Il y a quelque temps, on se demandait où allait la Turquie.
Au vu de ses contradictions, du double jeu de Erdogan, de ses revirements, de ses nouveaux rapprochements géopolitiques.
Aujourd'hui, alors que la répression s'approfondit et ne semble plus épargner un secteur clé de la vie de l'Etat et des medias, il semble que le mot "démocrature" , désignant une apparence de vie démocratique, ne suffise plus et que le mot dictature s'impose de plus en plus.
La démocratie, c’est l’investiture populaire, certes, mais c’est aussi, à part égale, le respect des libertés publiques et de l’État de droit. La fin (le régime que l’on veut instituer) est déterminée par les moyens utilisés pour l’atteindre. A l’évidence, ces fondements essentiels de la démocratie sont oubliés depuis quelques temps en Turquie et la vague de répression, impressionnante, renforce l’inquiétude occidentale. Les discours à l’emporte-pièce du président Erdogan, qui a une nouvelle fois évoqué le rétablissement de la peine de mort le 7 août, comme les libertés qu’il n’hésite pas à prendre avec le respect du droit, justifient ces réserves.
Même si les Etats européens, pris au piège, font preuve de timidité, voire de naïveté.
Il y a une indifférence européenne, otage en partie du jeu d'Istanbul, ressemblant pourtant à un bateau ivre, qui se prépare un avenir inquiétant, dans le raidissement et la peur..
Malgré un certain consensus populaire, livré à la désinformation et à la division.
Et surtout à une peur efficace, (*)qui laisse le champ libre à un islamisme politique renforcé et au risque de guerre civile par la rupture des accords avec les Kurdes.
C'est l'enfer du journalisme indépendant, comme le note Olivier Bertrand.
Depuis la répression d'un étrange putsh demeuré plutôt énigmatique et largement instrumentalisé, la lutte contre l' Empire Gülen, diaboliré, la Turquie suit une pente dangereuse
" «Il n’y a pas de preuve aujourd’hui que Gülen est derrière la tentative de putsch de mi-juillet, mais on ne peut pas l’infirmer non plus. Il serait étonnant que les gulénistes soient parvenus à infiltrer l’armée avec une ampleur à pouvoir fomenter un coup. Certains militaires ont pu avoir leurs propres intérêts à vouloir renverser le président turc, et des gulénistes ont peut-être apporté leur appui. Une chose est certaine, cette affaire a renforcé l’assise d’Erdogan. Le réseau Gülen est laminé en Turquie.» Il est peu probable que le président turc ait les moyens de l’affaiblir à l’étranger, selon le chercheur, même si la traque s’observe jusqu’en Europe (lire ci-contre), mais le mouvement, incontestablement, est atteint. «Et comme il est constitué d’un patchwork d’intérêts très divers, il pourrait bien éclater en plusieurs tendances.»"
La guerre soudaine des frères ennemis se poursuit jusque dans les écoles, les universités, les prétoires, les salles de rédaction....Rien de bon ne peut à terme sortir de cette fuite en avant..Pour la Turquie comme pour nous.
* Dossier:Turquie | Courrier international
-Turquie - Le Monde diplomatique
*Points de vue: Alerte à Istanbul
Dans la marmite turque
Le tsar et le sultan
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(*)- ...Une institutrice déplore la faiblesse de la mobilisation en faveur de Cumhuriyet – même le jour des arrestations, l’affluence des manifestants n’a pas dépassé 2 000 personnes. Mais elle comprend les silencieux, les apeurés : « Ils ont vraiment fait peur à tout le monde. Ils domestiquent les gens en menaçant de s’en prendre à leurs revenus. Ils virent de leur travail ceux qui parlent, ils virent leurs conjoints, tout le monde reste sans un sou. J’ai un ami prof qui a commencé à travailler comme chauffeur de camion. Il y a toujours eu de la répression dans ce pays, on l’a toujours vécue, et nos parents nous l’ont racontée, mais en ce moment on ne peut vraiment plus respirer. »
À l’intérieur du journal, les constats sont tout aussi sombres. Orhan Erdinç, président de la Communauté des journalistes de Turquie (TGC) et éditorialiste de Cumhuriyet, s’enorgueillit d’avoir « vécu 34 mois quand Atatürk était encore parmi nous ». « Je fais ce métier depuis 59 ans. J’ai tout vécu. Jamais la peur n’a été aussi présente et aussi efficace », affirme-t-il. Le journaliste prend pour exemple sa propre arrestation, lors du putsch militaire de 1980, et la façon dont un procureur s’était alors opposé à l’injonction des généraux de le faire écrouer. « Aujourd’hui, un tel refus serait impossible. Tout le monde, à tous les échelons hiérarchiques de l’administration, a peur d’être désigné comme un membre de l’organisation güleniste, de perdre son travail. […] Malheureusement, la pire période que j’ai eu à traverser dans mon existence, c’est maintenant. »
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*Points de vue: Alerte à Istanbul
Dans la marmite turque
Le tsar et le sultan
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(*)- ...Une institutrice déplore la faiblesse de la mobilisation en faveur de Cumhuriyet – même le jour des arrestations, l’affluence des manifestants n’a pas dépassé 2 000 personnes. Mais elle comprend les silencieux, les apeurés : « Ils ont vraiment fait peur à tout le monde. Ils domestiquent les gens en menaçant de s’en prendre à leurs revenus. Ils virent de leur travail ceux qui parlent, ils virent leurs conjoints, tout le monde reste sans un sou. J’ai un ami prof qui a commencé à travailler comme chauffeur de camion. Il y a toujours eu de la répression dans ce pays, on l’a toujours vécue, et nos parents nous l’ont racontée, mais en ce moment on ne peut vraiment plus respirer. »
À l’intérieur du journal, les constats sont tout aussi sombres. Orhan Erdinç, président de la Communauté des journalistes de Turquie (TGC) et éditorialiste de Cumhuriyet, s’enorgueillit d’avoir « vécu 34 mois quand Atatürk était encore parmi nous ». « Je fais ce métier depuis 59 ans. J’ai tout vécu. Jamais la peur n’a été aussi présente et aussi efficace », affirme-t-il. Le journaliste prend pour exemple sa propre arrestation, lors du putsch militaire de 1980, et la façon dont un procureur s’était alors opposé à l’injonction des généraux de le faire écrouer. « Aujourd’hui, un tel refus serait impossible. Tout le monde, à tous les échelons hiérarchiques de l’administration, a peur d’être désigné comme un membre de l’organisation güleniste, de perdre son travail. […] Malheureusement, la pire période que j’ai eu à traverser dans mon existence, c’est maintenant. »
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