Le grand défi
Nous n'avions rien vu venir. Longtemps le climato-scepticisme eut pignon sur rue, le lobbying était actif. Mais il n'est plus permis de douter. Les indices convergent tous les ans en plus grand nombre. Les enjeux sont majeurs. Rien ne sera plus comme avant. Il est plus que temps de s'y mettre. L'urgence est là. Le problème est global. Mais peut-on croire les engagements étatiques, surtout quand des plus grands manquent à l'appel, quand les intentions sont loin d'être nettes, du moins dans les pays industrialisés? La bonne volonté officielle ne suffira pas et le problème de l'adaptation nécessaire et urgente n'est pas qu'un problème technique. Surtout quand les groupes bancaires trainent les pieds et que les insuffisances sont manifestes. Les COP se suivent et se ressemblent étrangement. __Pourtant, il y a des signes qui ne trompent plus. Mais l'offensive des lobbies industriels ne faiblit pas. La procrastination risque de durer, surtout s'il n'y a pas plus rapidement convergence des intérêts, quel qu'en soit le coût. La conversion risque d'être longue et coûteuse, vu les résistances et les divergences et il n'y a pas que les combustibles fossiles qui sont en question. La croyance aux seules vertus du marché s'illusionne, malgré les velléités de certains politiques.
Point de vue: 1. "...Emmanuel Macron a lancé à la tribune de la COP26, à Glasgow : « Nous savons que notre objectif, c’est 1,5 °C pour la fin du siècle. Nous savons qu’aujourd’hui, nous n’y sommes pas. Notre trajectoire actuelle nous amène à 2,7 °C. La clé de notre action collective est que, dans les jours qui viennent, il puisse y avoir suffisamment d’engagements pour revenir au 1,5 °C. » Durant toute la journée, les discours des dirigeants mondiaux se sont enchaînés en ouverture du sommet climatique. Après le président américain Joe Biden, qui a présenté ses excuses pour la décision de son prédécesseur, Donald Trump, de retirer les États-Unis de l’accord de Paris, c’était au tour d’Emmanuel Macron de prononcer son speech inaugural. Et le chef d’État français n’a pas hésité à se poser en donneur de leçon malgré les deux récentes condamnations envers son gouvernement pour inaction climatique de la part du Conseil d’État et du tribunal administratif de Paris. Le président français a en effet argué que « La France, et plus largement l’Union européenne, sont aujourd’hui au rendez-vous des engagements [pour maintenir le réchauffement planétaire à +1,5 °C – ndlr] ». Avant de tonner : « La clé pour cette COP est que les plus gros émetteurs, dont les stratégies nationales ne sont pas conformes à notre objectif des 1,5 °C, rehaussent leurs ambitions dans les quinze jours qui viennent. C’est le seul moyen de crédibiliser les 1,5 °C. » Mais depuis le vendredi 29 octobre, comme un mauvais souvenir qui émerge en plein rêve de réussite de la COP26, circule un document qui met en lumière une tout autre politique climatique française. Deux simples pages ayant fuité qui consistent en une proposition d’acte délégué – un texte juridique contraignant émis par la Commission européenne – demandant à ce que le gaz fossile et le nucléaire soient deux activités labellisées « énergie verte » par l’Union européenne (UE). Bruxelles s’est récemment doté d’un plan de réduction de 55 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 qui devrait conduire l’UE à la neutralité carbone à l’horizon 2050. Parmi l’ensemble des mesures prises par les autorités européennes figure la mise en place d’une taxonomie verte. Il s’agit de créer un système de classification environnemental des différentes activités industrielles afin de réorienter les flux financiers privés vers des projets compatibles avec les objectifs climatiques européens. En avril 2021, la Commission européenne a adopté une série d’actes délégués relatifs au volet climatique de la taxonomie européenne (ici et là). Mais le gaz fossile et le nucléaire ne sont pas concernés par ces textes juridiques car sujets à d’intenses débats, pas encore tranchés. Pour ces deux énergies, un acte délégué complémentaire doit être validé d’ici à mi-décembre afin de les intégrer, ou non, dans cette taxonomie. L’État membre à la manœuvre de ces débats houleux ? La France. Paris a en effet noué une alliance inédite avec les pays d’Europe centrale, pro-gaz et peu ambitieux en matière climatique, telles la Tchéquie, la Hongrie gouvernée par le nationaliste Viktor Orbán, ou la Pologne dirigée par un gouvernement ultra-conservateur qui refuse de mettre fin à ses gigantesques exploitations charbonnières. Inclure le gaz fossile comme une énergie verte de « transition » au sein de la taxonomie européenne serait un contre-sens climatique. Depuis 2015, les scientifiques martèlent que pour limiter le dérèglement climatique, il faudrait laisser dans nos sous-sols plus de la moitié des réserves mondiales de gaz. Et les Nations unies ainsi que la revue Nature viennent tous deux de démontrer que la production de gaz doit diminuer de 3 % par an pour maintenir le réchauffement global à +1,5 °C...« Intégrer le nucléaire et le gaz à la taxonomie verte de l’Union, c’est attirer des fonds privés tout en garantissant le greenwashing des firmes qui exploitent ces énergies dangereuses. Voilà la réalité de l’engagement français pour le climat, se désole quant à elle l’eurodéputée Verts française, Marie Toussaint. En pleine COP26, le gouvernement français pratique ainsi un double jeu. Celui, d’une part, de se permettre d’appeler, depuis sa stature d’État qui a été à l’origine du succès diplomatique de l’accord de Paris de 2015, les pays les plus émetteurs à revoir à la hausse leurs ambitions climatiques. Et, d’autre part, de faire primer l’industrie nucléaire française sur l’urgence climatique...."
_______ 2. "...À la tête des entreprises qui devraient s’engager dans la lutte contre le changement climatique se trouvent bien évidemment les compagnies pétrogazières et charbonnières : elles sont placées devant un véritable défi existentiel (lien) qui doit les amener à sacrifier les activités qui ont fait leur raison d’être et leurs profits. Leur prise de conscience a pris du temps et certaines, comme Exxon, on longtemps fait de la résistance et de la désinformation. Mais la pression des nouvelles réalités financières se fait de plus en plus forte. Les investisseurs prenant davantage en considération les critères environnementaux sociaux et de gouvernance (ESG), les compagnies pétrolières ont connu de grosses pertes en 2020 dues notamment à la dépréciation de leurs actifs, amplifiée par la diminution de la consommation de pétrole due à la crise du Covid-19. Nombreuses sont donc celles qui changent de cap et se présentent désormais comme des entreprises engagées. Pour Total, la « neutralité carbone » est annoncée pour 2050 ; la stratégie repose principalement sur des investissements massifs dans l’énergie solaire et sur des collaboration avec de grands groupes, comme Microsoft. Sous la pression de certains groupes d'actionnaires, cette question sera au cœur de la toute prochaine AG du groupe. Car, dans cette course au verdissement, le greenwashing est parfois de mise : le 8 mars 2021, Shell informait livrer sa première cargaison de « gaz naturel neutre en carbone »… grâce à un mécanisme de compensation en crédits carbone ! Les autres entreprises doivent elles aussi intégrer les objectifs sociétaux et environnementaux à leurs objectifs économiques. Celles qui comprendront ces enjeux et maîtriseront les différents profils de consommateurs grâce au développement de nouveaux produits ou services seront celles qui créeront le plus de valeur pour l’entreprise et pour la société....." ___La lenteur et les résistances semblent bien s'installer. Nos dénis et notre sentiment d'impuissance aussi. Alors que faire?... _______________________
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