Une aventure plus que périlleuse.
On peut le dire: Israël aurait mérité mieux. Cet homme est dangereux et inquiète sérieusement ceux qui dans son pays ont encore un certain sens de la démocratie, avec sa coalition d'extrême-droite que certains redoutaient. Mais pas seulement. Depuis des années, il trace son chemin. Un chemin douteux, qui mène le pays à la quasi insurrection. Par ses alliances plus que douteuses, par les contradictions qu'il attise, les alliances qu'il construit, il met la démocratie en péril, prenant un chemin contraire que celui que montrait Rabin avant son assassinat: le sionisme radical inspiré de Jabotinski, l'exploitation du radicalisme, religieux, l'expansionnisme territorial dans le fil des colonisations rampantes depuis des années. Six mois de contestations, impliquant jusqu'à une partie de l'armée, ne sont pas venu à bout de son projet inquiétant, visant aussi à attiser les oppositions internes palestiniennes. Il est à la tête d' "un gouvernement considéré comme le plus à droite de l'histoire du pays, intégrant des partis d'extrême droite et les ultraorthodoxes, tandis que seulement cinq femmes y siègent." [voir WIKI]
Point de vue:" Benyamin Netanyahou, qui multiplie depuis son retour au pouvoir les menaces à destination de l’Iran, du Hezbollah, du Hamas, des Palestinien·nes, de ses ennemis politiques en général et même des magistrats de la Cour suprême d’Israël, est-il un va-t-en guerre ? « En paroles, oui, indiscutablement, affirme un ancien haut fonctionnaire qui l’a bien connu. Il adore les discours et les postures martiales, les interventions menaçantes, comme tous les politiciens populistes. Mais c’est surtout un menteur dépourvu de tout scrupule et dont personne n’ignore plus le degré de corruption : il vient d’ailleurs de démontrer qu’il est capable de sacrifier le sort et la sécurité de son pays à son intérêt personnel. »
« Pour le reste, nous voyons désormais chaque jour aux concessions qu’il fait aux deux extrémistes racistes dont il est l’otage volontaire, Ben-Gvir et Smotrich, qu’il a probablement atteint les limites de son habileté politique, poursuit notre interlocuteur. Et qu’il semble même en être conscient. Ce qui expliquerait sa mauvaise mine et peut-être même, au moins en partie, ses problèmes de santé. Il n’est pas si facile, lorsqu’on est, comme lui, drogué au pouvoir et à ses avantages et privilèges depuis des décennies, de découvrir qu’on n’est plus le seul maître de son propre destin et qu’une erreur de décision peut vous coûter votre position, voire, demain, votre liberté. » Aveuglé par sa fuite en avant, Nétanyahou ne voit ni n’entend manifestement plus rien du monde dans lequel il vit. Ses rêves de pouvoir et ses caprices de roitelet ont eu raison de ses légendaires dons de politicien. Une anecdote illustre les dérisoires vanités qui l’habitent et son imprudente cécité devant ses responsabilités historiques face à l’ampleur de la crise dans laquelle se trouve aujourd’hui plongé son pays : une fuite de ses services vient de révéler que sa visite à Emmanuel Macron, en février dernier, avait coûté au gouvernement israélien cinq fois plus cher que le montant normalement affecté à un tel voyage.Pourquoi ? Idéologiquement, « Bibi » continue à invoquer de manière insistante l’héritage de son père, Benzion Nétanyahou, secrétaire et disciple de Zeev Jabotinsky, père spirituel de la droite nationaliste israélienne. Il persiste à rêver, avec ses alliés, colons et extrémistes religieux, d’un « Grand Israël », de la Méditerranée au Jourdain, voire jusqu’aux frontières de l’Irak, débarrassé d’un maximum de Palestinien·nes. Militairement, il se place volontiers dans le sillage de son frère aîné, Yonatan, tué à la tête de son commando des forces spéciales lors du raid d’Entebbe, en 1976, qui avait permis de libérer les otages de l’Airbus d’Air France détourné par des terroristes. Mais, en réalité, il déteste avoir à prendre des décisions importantes qui relèveraient d’un véritable homme d’État ou d’un chef militaire. Ce qui faisait dire à Barack Obama et à plusieurs de ses conseillers : « C’est un trouillard, il a peur de lancer des guerres, la seule chose qui l’intéresse est de se prémunir contre une défaite politique » (voir le 3e épisode de notre série : « La bombe iranienne, arme de “Bibi” »). C’est un fait, sa détestation des Palestinien·nes, le mépris dans lequel il les tient ne l’ont pas conduit, contrairement à d’autres dirigeants israéliens, à multiplier les aventures militaires. Même s’il n’hésite pas à recourir à la force et à la violence des armes lorsqu’il s’agit d’intervenir dans la vie quotidienne des habitant·es de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, sans parler des « Arabes israélien·nes », c’est-à-dire des citoyennes et citoyens palestiniens d’Israël. « Au cours des vingt dernières années, Nétanyahou a été chef du gouvernement pendant près de 15 ans. Pendant cette période, il y a eu seize affrontements graves entre Israël et les organisations armées islamistes qui contrôlent Gaza et une dizaine d’opérations militaires d’une certaine envergure, depuis “Arc-en-ciel” en 2004 jusqu’à “Bouclier et flèche” en mai dernier », souligne un ancien officier supérieur engagé dans la mobilisation de la société civile contre les projets de la coalition au pouvoir. « Nétanyahou n’a été à l’origine que de cinq de ces opérations, constate l’ancien officier. Et tout en tenant des propos guerriers contre l’Autorité palestinienne, il a permis au Qatar et à la Turquie d’aider le Hamas, et autorisé l’entrée à Gaza, via l’Égypte, mais aussi via Israël, de carburant, de produits alimentaires, de matériaux de construction, de pièces de rechange, de médicaments et d’équipements médicaux payés par Doha ou Ankara. Le tout en laissant 23 000 résidents de la bande de Gaza entrer chaque jour en Israël pour travailler. » Dans cette manœuvre, le Hamas a gagné un – modeste – rebond de sa popularité et surtout une posture avantageuse en vue de la succession du Fatah et de son vieux chef, fourbu et discrédité, Mahmoud Abbas, à la tête de l’Autorité palestinienne. Le bénéfice pour Nétanyahou est double : il conforte, comme représentation des Palestinien·nes, une organisation islamiste a priori rejetée par les alliés d’Israël et une bonne partie de la communauté internationale comme fanatique et terroriste. Facilitant ainsi les frappes contre elle, voire sa liquidation lorsqu’elle sera gênante. Et il affaiblit par contrecoup le Fatah et l’Autorité palestinienne, qui incarnent encore, tant bien que mal, la disposition au dialogue et à la coexistence avec Israël. Dialogue et coexistence qu’il affecte d’accepter dans les cercles diplomatiques, mais qu’il rejette, en réalité, depuis toujours. Le gain à long terme pour Israël semble ici très modeste. « Quand j’entends Nétanyahou affirmer que l’opération “Bouclier et flèche” nous a permis de changer l’équation stratégique, sourit un vétéran du renseignement militaire qui a abandonné depuis quelques années son béret vert, je pense immédiatement à la radio de propagande en hébreu que Le Caire avait créée au siècle dernier et qui annonçait : “Nos forces progressent sur tous les fronts”... à la veille de notre victoire totale lors de la guerre des Six Jours. » « Ce qui est inquiétant, aujourd’hui, pour les responsables de la sécurité du pays, poursuit l’ancien officier, c’est qu’il n’existe ni véritable stratégie, ni même de vision globale pour Gaza. Et que nous avons du mal à agir, même face à une petite organisation comme le Jihad islamique qui n’a pas plus de 9 000 militants actifs, dont 6 000 combattants. » « En fait, estime dans Haaretz Yossi Melman, spécialiste des questions de renseignement, on peut dire que le cabinet du sixième gouvernement de Nétanyahou est devenu la principale menace pour la sécurité nationale d’Israël. » « Il est difficile de dire que le pays affronte une crise constitutionnelle, puisque nous n’avons pas de Constitution, constate un diplomate. Mais puisque Nétanyahou entend s’attaquer aux lois fondamentales qui en tiennent lieu et à la Cour suprême qui veille à leur application, c’est bien à une crise constitutionnelle que nous faisons face aujourd’hui en raison de la faillite morale et de l’irresponsabilité politique de notre premier ministre. » À l’origine de cette situation, il y a en effet la volonté obstinée de Benyamin Nétanyahou d’échapper aux poursuites judiciaires engagées contre lui depuis près de quatre ans pour « corruption », « fraude » et « abus de confiance ». Nées d’une longue présence à la tête du gouvernement, de l’habitude des faveurs et d’un goût croissant pour les privilèges du pouvoir, les relations coupables de Nétanyahou avec le luxe et l’argent facile ont été longuement entretenues par l’assurance de l’impunité. Elles semblent d’ailleurs avoir gagné aussi sa femme et son fils. En novembre 2019, lors de sa mise en examen par le procureur général d’Israël, Avichaï Mendelblit, qui fut de 2013 à 2016 l’un de ses plus proches collaborateurs, le premier ministre avait, comme à son habitude, tenté avec l’aide dévouée de son entourage de délégitimer la procédure en dénonçant une opération politique montée contre lui par la magistrature avec la complicité de la police, des médias, des intellectuels et de l’opposition. Contraint en juin 2021, après douze années consécutives au pouvoir, d’abandonner ses fonctions au terme d’une campagne centrée sur la dénonciation de la corruption par l’opposition, il est redevenu premier ministre en décembre 2022, à la tête de la coalition la plus à droite de l’histoire du pays, mêlant partis ultraorthodoxes et d’extrême droite, nationalistes, homophobes et racistes. La presse rapporte alors que, selon l’accord de coalition, Bezalel Smotrich, chef du Parti sioniste religieux et ancien détenu pour incitation à la violence, a obtenu le ministère des finances et un rôle imprécis au ministère de la défense, lui donnant la haute main sur la vie quotidienne des Palestinien·nes de Cisjordanie et le développement de la colonisation. Chef du parti Force juive, Itamar Ben-Gvir, nouveau ministre de la sécurité publique, ancien délinquant lui aussi, et connu pour ses provocations à l’encontre des Palestinien·nes, est chargé du maintien de l’ordre. En échange de ces deux postes clés et de l’engagement du Likoud à « étendre la souveraineté juive à la Judée et à la Samarie », c’est-à-dire à annexer la Cisjordanie, Smotrich et Ben-Gvir auraient promis à Nétanyahou de l’aider à faire voter des textes destinés à placer la Cour suprême sous le contrôle de la Knesset, afin de permettre au premier ministre d’échapper définitivement aux griffes de ses juges qui, en trois ans d’audiences, ont déjà entendu 37 des 341 témoins de l’accusation. Pour l’heure, le premier ministre israélien est inculpé dans trois dossiers de gravité inégale devant le tribunal de district de Jérusalem : Le dossier 1 000, dans lequel il est inculpé de « fraude » et « abus de confiance », porte sur les luxueux cadeaux, d’une valeur de 185 000 euros, reçus de richissimes personnalités, dont le milliardaire australien Arnon Milchan, en échange de faveurs financières ou personnelles. Le dossier 2 000, dans lequel Nétanyahou est poursuivi pour les mêmes motifs, vise la négociation entamée avec Arnon Mozes, propriétaire du plus grand quotidien payant du pays, Yediot Aharonot, qui lui aurait offert une couverture médiatique favorable en échange d’une loi limitant la diffusion du quotidien gratuit Israël Hayom, favorable au Likoud mais concurrent du Yediot. « Ce dossier est très problématique pour le premier ministre, confiait en novembre 2019 à Mediapart l’ancien procureur d’État adjoint Yehuda Sheffer, car le procureur détient l’enregistrement d’une conversation entre Nétanyahou et Mozes. C’est un document presque incroyable, une preuve accablante qui va stupéfier la cour. Le dossier 4 000, enfin (« corruption », « fraude » et « abus de confiance », encore), est, selon Yehuda Sheffer, « le plus difficile des trois, car il porte sur les très fortes sommes d’argent » – environ 500 millions de dollars – obtenues par Shaul Elovitch, patron du groupe de télécommunications Bezeq et du site d’information Walla, grâce à la complaisance de Nétanyahou : celui-ci avait bénéficié en contrepartie d’une couverture favorable de Walla. « À eux seuls, ces trois dossiers, qui révèlent à la fois les goûts de luxe, l’amour de l’argent, le besoin éperdu de soutien médiatique et le cynisme déployé pour l’obtenir, en disent long sur Nétanyahou, sa personnalité et sa conception de la politique et du pouvoir. Mais il y a encore bien pire pour lui, ajoutait Yehuda Sheffer, désormais à la retraite, devenu consultant anticorruption et antiblanchiment pour des entreprises ou des États étrangers. Il y a le dossier 3 000, dans lequel sept de ses proches ont été inculpés. Jusqu’à présent, le premier ministre n’a pas été entendu dans cette affaire mais il aurait dû l’être car tout ce que nous savons désormais semble l’impliquer. Et l’impliquer dans un scandale potentiellement dévastateur. »....[Merci à Mediapart] _________
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