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lundi 10 juin 2013

Nos mythes historiques

Histoires et histoire...
________________________Le travail de l'historien n'est jamais achevé.
L'histoire s'écrit et se réécrit sans cesse, à la lumière de nouveaux documents, de nouvelles méthodes, d'un éclairage et d'une relecture toujours plus riches liées à une époque donnée et aux nouveaux moyens, aux nouveaux regards, aux nouveaux intérêts qu'elle offre. Entre l'histoire réalité et l'histoire interprétée, il y aura toujours un décalage, mais qu'il est possible de toujours réduire, dans un processus sans fin.
Que l'histoire de  France en particulier doive être sans cesse revisitée  ne doit donc pas être fait pour étonner. Que des interprétations anciennes soient modifiées, parfois en profondeur, que certains mythes soient remis en question, cela ne saurait surprendre.
De plus, il y aura toujours un écart, parfois un fossé entre l'histoire, telle qu'elle est racontée, l'histoire populaire, et l'histoire enseignée, notamment dans le primaire, et l'histoire telle qu'elle se construit à partir  des recherches des historiens de métier. L'historien sait que ses synthèses sont toujours provisoires, au fur et à mesure que le présent lui offre de nouvelles clés, de nouveaux éclairages. L'enracinement dans le présent détermine la lecture que l'on fait du passé, surtout celui qui concerne notre histoire patrimoniale,notre roman national.
Entre l’histoire-souvenir de l’école primaire et l’importante production médiatique d’une histoire-recherche qui ne peut s’inscrire dans cet « ordre chronologique naturel » de l’histoire scolaire ... Un alliage mystérieux, une alchimie secrète ont fondu dans la conscience collective française histoire et mythologie nationale.
Comment démêler l’histoire de la légende, comment reconnaître dans « l’histoire de France » le tissu indéfiniment chatoyant qui entrecroise événements, groupes, personnages, mouvements, rêves ? Et comment repenser un passé dont nous ne saisissons que des traces, inséparables des sentiers par lesquels elles nous sont parvenues ?
L’absence, en France, de l’idée que l’histoire a une « histoire » est flagrante. Nous croyons à l’histoire avec un grand H. Pourtant le passé se transmet sous des habillages qui varient selon les époques. La configuration d’un récit est marquée d’empreintes idéologiques fluctuantes, de colorations imaginaires. Nulle explication ne reflète jamais complètement son objet. L’histoire de France reste, pour la plupart des Français, ce qu’elle était à la fin du siècle dernier : à la fois science et liturgie. Décrivant le passé « vrai », elle a pour fonction et pour définition d’être le récit de la nation : histoire et nationalisme sont indissociables. Au XIXème siècle, la nation devint l’être historique par excellence, autour duquel s’organisa le passé supposé intégral...
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__Réécrire le passé, le gauchir, l'idéaliser, l'héroïser ou le noircir, la dénaturer en l'instrumentalisant a été une constante et reste encore une pratique dont certains pouvoirs ne sont pas à l'abri. Jeanne d'Arc, la Révolution restent encore, dans le débat public et politique, des enjeux idéologique bien vivants, comme l'analyse S. Citron.
___  « L’histoire de France » est devenue souvent fétiche de la nation.
Depuis les Gaulois, dont l'histoire complexe est en plein renouvellement, jusqu'à Clovis, qui fut encore récemment otage d'intérêts politiques et religieux, la bataille des mémoires revient périodiquement.
L'histoire mythique et hagiographique n'a pas encore déserté certains manuels ou certains discours engagés. Lavisse reste encore parfois un peu présent dans les esprits, lui qui disait: « Il y a dans le passé le plus lointain une poésie qu'il faut verser dans les jeunes âmes pour y fortifier le sentiment patriotique. Faisons-leur aimer nos ancêtres les Gaulois et les forêts des druides, Charles Martel à Poitiers, Roland à Roncevaux, Godefroi de Bouillon à Jérusalem, Jeanne d'Arc, Bayard, tous nos héros du passé, même enveloppés de légendes car c'est un malheur que nos légendes s'oublient, que nous n'ayons plus de contes du foyer, et que, sur tous les points de la France, on entende pour toute poésie que les refrains orduriers et bêtes, venus de Paris. Un pays comme la France ne peut vivre sans poésie.
___Revenir sur Charles Martel et son instrumentalisation contemporaine, sur la bergère de Domrémy, utilisée à droite comme à gauche, sur la figure souvent très injustement controversée de Robespierre, d'un Napoléon souvent mythifié (1) et parfois mystificateur lui-même, d'un de Gaulle, interprétant le passé à sa lumière et sujet parfois idéalisé... est une nécessité pour secouer croyances, mythes et légendes et retrouver sous la poussières des mémoires trop humaines l'authenticité des faits et le solidité des hypothèses les plus rationnelles.
Réduire l'enseignement de l'histoire de France au nom de la rentabilité est un erreur, voire une faute.
La renforcer par des apports plus critiques, oui, mais moins franco-centrée..
L'utilité de histoire  reste toujours à défendre, même si  les historiens n'ont pas toujours des point de vue convergents sur tout. Marc Bloch l'a montré magistralement
L'histoire bien enseignée permet de contribuer à entretenir une mémoire essentielle, à construire civisme et identité, à mieux comprendre le présent pour mieux préparer l'avenir.
La défense de l'histoire n’est jamais bien loin de la défense de la démocratie
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