Ils furent environ un million, du moins au début.
Un million de soldats allemands prisonniers des forces alliées, sur le territoire français ou ailleurs, qui furent mobilisés pour travailler au titre de la reconstruction du pays, selon le principe: qui détruit répare.
Un épisode mal connu jusqu'ici et vite oublié, mais qui laissa des traces.
L'armée américaine concéda à la France une charge qu'elle ne voulait pas ou ne pouvait pas assumer elle-même.
On trouvera ici de nombreux détails à approfondir sur une question refoulée, mais qui revient sur le devant de la scène, notamment par l'intermédiaire d'un livre lu récemment, qui se fait l'écho du témoignage d'un soldat allemand, capturé en Norvège, mais qui se retrouva pas hasard en France dans des conditions parfois extrêmes, à peine imaginables, pour être affecté notamment dans des opérations de déminage dans l'Ouest du pays. Jusqu'en 1948, le début de la guerre froide amenant les rapports franco-allemands à évoluer vers une certaine formes de réconciliation. Pour le cas du premier conflit, ce fut au maximum 1920.
C'est en lisant le livre de Werner Schneider, écrite pas sa fille sous sa dictée, que l'on peut prendre un contact intime avec un aspect de cette captivité paradoxale.
Oui, ce fut vraiment un sale temps pour les Allemands, dont beaucoup vécurent dans des conditions à peine descriptibles, subissant la vindicte ou au mieux le mépris ou l'indifférence et affrontant des conditions matérielles parfois terribles. Le boche paiera, cela paraissait la norme, sauf dans les campagnes où les relations au travail furent moins rudes et où certains prisonniers se fixèrent définitivement, souvent pour ne pas retourner dans l'Est d'une Allemagne encore exsangue. Les institutions de la Croix Rouge ne fit pas vraiment leur. travail.
La question resta longtemps taboue, comme les conditions souvent arbitraires et cruelles de certaines détentions. Les archives ne manquent pas, ainsi que de nombreux documents. (1)
Un dossier toujours controversé, plus par les conditions d'existence des "PG", que par le fait de leur mise au travail forcé, dans des conditions très contrastées.
L'historien Théofilakis a consacré sans doute une des meilleures études sur ce phénomène auquel mirent fin les aléas de l'histoire, au cours de cette période tragique. (*):
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(*) "...Les 700 000 prisonniers allemands se sont vite transformés en main-d'oeuvre bon marché. Histoire inédite d'une captivité qui marqua les prémices de la réconciliation. "Il est si gentil, Rodolf." A Chambéry, le patron qui l'emploie depuis 1945 comme ouvrier carrossier ne tarit pas d'éloges sur les manières irréprochables et le fabuleux rendement de son prisonnier de guerre allemand. Rodolf mange à la table familiale, accompagne ses hôtes à la promenade du dimanche et reçoit même en cadeau un dictionnaire pour améliorer son français. Un scandale aux yeux du Dauphiné libéré, qui s'émeut en août 1946 : "A lui, évidemment, nous n'avons rien à reprocher. Il aurait bien tort de repousser la gentillesse de la famille. Mais contre celle-ci - et tous ceux qui ont souffert de l'Occupation seront d'accord avec nous -, nous demandons à M. le préfet des sanctions sévères." L'épisode est révélateur de la situation créée par la présence en France de 700000 prisonniers allemandsentre 1944 et 1948. Une étrange captivité de guerre en temps de paix, étudiée par Fabien Théofilakis dans cette somme nourrie d'archives inédites. Histoire oubliée aux conséquences pourtant décisives sur l'avenir des relations franco-allemandes. _____Entre punition et rachat: Parmi ces prisonniers, 70% ont été cédés aux Français par les Américains, qui se délestent ainsi d'une charge onéreuse. Renversement des rôles : la défaite du Reich fait de l'occupant un captif de l'occupé. Après quatre années de souffrances et de ruines, l'Allemand doit payer. Insultes, crachats, coups de crosse, entassement dans des camps insalubres où sévissent le typhus, la faim, le froid : les soldats tombés sous la coupe des Français commencent leur captivité dans des conditions douloureuses. Prévoyant une catastrophe sanitaire, la Croix-Rouge sonne l'alarme dès 1944.
Comment employer ces centaines de milliers de bras ? Ils répareront tout simplement ce qu'ils sont censés avoir détruit. Pour les vainqueurs, ce labeur forcé vaut à la fois punition et rachat. Par dizaines de milliers, les prisonniers vont travailler au fond de la mine. A eux de gagner la bataille du charbon ! D'autres seront affectés au secteur agricole ou aux travaux de déminage. N'est-ce pas à ceux qui ont posé les mines de les enlever ? Il y en a plus de 100 millions sur le territoire.
Peu à peu, la logique de rentabilité l'emporte pourtant sur la volonté de punir. Au fil des mois, les prisonniers sortent des camps pour participer à l'économie civile et sont placés chez des particuliers. A travers ces contacts quotidiens, les relations entre vainqueurs et vaincus se libèrent du manichéisme hérité de la guerre. Avant de s'évader, le captif d'un notable de Pauillac, en Gironde, lui laisse ces quelques mots : "Travail bon, mangé très bon, contant très bon. Mais liberté."
La captivité allemande, souligne Théofilakis, fut une étape capitale sur la longue route menant du statut de "Boche" à celui de compatriote européen. Un premier pas vers la réconciliation. A l'heure des débuts de la guerre froide, elle fut aussi un enjeu diplomatique entre la France et les Etats-Unis, soucieux de faire se relever l'Allemagne face à la menace communiste. (Les Prisonniers de guerre allemands. France, 1944-1949, par Fabien Théofilakis. Fayard, 758p)
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- Prisonniers de guerre français en 1914-1918
- " " allemands " "
- " " français en 39-45
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- Retour sur quelques vérités
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