Mettre un pied devant l'autre...
La marche, c'est l'homme.
Leroi-Gourhan disait que " l'homme commence par les pieds " - La marche nous rappelle la bipédie et aussi ce qu'elle nous a offert : nos mortelles civilisations...
Marcher redevient à la mode, pour les sédentaires que nous sommes devenus, saturés de tout. Retrouver un rythme lent, un regard qui décentre, un intérêt souvent perdu pour le milieu et un rythme maîtrisé.
Bien au-delà des habitudes,des modes et des contraintes de la course, du jogging imposé. Savoir s'arrêter, regarder, se fatiguer sainement et ré-ouvrir les yeux sur le plus proche, le plus fondamental, le plus vital.
Retrouver le sens de la lenteur. Une lenteur maîtrisée, une lenteur réfléchie. Pour retrouver en quelque sorte l'élémentaire.
Faut-il dire avec Nietzsche que seules les pensées qui viennent en marchant valent quelque chose?
Il y a marche et marche...
"On évitera de croire que la marche est un sport. Pas même un loisir, encore moins un divertissement. Au contraire, si l'on en croit Frédéric Gros, ce serait plutôt une ascèse, au vieux sens grec - exercice, entraînement -, qui nous ramène à l'essentiel, c'est-à-dire à ce presque rien que nous sommes, présent-absent dans le monde, ne faisant qu'y glisser." (RP .D)
"Marcher, une philosophie", comme le dit Frédéric Gros:
"C'est ce qu'il fait valoir, dans un admirable petit livre qui ravira même les incurables sédentaires, ceux que Nietzsche appelait "culs-de-plomb". Car personne, après tout, n'est obligé de pratiquer la randonnée pédestre pour prendre plaisir et intérêt à cette prose intelligente et claire - rare, somme toute. Philosophie, ici, ne signifie ni pédanterie ni jargon. Frédéric Gros réinvente, à l'antique, une méditation qui accompagne le mouvement du corps et en creuse les sensations."En marchant, écrit-il, on échappe à l'idée même d'identité, à la tentation d'être quelqu'un, d'avoir un nom et une histoire." On songe à Michel Foucault, que Frédéric Gros a étudié, édité et commenté, disant : "J'écris pour n'être personne." Ecrire, marcher, serait-ce la même chose ? La parenté existe : nombreux sont les écrivains-penseurs-marcheurs. On en croise certains au fil des pages, depuis Nietzsche arpentant l'Engadine ou les collines niçoises jusqu'à Gandhi nomadisant en Inde avec la marche pour action, sans oublier ces promeneurs célestes que furent Rimbaud, Rousseau ou Thoreau. Contrairement à Kant, hygiéniste et métronome, ils convainquent que sur terre l'homme habite en marcheur. En parcourant le monde à pied, ne fût-ce que quelques heures ou quelques jours, on le voit tout différemment. Et l'on se voit soi-même autre.Car la marche insiste sur les articulations, en particulier celle du corps et de l'âme. Elle métamorphose le temps, impose fatigue à la pensée, se fait subversion ou vacuité. En pérégrinant, on se perd et se retrouve, comme en tout exercice spirituel. On cesse de s'affairer, on crée parfois. Nietzsche avait les sentiers pour atelier, d'autres y élaborent des psaumes. "Marcher fait venir naturellement aux lèvres une poésie répétitive, spontanée, des mots simples comme le bruit des pas sur le chemin."On évitera donc de croire que la marche est un sport. Pas même un loisir, encore moins un divertissement. Au contraire, si l'on en croit Frédéric Gros, ce serait plutôt une ascèse, au vieux sens grec - exercice, entraînement -, qui nous ramène à l'essentiel, c'est-à-dire à ce presque rien que nous sommes, présent-absent dans le monde, ne faisant qu'y glisser. Avec des mots de tous les jours, et sans en avoir l'air, façon Montaigne, ce philosophe donne là une vraie leçon.De ce livre, en fin de compte, on pourrait dire que le propos est ténu, les constats simples, les remarques presque toujours évidentes. Mais l'écriture est souveraine - limpide, exacte, les termes tous sentis. D'où ce ton juste, qui fait de ce petit volume une très bonne surprise. Du coup... on marche !"
Retrouver le sens de la marche, c'est se retrouver.
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