Main basse sur les semences
Une guerre de l'ombre se livre, malgré les mobilisations au niveau mondial.
Aux dépens de la biodiversité, une offensive est en cours pour le contrôle des marchés des semences si vitales.
Sous le pression des seigneurs de l'agrobusiness, l'agriculture devient de plus en plus une annexe de puissantes industries chimiques et agro-alimentaires.
La main mise progressive des multinationales sur les semences, notamment, aidées par de puissants lobbies, se fait progressivement, malgré les résistances locales.
Henri Kissinger disait “Qui contrôle le pétrole contrôle les nations, qui contrôle l'alimentation contrôle les peuples”.
La privatisation des semences représente le point essentiel sur la voie de la privatisation du vivant.
Les accords commerciaux, en cours ou en préparation, criminalisent peu à peu les semences de ferme.
Les accords commerciaux sont devenus l’outil idéal pour les
gouvernements, qui travaillent main dans la main avec les lobbies des
grandes entreprises, pour faire passer les nouvelles règles destinées à
restreindre le droit des paysans à se servir des semences. Jusqu’à
relativement récemment, le plus important de ces accords était l’Accord
de l’Organisation mondiale du Commerce (l’OMC) sur les aspects des
droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).
Adopté en 1994, l’accord sur les ADPIC était, et c’est encore le cas, le
premier traité international à établir des normes mondiales pour les
droits de « propriété intellectuelle » concernant les semences.1
Le but est de garantir que des sociétés comme Monsanto (*)ou Syngenta, qui
dépensent de l’argent pour la sélection végétale et le génie génétique,
puissent contrôler ce qui arrive à leurs semences en empêchant les
agriculteurs de les réutiliser, ce qui ressemble fort aux procédés
employés par Hollywood ou Microsoft pour essayer d’empêcher les gens de
copier ou de partager les films ou les logiciels en attachant des
verrous juridiques ou technologiques à leurs produits.
Mais les semences ne sont pas des logiciels. L’idée même de « breveter
le vivant » suscite une énorme contestation. Pour cette raison, l’accord
de l’OMC formait une sorte de compromis mondial entre gouvernements.
L’accord stipule que les pays ont le droit d’exclure les végétaux et les
animaux (autres que les microorganismes) de leurs lois sur les brevets,
mais qu’ils doivent fournir une forme de protection de la propriété
intellectuelle sur les obtentions végétales, sans toutefois spécifier
comment faire.
Les accords commerciaux négociés en-dehors de l’OMC, en particulier ceux
qui émanent des puissantes économies du Nord, ont tendance à aller
beaucoup plus loin. Ils exigent souvent que les pays signataires
brevètent les plantes et les animaux, ou suivent les règles de l’Union
pour la protection des obtentions végétales (UPOV), basée à Genève, qui
crée des droits similaires à un brevet sur les obtentions végétales. Que
ce soit sous la forme de lois sur les brevets ou l’UPOV, ces règles
décrètent généralement qu’il est illégal pour les paysans de conserver,
échanger, vendre ou modifier les semences qu’ils ont gardées quand elle
proviennent de variétés soi-disant protégées.2
En fait en 1991, la Convention de l’UPOV a été modifiée pour donner
encore plus de monopole aux entreprises d’agrobusiness, aux dépens des
communautés de petits agriculteurs et des populations autochtones. C’est
cette version 1991 de l’UPOV que promeuvent aujourd’hui largement les
accords commerciaux...
Un système incessant de pressions diplomatiques et financières pour
amener « en coulisse » les pays à privatiser les semences (ces accords
commerciaux sont en effet négociés en secret) est en place depuis. Les
enjeux sont importants pour l’industrie des semences. Au niveau mondial,
10 entreprises contrôlent à elles seules 55 % du marché des semences
commerciales.
Pour ces grandes entreprises toutefois, cette part de marché n’est
encore pas suffisante. Partout en Asie, en Afrique et en Amérique
latine, quelque 70 à 80 % des semences utilisées par les paysans sont
des semences paysannes, qu’ils obtiennent dans leurs propres fermes,
chez des voisins ou auprès de communautés avoisinantes. Dans ces
territoires qui restent à conquérir, les géants de l’agrobusiness
veulent remplacer la sauvegarde des semences par des marchés des
semences et prendre le contrôle de ces marchés. Pour se faciliter la
tâche, ils réclament aux gouvernements des protections légales, pour
créer et renforcer le monopole des grandes sociétés sur les semences.
C’est là que les accords de libre-échange interviennent comme
l’instrument parfait pour forcer les pays à changer leurs lois..."
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