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mercredi 1 septembre 2021

Afghanistan

 L'après Kaboul

                      Séisme et répliques

         On n'a pas fini de gloser sur les conséquences du départ précipité, mais prévisible, des USA, du fiasco annoncé depuis longtemps, de l'entêtement d'une administration militaro-politique, qui n'était pas sans précédents. L'aboutissement d'un piteux échec stratégique et moral, dans la longue suite des guerres menées par l'empire, devenues peu à peu un marché.....

"...Il est toujours aussi difficile de comprendre comment les renseignements américains n'ont pas réussi à anticiper l'effondrement de l'armée afghane. Des responsables de l'administration Biden ou de la hiérarchie militaire sont-ils particulièrement visés sur ce point? _____________Il y a la communauté du renseignement, la hiérarchie militaire au Pentagone et la Maison Blanche, sans parler du département d’Etat. Les responsabilités de chacun sont différentes, et les auditions qui viendront au Congrès permettront peut-être de mieux les distinguer. Ces dernières semaines, le Washington Post, le New York Times et le Wall Street Journal ont publié plusieurs récits très complémentaires sur les errements de ces derniers mois, côté américain. On y voyait bien que les estimations du printemps de la communauté du renseignement, concernant la résistance des forces afghanes à l’offensive talibane, étaient de plus d’un an. Fin juin, elles étaient réduites à six mois environ. Tout s’est précipité pour plusieurs raisons, que j’ai détaillées dans l’édition du Monde de cet après-midi. Notamment la fin de l’appui aérien aux forces afghanes, la corruption, la démoralisation de ces troupes locales et, enfin, la fuite du président afghan. La reconquête talibane est apparue comme inéluctable, asséchant toute idée de résistance. Il est nécessaire d’insister sur la responsabilité politique de Joe Biden, qu’il a lui-même revendiquée. Son ordre était clairement de mener le retrait militaire à tout prix, et au plus vite, avant l’anniversaire des attentats du 11-Septembre..". [Piotr Smolar (Washington, correspondant]

                  __________De la guerre du Mexique à celle d' Afghanistan, en passant par celle du Vietnam, les armées des USA seront restées peu de temps au repos. Sans évoquer la longue guerre pour la conquête et l'extension du pays.
   Comme disait le général Patton, "De tous temps, les Américains ont aimé se battre...Les Américains aiment les vainqueurs. Les perdants, chez nous, on n'en veut pas. Les Américains se battent pour gagner quel que soit le prix, et nous ne paierons jamais assez cher pour rester des hommes libres. Quoi qu'il arrive. C'est pour ça que les Américains n'ont jamais perdu une guerre. Et c'est pour ça que jamais ils n'en perdront. Tout simplement parce que l'idée de perdre est intolérable aux Américains. 
           C'était avant le tragique fiasco vietnamien et le bourbier afghan.
   Une histoire qui se répète cependant, comme le reconnaît  Ken Burns, " Nous faisons toujours les mêmes choses, nous passons notre temps à faire la guerre. Nous n'apprenons pas."                          Comme pour tout empire, la guerre, proche ou lointaine, est consubstantielle à la politique étrangère des USA, favorisée par la recherche de l'influence, du leadership, de la puissance. Soutenue aussi par une certaine culture des armes ancrée très tôt, largement partagée, justifiée par le Deuxième Amendement et largement encouragée par des lobbies puissants. 
   _____Dans son étude, l'historien Thomas Rabino explique que "la rupture du 11 septembre est d'abord psychologique" , mais également révélatrice de ce lien très particulier que le pays entretient avec la guerre. C'est à partir de ce lien qu'il est possible d'obtenir des clés de compréhension majeures sur le 11 septembre, mais aussi les Etats-Unis. Comme tous les grands empires, la guerre fait partie de l'histoire du pays. En effet, une puissance se construit économiquement, mais aussi militairement. Mais l'auteur va plus loin. Le pays lancerait une campagne de guerre tous les quatre ans en moyenne depuis 1774 (date de sa formation), ce qui permettrait de comprendre le caractère violent de la culture américaine, l'influence des entreprises d'armement ou encore l'importance du budget de la défense. Surtout, le 11 septembre, ainsi que les guerres qui en ont découlé, ne sont que des nouveaux épisodes d'une dynamique bien connue et rodée du pays : "les guerres américaines font les Etats-Unis d'aujourd'hui, et feront les Etats-Unis de demain..." 
  ______     Avant lui , Noam Chomsky  "met en relief la nature belliqueuse de la politique étrangère américaine, contrairement au discours classique de défense des libertés et des droits de l’homme mis régulièrement en avant par les autorités officielles américaines. Les États-Unis ont imposé un modèle capitaliste qu’ils défendent sur la scène internationale et, selon l’auteur, la guerre vise principalement à protéger les intérêts des grandes entreprises américaines. En effet, le parallèle entre la guerre et la concurrence économique est entièrement assumé par Noam Chomsky, qui s’emploie à justifier historiquement.. Il ne s’agit pas d’éliminer des adversaires, mais de mettre à terre d’autres projets de société alternatifs pour que la mondialisation libre-échangiste serve uniquement les intérêts américains. Les États-Unis ont ainsi systématiquement soutenu des coups d’État militaires pour appuyer une brutalisation consistant « à infliger […] le maximum de souffrances dans l’espoir, non seulement de faire durer [les] difficultés mais aussi de faire en sorte que seuls les éléments les plus durs et les plus brutaux de la population en sortiront » . L’originalité de l’ouvrage tient à l’analyse systématique de tous les régimes appuyés par les États-Unis dans les années soixante, en Amérique latine et en Asie. La Seconde Guerre mondiale fait même l’objet d’une nouvelle lecture, selon laquelle les États-Unis sont entrés en guerre non pas pour s’opposer à la solution finale appliquée par le régime nazi, mais pour protéger les intérêts économiques américains menacés. Selon Noam Chomsky, l’usage de la bombe nucléaire par les États-Unis et la destruction de générations au Japon ne peuvent être ignorés dans ce contexte. Les États-Unis se sont très vite écartés des accords de Genève d’après la guerre qui donnaient un cadre aux conflits pour éviter les massacres des populations civiles..." 
 Même dans l'intervention en Europe en 1917 et dans celle, tardive de 1940, les intentions US ne furent jamais désintéressées.            Une histoire qui se répète, sous des formes diverses, depuis deux siècles et demi, jusqu'à l'intervention syrienne, à la fois avouée et déniée. Non sans "bavures", ni sans échecs.
    Les avertissements de Eisenhower à la fin de son mandat n'ont pas eu de portée.
                 __ "A l'instar des empires d'antan, de la Pax romana à la « démocratisation du Moyen-Orient », les intérêts stratégiques propres à une grande nation sont 
indispensables au maintien, voire à l'accroissement de sa puissance. Du Mexique, victime en 1848 de l'expansionnisme américain, au Panama, dont le contrôle offre un atout commercial considérable, en passant par l'Irak, objet de toutes les convoitises depuis que l'or noir y est exploité, les exemples ne manquent pas.                  ___Assurer la croissance de son territoire, la maîtrise des matières premières et des débouchés économiques pour la production nationale sont autant d'enjeux qui requièrent parfois l'usage de la force. Le déclin relatif de l'économie américaine, l'explosion d'un déficit commercial apparu dans les années 1970, la contraction de son produit national brut à l'échelle mondiale et l'émergence d'un concurrent comme la Chine rendent, depuis les années 1990, la consolidation et l'extension de ses positions stratégiques plus vitales que jamais. La guerre n'est-elle pas, selon les mots du théoricien militaire Clausewitz, la « politique continuée par d'autres moyens » et un « véritable instrument de la politique » ?              ____ Rabino étudie la contribution de l’armée à la réalisation des films de guerre, la torture dans les séries télévisées, le vocabulaire volontiers barbare des responsables de la communication militaire, le débat sur les éventuels dégâts sanitaires dus à l’uranium appauvri des munitions, nous donnant, chaque fois que c’est possible, des statistiques sur l’évolution de ces phénomènes significatifs. Les fluctuations d’une opinion mobile, patriotique et démocratique, manipulée ou résistante selon les circonstances, adhérant ou refusant le discours officiel, sont saisies et suivies par des sondages. Il le faut : la réalité de l’Amérique est qu’elle est toujours en guerre, ainsi que son immense armée, son gigantesque budget militaire, ses bases, ses interventions incessantes en témoignent. "                                                            ____ "« Cette conjonction entre un immense establishment militaire et une importante industrie privée de l’armement est une nouveauté dans l’histoire américaine. (...) Nous ne pouvons ni ignorer, ni omettre de comprendre la gravité des conséquences d’un tel développement. (...) nous devons nous prémunir contre l’influence illégitime que le complexe militaro-industriel tente d’acquérir, ouvertement ou de manière cachée. La possibilité existe, et elle persistera, que cette influence connaisse un accroissement injustifié, dans des proportions désastreuses et échappant au contrôle des citoyens. Nous ne devons jamais permettre au poids de cette conjonction d’intérêts de mettre en danger nos libertés ou nos méthodes démocratiques. Rien, en vérité, n’est définitivement garanti. Seuls des citoyens alertes et informés peuvent prendre conscience de la toile d’influence tissée par la gigantesque machinerie militaro-industrielle et la confronter avec nos méthodes et objectifs démocratiques et pacifiques, afin que la sécurité et les libertés puissent fleurir côte à côte. » (D.E.  1961)

    "Républicains et démocrates jugent que ces années de guerre ont épuisé financièrement le pays, au moment où il aurait besoin de réserves pour relancer l'activité. Le message est à peu près le même d'un bord à l'autre du spectre politique, notamment chez les élus de base. 
       Représentant républicain d'un Etat qui ne manque pourtant pas d'académies militaires, le député de Caroline du Nord Walter Jones assure : "Nous ne pouvons pas continuer à policer le monde. "Sénateur démocrate de Virginie occidentale, Joe Mandrin assène : "Reconstruire l'Amérique ou l'Afghanistan, il faut choisir."__Plus significatif encore, le NewYork Times rapporte que la Conférence des maires du pays, réunie en juin, a adopté une résolution à tonalité isolationniste. Elle stipule que les impôts des Américains doivent servir à construire des ponts "à Baltimore et à Kansas City, pas à Bagdad ou à Kandahar". Traditionnellement, le Parti républicain porte haut et fort le drapeau de l'engagement à l'étranger. Cette fois, ses deux principaux candidats pour 2012, Mitt Romney et Jon Huntsman, sont les avocats d'un retrait rapide d'Afghanistan.
   __Est-on encore une superpuissance quand une partie de son budget militaire est prise en charge par un autre pays, en l'espèce, la Chine, acheteur numéro un de bons du Trésor américains ? L'un des papes de l'establishment stratégique du pays, Leslie Gelb, répond : "Ce qui déterminera l'avenir de l'Amérique, ce n'est pas ce qui peut arriver en Afghanistan aujourd'hui ou dans les cinq ans à venir, mais ce qui va se passer à propos d'une dette qui nous écrase."  ____________________________

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