The Smiling Killer
Comme Charles Quint pouvait dire que le soleil ne se couchait jamais sur ses terres, Nicolas Bolloré pourrait affirmer que ses multiples affaires couvrent des domaines et des lieux aux limites sans cesse repoussées ....
Homme de papier, à l'origine, les domaines d'activités du Breton obstiné sont désormais si variés que l'on risque toujours d'en oublier une partie.
IL faut au moins 10 minutes pour survoler l'étendue de l'univers impitoyable de l'atypique homme d'affaires.
L'activité de l'ami des premières heures de Sarkozy s'exerce aussi bien dans l'industrie que dans la logistique, aussi bien dans la batterie au lithium que dans le domaine des medias, où il entend exercer une pouvoir d'influence incontesté, comme tant de groupes puissants aujourd'hui. Participer à faire l'opinion n'est peut-être un objectif rentable dans l'immédiat, mais il ne doute pas que cette stratégie soit aussi un bon investissement. On mène les hommes aussi par les idées.
Son influence s'exerce jusque dans la vie quotidienne et pas seulement au Cameroun ou en Côte d'Ivoire. Entre autres pays. [L’Afrique est comme une île, reliée au monde par les mers, expliquait un ancien du groupe Bolloré en 2006. Donc, qui tient les grues tient le continent]
L'ami africain ne cesse d'étendre ses activités..
Une récente enquête d'Antenne 2 fit beaucoup de bruit sur ses pouvoirs, ses ambitions et surtout ses méthodes
"Quand il vous appelle 'mon ami', méfiez-vous !" confie un de ses
anciens proches. La technique préférée de Vincent Bolloré, c'est le coup
de force avec un grand sourire. Quand il veut avaler une entreprise, ce
"chef d’un clan de gitans" est prêt à tout. Ce patron surnommé le
"smiling killer", le tueur souriant, a pris le contrôle total du groupe
Vivendi quand il en était actionnaire. "
Il y a les aspects connus dans sa polyactivité, mais il y a aussi une face cachée (*)
Après avoir dévoré Canal+, ses démêlés actuels avec iTélé sont une véritable feuilleton.
Cette volonté de conquête a néanmoins ses revers et n'est pas à l'abri de certaines erreurs.
Au coeur d'une presse malade, au côté notamment du citizen Drahi, il s'efforce d'étendre son influence. et de contrôler l'univers immatériel de l'information, de contribuer à faire l'opinion.
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________(*) Vincent Bolloré se serait sans doute passé de cette nouvelle
controverse. Il avait déjà censuré il y a quelques mois un article du Monde sur les violences policières dans son quotidien gratuit Direct matin, dans lequel Le Monde est actionnaire à 30%. Il vient de récidiver la semaine dernière, comme l'a dévoilé Rue 89,
en interdisant à la dernière minute la publication d' un article sur
les méthodes assez curieuses de la RATP pour pister les clients grâce à
la carte Navigo. C'est le type même de polémique qui agace le financier. Quoi qu'il en dise, il est très sensible à son image.
Il
préfère que l'on parle de lui comme un nouveau conquistador, un des
entrepreneurs prêts à tout pour bousculer le jeu. L'image est désormais
ancrée dans les esprits. Il n'y a pas une semaine ou presque sans que
l'ombre de Vincent Bolloré ne plane sur le monde français des affaires.
Il semble toujours à l'affût, quel que soit le secteur concerné.
En
ce moment, il n'est question que de son attaque – imminente selon
certaines rumeurs – sur le groupe britannique de publicité Aegis, dont
il détient déjà 29%. Il y a quelques jours, on lui prêtait l'intention
de racheter l'hebdomadaire Le Point à François-Henri Pinault.
Dans le même temps, on parle de sa montée au capital de la société
italienne automobile Pininfarina, en difficulté depuis la mort de son
dirigeant. Auparavant, la presse avait écrit sur son ambition de
racheter TF1 à Martin Bouygues.
Rien ne paraît devoir arrêter Vincent Bolloré. Pourtant, à la lecture des comptes officiels de son groupe,
son appétit paraît démesuré par rapport à ses moyens. Il a un groupe
certes de taille honorable. Mais sa dimension financière ne paraît pas
être à la hauteur de ses projets affichés ou supposés. En 2007, le
groupe a réalisé un chiffre d'affaires de 6,3 milliards et un résultat
net de 322 millions d'euros. Au premier semestre de 2008, le groupe a
déjà été pénalisé par la crise : le résultat net a chuté de 61%, à 140
millions d'euros, en raison de la chute d'Havas où il est actionnaire à
hauteur de 32,8%.
Pas de quoi faire des folies donc. D'autant
que sur les sept activités du groupe (transports et logistiques, films
plastiques et batteries, papiers minces, distribution d'énergie,
terminaux et systèmes spécialisés, médias et télécoms et autres), seules
les branches transports et logistiques, distribution d'énergie,
affichent un résultat opérationnel positif (58 millions au premier
semestre 2008).
Toutes les autres sont en perte. Et c'est sans
compter les gros paris sur l'avenir qu'a pris Vincent Bolloré en misant
sur le développement de la batterie électrique, le redressement d'Havas,
ses convoitises sur Aegis. Autant de chantiers qui amènent le groupe à
immobiliser plus de 1 milliard d'euros de capitaux.
En dépit de
cette équation financière contrainte, personne néanmoins ne remet en
question les ambitions de Vincent Bolloré. Aveuglement médiatique? Sans
doute. Mais peut-être aussi le sentiment diffus que la puissance du
financier, qui s'est illustré ces dernières années par quelques coups
célèbres, est plus grande que celle affichée officiellement. Sentiment
plus que justifié. Il y a bien une face cachée de l'empire Bolloré.
Juste évoquée en quelques mots pour ne pas donner l'impression du
secret, mais en fait totalement obscure.
Entre Afrique et
Luxembourg, Vincent Bolloré a bâti un deuxième groupe puissant, discret
et tentaculaire. Il lui permet de faire ses coups financiers à l'abri
des regards, de prospérer hors de nombreuses contraintes fiscales et
réglementaires et d'accumuler une richesse sans proportion avec celle
revendiquée. Voyage dans la zone offshore de Bolloré
Aux origines de cette fortune discrète, il y a l'empire Rivaud.
Puissance financière coloniale, propriétaire de millions d'hectares de
plantations en Afrique et en Asie, elle a au fil des décennies accumulé
des centaines de millions – des milliards aujourd'hui – dans les paradis
fiscaux les plus divers – Vanuatu, Guernesey, Jersey, Luxembourg –, au
travers d'un écheveau inextricable de sociétés en autocontrôle, aux noms
évoquant le passé colonisateur français : Caoutchoucs de Padang,
Forestière bordelaise, Terres rouges, Compagnie du Cambodge, Sennah
Rubber..
Un empire tenu d'une main de fer par Jean de Beaumont et Edouard de Ribes. Dès
que l'on prononce leurs noms, les interlocuteurs évoquent la bonne
noblesse napoléonienne, le Bottin mondain, le Jockey Club et la création
du Club Interallié.
Ils oublient en revanche le trafic des piastres entre
la France et l'Indochine au début des années 1950, la collusion
continuelle avec les pouvoirs en place tout au long de la IVe
République, l'accueil dans leur banque des finances du RPR, et aussi
leur immense fortune, les liens très étroits avec certaines familles
italiennes très proches du Vatican et de sa banque, l'IOR (Istituto per
le Opere di Religione, institution pour les œuvres religieuses). A
l'abri des regards indiscrets, ils ont accumulé des centaines de
millions tirés des plantations asiatiques et africaines, avec l'appui de
la famille Fabri en Belgique, qui possède un tiers de l'empire.
Tous
ceux qui ont essayé de s'approcher de Rivaud, d'en prendre le contrôle,
s'y sont cassé les dents, d'Edouard Stern et Philippe Jaffré à
Giancarlo Parretti, l'homme d'affaires italien au cœur d'un des plus
gros scandales du Crédit lyonnais. Même des membres de la famille Rivaud
ont été partiellement dépouillés par les deux hommes, les seuls
capables de s'y retrouver dans le dédale des participations (lire notre
article "A la recherche de l'héritage perdu").
Tous
ont échoué donc, sauf un : Vincent Bolloré. Invité en 1987 par les deux
dirigeants à entrer au capital comme actionnaire très minoritaire de
quelques sociétés Rivaud (Artois, Socfin et Terres rouges) pour défendre
le groupe contre les attaques des banques Stern et Duménil Leblé, il
n'a jamais lâché sa proie depuis. Même au temps de la quasi-faillite de
son groupe en 1994, il n'a pas envisagé de se défaire de ses
participations dans Rivaud. Là était sa fortune. Il le savait.
Après
des années de patience, l'heure de la récompense sonna. En 1996, la
banque Rivaud, plaque tournante financière du dispositif mis en place
par Jean de Beaumont et Edouard de Ribes, est ébranlée : un contrôle
fiscal a mis en lumière un dispositif d'évasion fiscale en Suisse pour
les fortunes du Sentier et d'ailleurs. Dans le même temps, la justice
enquête sur son rôle dans des financements occultes à destination
d'administrateurs judiciaires. Enfin, la Commission bancaire s'inquiète
de sa solidité financière et de son soutien hors de proportion à la
compagnie aérienne Air Lib, en quasi-faillite.
Vincent Bolloré
souffle alors sur les braises. Au conseil, comme dans les médias, il
prédit la catastrophe bancaire. La banque est perquisitionnée, de
nombreux documents sont envoyés aux juges. Présentée comme la banque du
RPR, la banque voit sortir dans la presse les comptes de certains
clients dont celui d'Alain Juppé, alors premier ministre. En septembre,
tout est consommé. Vincent Bolloré a pris le pouvoir et s'est installé
dans la banque. (Pour le récit complet de cet assaut, lire le livre de
Renaud Lecadre et Nathalie Raulin, Enquête sur un capitaliste au-dessus de tout soupçon.)
...... Bolloré aujourd'hui, ce sont des dizaines de sociétés et de filiales
dans le monde. Une petite partie est installée en France, un certain
nombre en Afrique pour les besoins de ses activités portuaires,
logistiques et agricoles, et un bon paquet ailleurs en Europe, avec une
nette préférence pour le Luxembourg (lire ici la liste des sociétés consolidées du groupe. Il y en a six pages).
Certaines
ont été reçues par héritage, si l'on peut dire, d'autres sont de
création récente, comme Swan, Cormoran ou Carlyle investissement.
Vincent Bolloré assure que cette dernière accueille juste des
participations pour ses bateaux. La ressemblance avec un autre groupe
Carlyle, un fonds américain redouté, très proche de la famille Bush et
qui s'est illustré dans certaines affaires avec la CIA, est cependant
frappante. D'autant que l'antenne européenne de ce fonds est aussi au
Luxembourg.
Tout fonctionne en circuit fermé. Aux conseils
d'administration, on retrouve la même poignée d'hommes, cinq ou six,
contrôlant l'ensemble de la pyramide. Le même homme, Daniel-Louis
Deleau, installé au Luxembourg, supervise toutes le structures,
accomplit les démarches administratives, signe les procès-verbaux
d'assemblée et les chèques depuis plus de vingt ans.
A la base, il
y a des structures opérationnelles. Elles ont une activité, des
employés, un chiffre d'affaires et des bénéfices. Mais elles ne
conservent quasiment rien pour elles. Tous les flux de trésorerie, les
bénéfices sont centralisés par la suite dans différentes structures
(Financière du Champ de Mars, Plantations de terres rouges, Socfinal,
Nord Sumatra, etc.). Ce sont des sociétés de portefeuille qui n'ont
parfois aucun chiffre d'affaires, pas de salariés, de multiples
dividendes et des réserves de capitaux prolifiques, le tout bénéficiant
de grandes largesses fiscales.
Combien cet ensemble pèse-t-il ?
Peut-être 5, peut-être 10 milliards d'euros, peut-être plus, En tout
cas, pas dix milliards de francs (1,5 milliard d'euros), comme l'avait
annoncé Vincent Bolloré en 1996. Il y a des actifs partout, parfois
inscrits à leur valeur historique des années 1950 ou avant. Il y a des
réserves partout. Tout en se moquant des « petites caisses » du
comte de Ribes, Vincent Bolloré en a repris l'usage. La Financière du
Champ de Mars (ex-Socfin) a plus de deux milliards d'euros de réserves,
Plantation des terres rouges 500 millions, sans compter les dizaines de
millions accumulées ici et là dans des structures pratiquement sans
aucune dette.
Contrôler les flux d'argent paraît presque
impossible. Les participations se croisent, se recroisent.
L'autocontrôle est à tous les étages: Plantations des terres rouges
détient 61,7% de Cambodge, qui détient elle-même 36% de Moncey, qui
détient 42% de Financière d'Artois, elle-même actionnaire à hauteur de
22% de Plantations des terres rouges. Ainsi de suite. Les dividendes
circulent d'une structure à l'autre, reviennent, se perdent. Le tout est
illisible..... (Merci à Mediapart)
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