 Le renoncement à soi: une fatalité?
Le renoncement à soi: une fatalité?Comment restaurer une vertu citoyenne dont l'absence (ou la carence) nous mine?
-"Il n'y a de bonheur possible pour personne sans le soutien du courage"( Alain)
-Dans les circonstances exceptionnelles, le (vrai) courage apparaît comme allant presque de soi, même s'il est rare. La résistance à l'oppression est stimulée par le caractère exceptionnel de la situation, l'imminence des dangers. ("Jamais nous n'avons été plus libres que sous l'occupation allemande", disait paradoxalement JP Sartre).Les exemples ne manquent pas, de Louise Michel à Jean Moulin, de Voltaire à Victor Hugo.
__Mais dans la vie ordinaire, l'espace public, la vie sociale et politique, il semble en déclin: les habitudes, le mimétisme social, la peur de résister, la "privatisation" de l'invidu, le repli individualiste , la passivité consumériste, la pression des marchés annexant nos désirs, le poids des "servitudes volontaires", le fatalisme politique, les pathologies de la démocratie, les pièges de la "double contrainte"... semblent contribuer à déliter notre capacité à nous exposer, à dépasser notre "fatigue d'être soi", à lutter contre les conditions qui réduisent nos capacités de liberté, dont une des caractéristique est de pouvoir s'effacer par inertie ou par consentement.
Notre "fragile humanité" a plutôt tendance à se soumettre.
Là est la menace. Il n'y a pas d'autres choix que de résister, en prenant conscience de nos déterminismes. La liberté définit notre humanité. L'autonomie n'existe pas, elle se gagne ." Nous sommes condamnés à être libres"(JP Sartre) . ____"Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent" (V.Hugo)
"L'esclave perd tout dans ses fers, jusqu'au désir d'en sortir" (JJ Rousseau)
__[M.Foucault]______________________________
 Le point de vue de C.Fleury:
Le point de vue de C.Fleury:_____________________-« Savoir dire non » La fin du courage
"A leur travail ou dans leur vie quotidienne, de plus en plus d’individus désavouent ce qu’ils font mais continuent à le faire. Pourquoi ne se révoltent-ils pas ? Pourquoi une telle soumission à un non ordre des choses ? La peur est telle qu’ils en oublient d’avoir recours au courage. On a cru que l’individualisme était un processus de non-contrainte, de liberté absolue. L’individu se focalise sur ses propres intérêts, délaissant l’engagement public. Livré à cette quête narcissique, il est, en fait, fortement fragilisé, rendu vulnérable par ce processus d’individualisation qui le coupe des formes collectives de défense.__On croit se sauver en succombant à de régulières petites lâchetés, en fait, il y a un prix à payer. L’émergence de ce moi décomplexé, non distancié d’avec soi-même, signe la fin du courage moral. Nous sommes les passagers clandestins de l’absence de morale. En se faufilant, l’individu pense sauver sa peau. Il fabrique sa propre érosion et sombre dans la dépression. L’érosion de soi vient de la somme de ces démissions quotidiennes. Jamais le malaise individuel n’a été à ce point lié à une déstructuration de la société. L’homme et plus largement la société, meurent pas manque de courage. Et comble du paradoxe, cet individu acculé à une mise en disposition de soi-même n’en est que plus invisible.
C’est dans le monde du travail que le manque de courage sévit, particulièrement, dite-vous.__Chaque matin, en allant travailler, un certain nombre d’individus adhèrent à un système qui désavoue les principes mêmes qui les construisent. Ils critiquent la culture de l’évaluation, les objectifs de rentabilité, le management par le harcèlement. Des puéricultrices disent : « Nous ne pouvons pas avoir seize bébés dans les bras », Les salariés de Pôle Emploi dénoncent la déshumanisation des services. Autour d’eux, de grandes entreprises gagnent de l’argent mais ferment des usines. L’homme ne résiste pas à ces logiques illogiques, à sa propre schizophrénie. Le monde du travail est donc le lieu même de l’érosion du moi et des structures collectives de résistance. A défaut de faire exploser le système, les individus se font imploser eux-mêmes. Ce sont les suicides au travail qui peuvent devenir un massacre.
Des salariés pourtant s’opposent. __Dans l’Education nationale ou ailleurs, des « désobéissants » se font entendre.Descendre dans la rue, signer des pétitions, faire la grève ou mettre en place un droit de retrait restent des actes forts. Il y a d’ailleurs plus d’actes que d’hommes courageux. Nous commettons tous, un jour, quelque acte courageux. Mais la guerre économique requiert hélas plus que des intermittents du courage. L’atomisation de tels actes ne permet pas toujours la construction d’une éthique collective du courage. C’est tout le paradoxe : il n’y a d’éthique du courage que seul. Que si nous sommes prêts à faire ce geste sacrificiel qui consiste à savoir ce que l’on peut perdre sans connaître ce qu’on peut gagner. Et, en même temps, seule l’éthique collective du courage est durable et peut nous permettre de résister.
Pourquoi cette valeur semble t-elle désuète ?__Qui enseigne le courage ? Le père, la mère, les grandes figures faisant loi. Lié à l’autorité et à l’exemplarité, le courage est donc l’inverse de l’égalitarisme ambiant. Il est perçu presque comme un geste autoritaire. Aujourd’hui, les parents se focalisent sur la réussite de leurs enfants et transmettent de moins en moins de valeurs morales. Mais le courage ne disparaît pas pour autant, il a simplement déserté le monde réel. Nous sommes vaillant dans notre imaginaire. Jeux vidéos ou fictions, content de magnifiques épisodes de bravoure ou plutôt de performances de courage. Et c’est là une forfaiture. Pour être réellement courageux, il faut avoir éprouvé la peur et trouver en soi la force de la surmonter. Dans le monde réel, chacun se nourrit d’un fantasme de courage totalement travesti qui n’a nullement besoin de tout cet apparat.__En fait, les individus ne sont pas devenus fondamentalement peureux, ils ont simplement perdu l’entraînement au courage. Cette valeur s’apprend, se transmet par des figures dans l’entourage familial, amical, scolaire, etc. Plus que l’absence, c’est le manque d’entraînement et d’apprentissage du courage qui caractérise notre société.
En quoi le courage serait-il un excellent moyen de lutter contre la dépression ?__D’abord, malgré ce que l’on croit, l’ennemi c’est la mélancolie. La mélancolie est cette chose terrible qui vous met à terre. La posture de résistance et de combat permet de sortir de cette logique du découragement. L’ennemi désigné est ainsi à l’extérieur, il n’est plus soi-même. Geste sacrificiel, le courage peut être sans victoire – il l’est même très souvent – mais il restaure le moi, son unicité et sa légitimité. C’est un régulateur contre la dépression, qui permet de sortir de l’anonymat et de l’interchangeabilité des hommes. Ce que le courage dit-, c’est que vous n’êtes pas interchangeable avec les autres.
C’est à vous  que l’acte incombe.  Or, le système capitaliste est là pour nous  prouver exactement le  contraire, que nous sommes tous remplaçables les  uns par les autres. Le  courage ne s’exerce donc pas exclusivement en  temps de guerre ou de  circonstances exceptionnelles. Il fait partie  intégrante du temps  quotidien et de la pratique démocratique. Bien  sûr, il ne s’agit  pas de jouer constamment les héros, ce serait  intenable. Mais il faut  apprendre à faire du courage un réflexe, un  éthos.___Comment  l’enseigner ?Tout le monde est  convoqué, les parents  dans l’éducation de leurs enfants, les  enseignants à l’école, les  médias dans le choix des parcours qu’ils  mettent en avant, les hommes  politiques dans les valeurs et les  pratiques qu’ils défendent. Ceux qui  sont exemplaires ont l’exigence de  croire à l’exemplarité des autres. Les  Lâches sont toujours ceux qui  désespèrent des autres.___Pourquoi est-ce si   difficile d’être courageux ?--Faire preuve de  courage, c’est  instaurer un rendez-vous radical avec ses principes et  soi-même. Voilà  pourquoi la majorité des individus se défilent. L’autre  difficulté est  que cette épreuve se vit seul. Savoir dire non, en  assumer le  risque et le sacrifice est une démarche solitaire. Peu  d’entre  nous prennent ce risque. On sait ce qu’on va perdre, pas ce  qu’on va  gagner. Mais le courageux n’est pas non plus celui qui ignore  la peur.  On juge le courage d’un homme à ses peurs, celles qui sait  éviter ou  bien garder."
Cet acte  individuel aurait  des vertus thérapeutiques sur le fonctionnement même  de la démocratie ?Je travaille sur  la démocratie, ses  écarts entre les principes et la réalité. Comment  réguler et corriger  les excès désordonnés de la démocratie ? La paix qui  caractérise notre  société a fait croire qu’il n’y avait plus de guerre à  mener, que la  démocratie, c’était du statut quo mais la démocratie  n’est pas un ordre  spontané de l’égalité. C’est une dynamique entre  plusieurs forces, celles  qui portent les valeurs d’égalité et de  liberté et celles qui s’y  opposent.En déléguant nos  intérêts aux  automatismes de la démocratie, nous sommes entrés dans un  système  dégénérescent. Il ne suffit pas d’alimenter la machine  démocratique, en  allant voter par exemple, il faut aussi ranimer son âme  et son esprit.  Le courage pourrait être le pilier de cette régulation."
-Sagesse et révolte___-Socrate et le courage___-La manufacture du consentement____-Le courage, dans le temps et dans ses formes___-Les stratégies absurdes___-Relire Marcuse pour ne pas vivre comme des porcs___-
 
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