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mardi 26 juillet 2022

Totalement pas imposable

 Les veinards

                       En cette période de crise énergétique et de fortes tensions d'approvisionnement de carburants, notre fleuron national fait un effort sur les prix à la pompe: une petite baisse sur le prix de l'essence, le temps de voir passer l'orage ukrainien. C'est sympa, mais c'est surtout un acte commercial en passant, qui va sans doute affaiblir ses concurrents sur le territoire national, surtout les indépendants au fond de nos campagnes. La philanthropie n'est pas une valeur cardinale chez le géant pétrolier, qui voit loin et qui a les coudées franches en matière d'impôts dans son propre pays: pas d'impôts, c'est chouette, non?  Tout cela malgré des profits records!                                                                       On dira: oui, mais le groupe pétrolier n'est pas le seul à péter dans la soie. C'est vrai, mais cela ne légitime pas ses pratiques fiscales une peu particulières et la "générosité" de Bercy. C'est un peu l'arbitraire. Parmi les géants du Cac 40, la transparence n'est toujours pas de mise: "...Les plus prompts à donner le détail sont évidemment les sociétés qui font le plus gros chèque d'IS au fisc. Trois d'entre elles paient 1 milliard ou plus : LVMH, Crédit agricole et Vinci.  Leur chèque est particulièrement élevé en 2017, année où une surtaxe exceptionnelle sur les grandes sociétés a été votée pour combler le trou créé dans les finances publiques par l'annulation par le Conseil constitutionnel de la taxe de 3% sur les dividendes voulue par François Hollande. Cette surtaxe a fait passer de 33,3% à 38,3% le taux de l'IS pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 1 milliard d'euros et de 33,3% à 43,3% pour celles dont le chiffre d'affaires dépasse les 3 milliards. Elle a pesé particulièrement sur le Crédit agricole, qui, du fait de sa structure mutualiste, ne versent pas – ou peu – de dividendes. Viennent ensuite Engie (393 millions), Orange et Hermès (autour de 200 millions d'euros), puis Bouygues (188 millions) et Total (160 millions). La surprise, c'est la vitesse à laquelle cet impôt décroît et sa faible ampleur par rapport aux résultats des groupes. Petit rappel du bénéfice net part du groupe en 2017 des entreprises citées ci-dessus : LVMH : 5,129 milliards d'euros__Crédit agricole : 3,649 milliards d'euros __Vinci : 2,747 milliards d'euros __Engie : 1,423 milliard d'euros ___Orange : 1,906 milliard d'euros _Hermès : 1,22 milliard d'euros __Bouygues : 1,085 milliard d'euros __Total : 7,656 milliards d'euros....                               Même si ces groupes sont très internationalisés et tirent leurs bénéfices des marchés étrangers, les ordres de grandeurs paraissent bien faibles pour certains. Et plus on descend dans le tableau, plus l'écart est saisissant : Vivendi paie 84 millions d'IS, Dassault Systèmes verse 70 millions, Schneider Electric acquitte 60 millions pour des résultats compris entre 519 millions et 2,1 milliards. Michelin et Valeo paient respectivement un IS de 17 et 12 millions d'euros pour des résultats globaux de 1,7 milliard et 886 millions d'euros.                 "Dans l'industrie, les marges sont faibles en France et les impôts de production sont élevés", nous explique-t-on à l'Afep, l'association qui réunit les grandes entreprises françaises. N'empêche les chiffres sont étonnants. Sodexo, qui paie 7 millions d'euros d'IS en France pour un résultat de 723 millions d'euros, présente aussi la France comme un pays à faibles marges, faible rentabilité, contrastant avec les Etats-Unis ou le Mexique. Il faut donner un petit coup de chapeau aux groupes les plus transparents, comme Valeo, un des tout premiers à donner ces chiffres même s'ils peuvent paraître faibles pour la France. Michelin a aussi été rapide et précis. Ce qui n'est pas le cas des deux constructeurs. Tout d'abord Peugeot, qui ne paie pas d'impôt sur les sociétés en France du fait de reports déficitaires, et ce malgré un résultat de 1,9 milliard d'euros. Ensuite, Renault, 5,1 milliards de bénéfices, qui n'a pas daigné répondre, en dépit de son actionnariat en partie public et de l'image de jongleurs fiscaux que peut donner l'affaire Ghosn à l'Alliance Renault-Nissan. Un bon point aussi pour la Société générale, qui a été l'une des premières et des plus précises dans sa réponse, sans dissimuler qu'elle a reçu un chèque de près de 13 millions du fisc en 2017 grâce aux crédits d'impôt (CICE et PTZ) et à l'imputation de la perte colossale de Jérôme Kerviel. En revanche, BNP Paribas, qui affiche un bénéfice net de 7,8 milliards, n'a pas voulu nous indiquer le bon chiffre. En règle générale, les groupes discrets sur leur impôt sur les sociétés – comme Carrefour ou Peugeot – sont ceux qui n'en paient pas......Reste un mystère : le groupe Sanofi, champion des bénéfices en 2017 avec 8,4 milliards d'euros, est muet sur son empreinte fiscale. Grâce à la concurrence fiscale entre pays pour attirer leurs activités, les groupes pharmaceutiques bénéficient d'une fiscalité avantageuse sur les brevets. En France, ils sont aussi parmi les plus gros bénéficiaires du crédit d'impôt recherche. Ils ont enfin des batteries d'experts fiscaux pour réduire leur facture. Est-ce suffisant pour annuler l'impôt sur les sociétés de Sanofi en France ? Si ce n'est pas le cas, seul un peu de transparence de la part du groupe dirigé par Olivier Brandicourt aurait permis de le savoir...."                                               Total est particulièrement intouchable.    Comme toutes les grandes multinationales qui ne sont plus guère attachées à leurs pays d'origine, même fiscalement, qui ont assez de puissance pour avoir parfois une profonde influences sur la marche de certains Etats et sur certaines de leurs grandes décisions, possédant souvent plus de moyens financiers que certains d'entre eux. Total a un vaste réseau d'influences, ses nombreuses filiales lui permettant d'être présent sous des formes diverses et dans des lieux multiples de par le monde des affaires, en particulier autour du domaine si crucial de l'énergie, aujourd'hui en pleine mutation. Mais pas seulement.                                                                    Il est sur tous les fronts. Les affaires sont florissantes, mais sont loin d'être toujours claires de par le monde.  Un groupe d'une puissance généralement mal mesurée. Un pouvoir quasi intouchable.    Total-ment en prétendant ne pas s'immiscer dans les affaires des Etats, ne pas faire de la politique, ne pas influencer le monde de la recherche et de l'enseignement, par un lobbying qui ne dit pas son nom, au service de ses propres intérêts, contre les mouvements, parfois officiellement en place pour agir contre la puissance des pétroliers suivant leur logique propre et leurs visées à court terme, tout en se donnant bonne conscience. Le groupe est en fait très politique, dans un sens bien particulier.

             "...Les entreprises polluantes ne sont plus les bienvenues au sein des universités. Une véritable mobilisation éclot en ce moment dans les établissements les plus prestigieux de France, à l'initiative d'étudiants qui rechignent de plus en plus à les rejoindre, une fois leur diplôme en poche. A Polytechnique par exemple, une grande partie d'entres eux s’opposent farouchement au projet du groupe pétrolier Total d'installer un centre de recherche sur le campus de l'école.   L'entreprise parle d'un centre de recherches sur les énergies propres, mais les étudiants, eux, ne décolèrent pas. 61% d'entre eux ont voté contre ce projet, une révolution dans cette école où les élèves sont sous statut militaire. Soumis par ailleurs à un devoir de réserve, parler aux médias peut leur coûter leur diplôme. Europe 1 a tout de même pu interroger l’un d’entre eux, à condition de modifier sa voix. "Comment c'est possible que ce soit aussi gros et que personne n'ait vu le problème ? Le business majeur de Total, ça reste l'industrie pétrolière. Ils sont tout à fait capables d’influencer l’école, comme ils sont capables d’influencer la stratégie européenne sur les énergies", s'indigne-t-il                 ______Selon Le Monde, "...Total est une autorité souveraine d’un genre nouveau, capable de rivaliser avec des Etats et de générer un nouveau rapport à la loi. Elle est composée d’un réseau d’entités indépendantes partout dans le monde, via 882 sociétés présentes dans 130 pays. Aucun Etat n’est à même d’encadrer Total, puisque la firme évolue sur une échelle qui échappe à leur portée législative. C’est une firme qui, en étant éclatée et active dans un très grand nombre de secteurs, ne peut être réduite à sa seule filière pétrolière...."                      _______"...Christophe de Margerie [PDG du groupe de 2010 jusqu’à sa mort en 2014] disait : « Tant que ce n’est pas interdit, c’est permis. » Mais en affirmant « c’est légal », la firme ne dit pas que c’est parce qu’elle a parfois bénéficié de la complicité d’un Etat, d’autres fois parce qu’elle a profité de la passivité d’un parquet, d’un vide juridique ou de l’exploitation de la lettre de la loi au détriment de son esprit grâce à une armée d’avocats...."               _______ "...Elle profite du fait que les filiales ne sont pas solidaires de la maison mère et qu’elles sont donc des entités autonomes qui répondent de la législation du lieu où elles sont actives. Quand Total dit qu’elle a agit légalement aux Bermudes, ça veut dire que sa filiale respectait le droit des Bermudes, celle du Qatar, le droit Qatari… "   ___________

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