjà froncé le nez : définition trop floue, responsabilités des réseaux sociaux mal définie. C’est désormais au tour de l’opposition de faire rempart de son corps. A l’unisson, Les Républicains, la France Insoumise et le Front national assurent que c’est la liberté d’expression qu’on met à mort. Posture de bonne guerre. Mais il faut surtout guetter la réaction inquiète des magistrats, qui seront chargés – en quarante-huit heures – d’ordonner le vrai et le faux et de consacrer la vérité. Une tâche impossible et vaine, quand la loi de 1881 punit déjà… la diffusion de fausses nouvelles. (Télérama)
      En effet, c'est jouer les apprentis sorciers que de vouloir réguler par la loi un domaine si varié, si complexe, si sensible, si contesté, où souvent nul, même l'Etat, ne peut sans parti pris se prétendre défenseur de LA vérité.
   Il s'agit d'éduquer, non pas de légiférer. Et ceci dès l'école primaire, ce socle incontournable de formation du jugement, du discernement, du doute méthodique.
   ... Une fausse information y est par ailleurs définie comme “toute allégation ou imputation d'un fait dépourvue d'éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable”. Une fois saisi, le juge aura quarante-huit heures pour se prononcer.
Le problème est que cette définition est tellement vague qu'on ne sait pas bien ce qui peut tomber sous le coup de cette loi. Après tout, si les gens étaient d'accord sur ce qui constitue des éléments vérifiables de nature à rendre une allégation vraisemblable, ça se saurait. Il est fort probable que, selon le juge qui aura à décider, la décision sera différente. Une loi aussi vague est en effet une invitation à l'arbitraire et, s'il y a une chose dont on peut être certain, c'est que si une loi permet les abus alors il y en aura. De la même façon, la question de savoir si la diffusion d'une information est “de nature à altérer la sincérité du scrutin” n'admet souvent pas une réponse claire, mais il faudra pourtant bien que le juge se prononce.    Pire, il n'aura que quarante-huit heures pour se prononcer, autant dire rien du tout. Quand on sait le nombre de dossiers qui arrivent chaque jour sur le bureau des juges, et la difficulté qu'il y a à déterminer si une information tombe sous le coup de cette loi dans un grand nombre de cas, on peut légitimement craindre que la censure ne s'abatte sur beaucoup d'informations qui, vraies ou fausses, devraient faire l'objet d'un débat et pas d'une ordonnance de justice. C'est d'autant plus vrai que, à en juger par la façon dont la justice française utilise l'arsenal législatif déjà existant, on peut douter que, dans la plupart des cas, le juge des référés se prononcera dans le sens de la liberté d'expression en cas de doute
            Ce que l'on appelle fake news, fausses rumeurs ou propagande, comme on veut, est déjà une vieille histoire, même si les actuelles tensions internes et externes et le développement fulgurant des canaux numériques permettent l'accès à toutes sortes d'informations plus ou moins fiables. Le temps de la réflexion s'en trouve diminué, ainsi que la vérification des sources et la confrontation des données. La difficulté de l'analyse critique des points de vue, des idéologies et des intérêts à l'échelle planétaire n'arrange rien, comme la rapidité des actions et des réactions. 
        Une démocratie politique est à son meilleur quand les désaccords ne sont pas réglés par la force ou la manipulation, mais par l’appel à des faits, des données et des valeurs partagées...» 
   
   Ce problème agite toute l' l’Europe. Des incitation à l'autorégulation par ici,  La Suisse, en 2017, a elle aussi renoncé à légiférer et a indiqué ne pas avoir vu « dans quelle mesure une réglementation étatique était nécessaire ».
         Comme si les organes d'Etat étaient à l'abri de la diffusion de nouvelles fausses ou tronquées,  comme si la presse ayant pignon sur rue était toujours fiable, parfaitement indépendante...             ....force est de constater que le 1984 de George Orwell n’est qu’un conte enfantin au regard des montages actuelles de l’idéologie dominante. Dans tous les cas de figures – et pour tenter d’y voir plus clair – on lira avec la plus grande attention l’indispensable manuel de résistance de François-Bernard Huyghe: La grande peur.
                 Bref, il y a lieu de raison garder et de revoir ce dossier si flou et potentiellement dangereux.
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La grande guerre des « fake news »
- Les fausses nouvelles et la guerre.
- La rumeur d'Orléans.
- Bobards et politiques.
- BHL et ses fake news.
Avec la loi "fake news" de Macron, le scoop sur le "Rainbow Warrior" aurait-il pu être censuré ?
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