Bis repetita....
Le marché intégré européen de l'électricité est d'une complexité extrême et bien peu peuvent s'y retrouver. Il est question de le revoir à l'heure où les prix tendent à flamber et à l'heure d'une pénurie sans doute durable du gaz et la décarbonisation en projet. La situation ressemble fort à un panier à crabes ou à une situation kafkaïenne. Comment le consommateur moyen peut-il s'y retrouver? Surtout après que M. Lemaire ait critiqué l'ajustement du prix de l'électricité sur celui du gaz...juste une fois en passant. Un vrai défi et une spéculation dénoncée par ceux qui sont habituellement les moins critiques: ________ "Il va falloir faire avec...Pour combien de temps? Nous fûmes longtemps un modèle, un champions en matière de production électrique, favorisés par la nature, en matière d'hydroélectricité et depuis la fin de la guerre, stimulés par une politique d'Etat volontariste. Mais depuis les années 80, les choses changèrent peu à peu, puis rapidement, la logique des marchés venant peu à peu s'installer dans ce domaine si crucial et les virages se succédèrent pour aboutir à l'état très problématique que l'on connaît aujourd'hui, accentué pas l'état de guerre à nos portes et les pénuries européennes qui s'ensuivent. Les débats sur le mix énergétique sont toujours en cours et on ne peut pas dire que la clarté y règne, à l'heure des choix qui engagent le long terme sous la pression des exigences climatiques. Les craintes d'une pénurie hivernale, du moins partielle et temporaire, ne sont pas infondées, si le nucléaire, mal en point, ne se ressaisit pas rapidement, en tant que source énergétique destinée à être un provisoire qui risque de durer...même si les projets macroniens de privatisations sont remisés pour un temps, surtout pour redresser l'effondrement financier. C'est tout le marché européen qui pète les plombs:
"...La forte reprise post-Covid caractérisée par une remontée subite de la consommation d’énergie au niveau mondial, suivie de la guerre russo-ukrainienne qui conduit le vieux continent à se détacher des hydrocarbures russes, ont fini de faire sauter les boulons qui assuraient le fonctionnement — déjà branlant — du marché libéralisé de l’électricité européen. Nos puissances publiques et financières tentent d’étouffer la réalité de la situation, à coups de boucliers tarifaires (des pansements de court terme qui provoquent des gouffres financiers de long terme) et de ruée (voire de pillage) vers le gaz produit hors de Russie, aux quatre coins du monde, provoquant une volatilité historique sur les marchés énergétiques mondiaux, et mettant ainsi en péril la sécurité énergétique. La spirale infernale des prix de l’électricité en Europe semble hors de contrôle. Avant la crise sanitaire, les prix moyens de l’électricité de gros en Europe oscillaient autour des 50 euros le MWh (mégawattheure). À la rentrée 2021, la reprise post-Covid sur fond de déséquilibres profonds du commerce mondial avait déjà propulsé les prix vers les 100 euros (1), avant de passer la barre des 200 euros en décembre 2021. En février 2022, l’invasion russe en Ukraine a fait bondir les prix à plus de 300 euros le MWh dès mars. Et depuis le printemps, la faiblesse des vents et la sécheresse inédite qui touche l’Europe (augmentant encore la demande en électricité) sont venues alimenter la pression sur les prix, qui ont tutoyé les 500 euros le MWh en moyenne en août 2022, avec un pic français à plus de 1000 € le mardi 30 août. Une situation qui est partie pour durer. Habituellement bien moins volatils, les prix sur le marché à terme de l'électricité explosent à leur tour, sur fond de crainte de défaillances, c’est-à-dire de pénuries cet hiver. Dans l'Hexagone, ils se négocient au prix délirant de 800 euros le MWh pour la période octobre-décembre 2022 et tutoient les 1500 euros pour les heures de pointe. Soit deux à trois fois plus cher que dans les pays voisins. Les craintes de pénuries cet hiver en France sont particulièrement élevées alors que le parc nucléaire traverse une période d’indisponibilité historique, avec 27 des 56 réacteurs du territoire à l’arrêt pendant l'été, pour maintenances et contrôles. ___Pour comprendre comment les prix de gros de l’électricité évoluent et pourquoi ils ont tant augmenté depuis l’année dernière, il faut connaître le fonctionnement du marché européen intégré de l’électricité : il détermine chaque jour un prix de gros de l’électricité qui est fixé au niveau du coût marginal de l'électricité. C’est-à-dire en fonction du coût de production de la dernière centrale utilisée pour satisfaire la demande. Ainsi, les sources de production les moins chères sont appelées en premier (soit les énergies renouvelables et le nucléaire), puis, à mesure que la demande d’électricité augmente, les centrales à charbon sont sollicitées, et enfin, les centrales à gaz, dont les coûts de production sont les plus élevés. En cette période de demande élevée et d’offre réduite, les prix de l’électricité sont en réalité déterminés par ceux… du gaz. Un véritable non-sens : l’électricité décarbonée s’achète et se vend sur la base des prix d’une énergie fossile, dont les prix atteignent des records historiques. L’Europe, dans sa course mondiale pour le GNL (gaz naturel liquéfié) acheminé par bateau, fait peser de gros risques de goulots d’étranglement, accentuant la tension sur les prix. Dans ces flots de volatilité sur les marchés financiers, il y a ceux qui perdent, avec en première ligne, les consommateurs, également contribuables, qui ne paient plus un coût technique de production et de transport, mais un coût de marché. Et ceux qui gagnent, comme les gros acteurs du marché de l’électricité, qui profitent des faillites en cascade des petits opérateurs (le danois Barry, Bulb, Leclerc Énergie…) asphyxiés par des conditions de marchés ingérables. C’est le cas en France avec EDF (3) et Engie, qui gagnent des parts de marché depuis la crise énergétique (En 2021, l'EBITDA d'Engie a augmenté de 18,6 %, à 10,6 milliards d'euros). Ainsi Engie, le premier fournisseur de gaz en France a-t-il plus que doublé son bénéfice au 2e trimestre 2022, à 5 milliards d’euros. Plus encore, ce sont les producteurs de gaz américains qui raflent des milliards. Les États-Unis sont en effet devenus les premiers fournisseurs de gaz de l’Europe, devant la Russie. Une première. Alors que la valeur moyenne d’une cargaison est passée de 50 millions à 80 millions de dollars en 2022, les exportations américaines de GNL vers l’Europe ont atteint environ 30 milliards de dollars au premier semestre de 2022. La flambée des prix fait exploser les marges des producteurs, TotalEnergies en tête. Par ailleurs, l’Europe affrétant principalement son gaz par la mer, les prix du fret maritime ont également gonflé. Le transporteur CMA-CGM a ainsi engrangé des bénéfices historiques, de 7,2 milliards de dollars sur les trois premiers mois de l’année. Enfin, le secteur financier international affiche des performances record, profitant de « conditions exceptionnelles sur les marchés ». Traduction : profitant notamment des flambées historiques des cours sur les marchés de l’énergie. Avec de tels mouvements de prix, les spéculateurs se frottent les mains et alimentent ainsi la spirale infernale. Le cas de la France est révélateur : si les signaux indiquent en effet des risques importants de pénuries cet hiver — ce qui fait monter les prix sur le marché à terme —, ils semblent largement surestimés par le marché. Au point d’alerter la CRE (Commission de régulation de l’énergie), qui suspecte des anomalies de cours. Sans pouvoir affirmer qu’il y a manipulation de marché, elle a enclenché une procédure de « surveillance renforcée ». (Merci à Martine Rabreau) _________________
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire