Economie de rente
On ne rigole pas dans la méga-entreprise. Même le capitaine de bord peut être viré! Même dans une multinationale, même dans l'alimentaire. Depuis la gestion à la papa de Riboud, les choses ont bien changé. Les actionnaires sont intraitables. Ils veillent sur les rapports financiers, au jour le jour. Ils font la loi. Ils ont tous les droits. Pas de devoir social. Chez Danone comme ailleurs. Les rendements, c'est sacré. Pour l'avenir, on verra. Il faut évaluer, changer les critères d'évaluation s'il le faut. L'horizon, c'est la bourse, Le CAC 40, c'est la référence. Mais n'est-ce pas une vision à courte vue, dans notre monde hautement financiarisé? Certains osent le prétendre, même au sein du monde des affaires:
"... Les ambitions d’une entreprise à mission doivent faire l’objet d’une évaluation d’ensemble avec d’autres indicateurs que le cours de bourse ou le rendement du capital, comme c’est le cas aujourd’hui. De nouvelles normes d’évaluations plus larges doivent s’imposer et en particulier de nouvelles normes comptables...;Le cas Danone pointe certaines lacunes de la loi Pacte et un nouveau chapitre législatif doit s’ouvrir si nous ne voulons pas que les entreprises à mission et la raison d’être ne constituent la dernière ruse d’un capitalisme qui semble à bout de souffle. Si nous m’aménageons pas la loi Pacte, il y a toutes les chances pour que Danone soit la première et la dernière entreprise cotée à mission. En effet, cette loi a laissé en friche la question des droits et devoirs des actionnaires. Or, nous savons, comme le dit très justement le chercheur Pierre-Yves Gomez, qu’il ne peut pas y avoir d’entreprises responsables sans actionnaires responsables. L’ouverture d’une nouvelle réflexion législative devient donc urgente, d’autant plus que, comme le montre le premier baromètre des entreprises à mission, on observe un réel engouement pour cette nouvelle conception de l’entreprise. Les enjeux de « citoyenneté actionnariale » devraient donc devenir de plus en plus essentiels dans les toutes prochaines années...." ____Bien dit, mais le capitalisme financier suit sa propre logique. Emmanuel Faber, qui n'était pas un saint, est tombé. C'est aussi la fin d'un certain pouvoir "familial", d'une vision. Que l'on produise des voitures ou de l'eau en bouteille.
______En France, c'est le jackpot, mais pas seulement.
Au dépends des salaires et des investissements.
Une grosse entreprise a besoin de salariés et d'actionnaires.
Mais de manière équilibrée.
Or le divorce s'accentue entre les deux, surtout depuis la libéralisation dans la finance dans les années 80 sous l'effet des doctrines hayekienne et friedmanienne.
Comme le reconnaît un rapport du Sénat
Les richesses produites par les grandes firmes du fameux CAC 40 donnent parfois le vertige.
Le problème qui est posé n'est pas celui de leur ampleur, toujours le plus souvent bienvenue, mais de leur répartition.
En fait, au lieu d'une répartition selon la règle des trois tiers, telle que rappelée par Sarkozy (un tiers pour les actionnaires, un tiers pour les salariés, un tiers pour l'investissement), la réalité est toute autre, surtout en France. Ce sont les actionnaires, les gros, qui se taillent la part du lion. Et pas qu'un peu. Surtout en France.
On le savait depuis quelques années, mais la tendance s'accentue. Dans l'économie à dominante financière dans laquelle nous sommes, des rapports récents convergent pour dénoncer ce déséquilibre grandissant dans la répartition.des richesses produites, aux dépends de l'investissement d'avenir et des producteurs, sans lesquels aucune richesse ne verrait le jour.
Un économie de rente s'installe et de super-profits pour les managers. ..Actionnaires, qui ne sont pas ou peu des particuliers. ... Près de la moitié de ces dividendes partent vers l'étranger. 55% seulement restent en effet en France, tandis que 20% prennent la direction de la zone euro et 16% celle des Etats-Unis. En France, les particuliers ne détiennent finalement que 9% de CAC40 et leur part a été divisée par quatre en trente ans. Ce sont des sociétés d'investissement ou des fonds de pension qui possèdent la quasi-totalité des entreprises cotées
Ce sont les actionnaires qui font la loi, impulsant ainsi des tendances plus spéculatives que productives. Le rendement à court terme est privilégié par rapport à l'investissement à long terme, ce qui est un facteur de risques et de crises. ...En 2016, les entreprises du CAC 40 ont distribué plus de 66% de leurs bénéfices aux actionnaires, contre 30% dans les années 2000. Une exception française, car en Europe continentale les entreprises du CAC 40 sont de loin celles qui versent le plus d'argent à leurs actionnaires. On est loin de la règle des trois tiers prônés par Nicolas Sarkozy. "Ça fait bien longtemps que je pense que la règle des trois tiers est une bonne règle. Sur 100 de bénéfices, il devrait y en avoir 33 qui reviennent aux salariés, 33 qui vont directement dans la poche de l'actionnaire et 33 qui servent à être réinvestis dans l'entreprise. Parce qu'une entreprise doit investir pour continuer à être compétitive", déclarait-il le 5 février 2009...déclaration de bon sens, mais qui a fait long feu.
Par exemple, ...le sidérurgiste ArcelorMittal, l'énergéticien Engie et le leader mondial de la gestion de l'eau Veolia sont, dans l'ordre, ceux ayant les taux les plus élevés de redistribution des bénéfices en dividendes aux actionnaires, soulignent les deux ONG.
Les organisations Oxfam et Basic, notamment, dans le sillage de nombre d'économistes dénonçant les dérives financières d'un capitalisme ....appellent le gouvernement "à reprendre la main sur cette économie déboussolée avec des mesures de régulation ambitieuses", "en préservant la capacité d'investissement et en interdisant que la part des bénéfices reversée aux actionnaires dépasse celle qui est reversée aux salariés".
Ce partage déséquilibré des bénéfices n'est pas seulement un facteur de risques dans une économie mondialisée mais constitue aussi une menace pour le développement.
Cette machine à dividendes… et à inégalités, cette tendance aux « profits sans partage » contribue à anesthésier le risque entrepreneurial et à créer et favoriser les conditions d'une précarisation des emplois.
L'actionnariat a changé de nature comme la gestion des entreprises, avec toutes les conséquences visibles ou invisibles, notamment les nouvelles formes de management brutal et la souffrance au travail.
___ Un début de prise de conscience en cours?... _______________
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