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mardi 5 avril 2022

Soigner les soignants

 Comment soigner le système de santé?

                                               L'hôpital va mal. On n'en finit pas de le dire. Même le chef de l'Etat l'a reconnu en passant. Ceux qui y oeuvrent tous les jours le disent ou s'en vont, aggravant les problèmes. On attend toujours le remède, pas seulement de vagues promesses. Une commission sénatoriale y travaille enfin. Saura-t-elle être aussi intransigeante que dans l'affaire MacKinsey? Saura-t-elle pointer les vraies causes de la défection de l'institution hospitalière et de ses dérives depuis une vingtaine d'années? La pandémie n'a été qu'un révélateur de déficiences antérieures, souvent dénoncées. Le grand corps malade qu'est devenu le système de soins sera-t-il l'objet d'autant d'attention que le budget des armées ou le système des subventions à guichet ouvert dont bénéficient les grands groupes industriels? La privatisation rampante du système sera-t-elle neutralisée?                                                                                                                                                        Depuis des années soumises au régime sec , selon une logique purement comptable et libérale, les maisons de santé vont-elles retrouver la capacité de remplir leur mission, avec bon sens et efficacité, comme une priorité nationale?     Le Chef d'Etat s'y est engagé, dans une nouvelle logique, qui apparaît apparemment comme un renversement de perspective par rapport à celle qui prévalait depuis quelques dizaines d'années, en terme d'économies imposées et de gestion selon les principes du new public management importé du monde anglo-saxon. Faire mieux avec moins de moyens. Une logique réductrice et déshumanisante, qui nous a conduit dans la situation que l'on connaît en cette période de crise pandémique, qui peut se renouveler.


   Depuis longtemps des voix s'élevaient au sein du corps hospitalier pour dénoncer en vain la dégradation pas seulement quantitative et budgétaire, mais aussi qualitative, la qualité des relations dans les équipes soignantes, si importantes pour l'efficacité des soins. Il y a urgence, pas seulement aux urgences
   La conversion du Président semble spectaculaire, comme celle de St Paul sur le chemin de Damas, touché par la grâce:
   « Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, a-t-il dit, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, [pour] notre État-providence, n'est pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe […]. Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. (sic!)» Puis, il a fait part de la même conviction, mercredi 25 mars, lors d’un déplacement à Mulhouse pour visiter l’hôpital militaire de campagne qui venait d’y être construit. Il a alors promis qu’« à l’issue de cette crise, un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital ». Avant d’ajouter : « Beaucoup a été fait, sans doute pas suffisamment vite, pas suffisamment fort. » conversion du Président semble une spectaculaire conversion:
   « Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, a-t-il dit, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, [pour] notre État-providence, n'est pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe […]. Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. » Puis, il a fait part de la même conviction, mercredi 25 mars, lors d’un déplacement à Mulhouse pour visiter l’hôpital militaire de campagne qui venait d’y être construit. Il a alors promis qu’« à l’issue de cette crise, un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital ». Avant d’ajouter : « Beaucoup a été fait, sans doute pas suffisamment vite, pas suffisamment fort. »
      IL faudra lui rappeler ses propres propos le cas échéant.
  Ce n'était plus possible de fonctionner comme avant. La crise a agi comme un ultime et violent révélateur de ce qui se passait en silence avant.
   Malade du marché, l'hôpital doit retrouver sa vocation première, humaine.
                     Mais attention à la privatisation rampante, qui a déjà gagné bien des secteurs des établissement de soin, attention aux dérives anglo-saxonnes toujours présentes et à la marche à bas bruit vers des soins à plusieurs vitesses. Certaines forces économiques n'ont pas renoncé à s'introduire un peu plus dans ce marché juteux.
  La Caisse des dépôts, notamment, ne reste pas passive et attend son heure:
                  "Il est prématuré de croire dès à présent qu’Emmanuel Macron a changé. En tout cas, le plan que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) est en train d’élaborer à sa demande pour l’hôpital public, et dont Mediapart est en mesure de révéler la première ébauche, va totalement à rebours de ses déclarations. Ce document expose une série de propositions qui s’inscrivent toutes dans la philosophie néolibérale qu’Emmanuel Macron a toujours défendue par le passé. Privatisation rampante au travers de sulfureux partenariats public-privé (PPP), marchandisation accélérée de la santé : voilà un plan qui tourne le dos aux valeurs de l’État-providence.  Si l’on en croit les critiques que nous avons recueillies auprès de plusieurs experts de l’économie de la santé ou de l’hôpital, ce plan pourrait même attiser de violentes polémiques dans le pays, tant il contredit la posture prise par le chef de l’État depuis le début de la pandémie.    L’origine de ce plan est connue. En déplacement à Mulhouse, mercredi 25 mars, pour visiter l’hôpital militaire de campagne qui venait d’y être construit, le chef de l’État a fait des promesses fortes, mais sans en révéler les modalités, ni les montants, ni le calendrier. Il a juste assuré qu’« à l’issue de cette crise, un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital ». Sans emporter la conviction, il a encore dit : « Beaucoup a été fait, sans doute pas suffisamment vite, pas suffisamment fort. » C’est dans ce cadre présidentiel que s’inscrivent les travaux préparatoires de la CDC.
  Ce plan est élaboré par la direction de l’investissement de la Banque des territoires, laquelle est chapeautée par la CDC. Selon nos informations, ce travail de réflexion a été engagé sur une commande de l’Élysée, sans que nous ayons pu savoir si la présidence de la République a sollicité d’autres services de l’État ou d’autres organismes. La note, qui est encore une mouture provisoire, a été écrite par deux hauts fonctionnaires de la CDC, Adelphe de Taxis du Poët et Pierre Menet.
   Tous les experts que nous avons interrogés – professeur de médecine, économistes, sociologue – portent sur cette note un regard similaire. S’ils relèvent ici ou là quelques avancées, ils constatent qu’elle ne tire aucun enseignement de la crise sanitaire historique que nous traversons et cherche à poursuivre et même à accélérer les processus de privatisation rampante et de marchandisation de la santé, qui étaient déjà à l’œuvre les années précédentes..."
 "...Assez frappant de relever que du début à la fin, la note ne cesse de mentionner le secteur privé, pour une cascade de raisons, comme s’il était un acteur majeur pour l’hôpital, dont le statut public est ainsi quasiment dissous. Cette référence au privé apparaît évidemment dans les fameux partenariats public-privé ; pour le développement de la « santé numérique », il est aussi fait mention du rôle de 700 start-up qui sont aussi… privées. Dans une note en bas de page, il est aussi fait l’éloge de nombreux assureurs privés qui soutiennent l’« Alliance digitale pour le Covid-19 », laquelle est « composée de Docaposte, la start-up lilloise Kelindi, l’agence Dernier cri, Allianz France et le cabinet d’avocats De Gaulle Fleurance & associés ». Et la note ajoute : « Le consortium est soutenu par AG2R La Mondiale, AstraZeneca, CompuGroup Medical, Johnson & Johnson, La Banque postale assurances, Malakoff Humanis, la plateforme de téléconsultation MesDocteurs et le groupe VYV. »
       Bref, d’une ligne à l’autre, c’est une ode de chaque instant au privé....
  Chargé de recherche au CNRS, rattaché au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3), le sociologue Pierre-André Juven fait ce constat très sévère : « Le seul affichage du secteur marchand comme solution à la crise est potentiellement périlleux pour les responsables politiques qui cherchent toujours à éviter l’accusation de privatisation de l’hôpital public. L’intrusion encore plus grande du privé (car déjà existante) s’articule donc à celle – moins crispante pour beaucoup d’acteurs – de l’innovation et notamment de l’innovation numérique. » On trouvera sous l’onglet Prolonger associé à cet article la version intégrale de la note que nous a adressée le sociologue. Elle peut aussi être consultée ici......Et Pierre-André Juven ajoute : « Ce document est le révélateur très net des orientations actuelles en matière de réformes de la santé : nécessité de faire plus de place au privé ; croyance forte dans l’innovation numérique comme solution au double enjeu de la qualité des soins et de la contrainte financière ; responsabilisation et individualisation face au risque. Les quatre points généraux du document ne sont qu’un coup de tampon aux stratégies édictées depuis plusieurs années. Loin de remettre en cause les orientations délétères des réformes conduites depuis plus de vingt ans, ils conduisent à accélérer la casse de l’hôpital public. Ce document n’est pas seulement la marque d’une volonté d’étendre l’emprise du privé au sein de l’hôpital public, il traduit la conception technophile, néolibérale et paternaliste qu’une grande partie des acteurs administratifs et des responsables politiques ont de la santé..... »
          Il va falloir veiller à cette stratégie, tout en continuant à s'interroger sur cette troublante conversion...__
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