"Fraudeurs grecs"(Focus) ou bal des hypocrites ?
"...Rares sont les Etats de l'eurozone qui n'ont rien à se reprocher : les Irlandais ont trop d'inflation, une croissance en surchauffe. Ils ne respectent pas la "ligne de conduite économique" de l'UE ; les Allemands, les Français et les Italiens font exploser leurs déficits et, avec eux, les règles du pacte de stabilité. Personne n'est puni. Giovanni Ravasio, à la Commission, met en garde M. Jouyet. "Il m'a dit : "Jean-Pierre, si le Conseil laisse passer l'Irlande sans rien dire pour non-respect de la politique économique, vous pouvez dire au revoir à la discipline européenne.''
__Par ailleurs, chacun a ses petites tricheries légales, ses zones grises de comptabilité, ses tours de passe-passe comptables. La France a bénéficié d'un versement exceptionnel de France Télécom, lors du changement de statut de l'opérateur. L'Allemagne a fait de même avec les recettes des licences pour l'exploitation de la norme de téléphonie mobile UMTS, et joue sur la séparation des budgets de l'Etat fédéral et des Länder.
__Dans cet exercice, pour profiter des ambiguïtés du langage comptable et pratiquer la débudgétisation, l'Italie reste la grande championne. Avec l'accord de Bruxelles, elle multiplie les opérations de titrisation de ses dettes : revendues au marché sous la forme de titres financiers, ses créances disparaissent de son déficit. "C'était conforme. Mais quand l'Italie faisait ça, on rigolait bien, se souvient René Defossez, opérateur sur les marchés. On se disait : "Ils sont encore en train de tripatouiller leurs comptes !''"Les banques les plus prestigieuses sont mandatées pour "aider" certains Etats à présenter les comptes publics sous un meilleur jour.
Au service de la Grèce, Goldman Sachs permet au pays de "gommer" l'équivalent d'un milliard d'euros de dette publique en 2001. Et la banque JP Morgan, explique un banquier, "faisait pareil avec l'Italie".En 2005, le magazine Euromoney va jusqu'à évoquer "l'Enronisation" des comptes publics européens - du nom de cette entreprise américaine, Enron, au coeur de l'un des plus grands scandales financiers de Wall Street.
"La créativité comptable n'est pas le monopole des entreprises privées", ironise l'économiste Jean-Paul Fitoussi."
__________Pendant que les Grecs manifestent contre les mesures économiques sévères de restriction du pouvoir d'achat, les économistes continuent à s'interroger sur le phénomène qui affecte un des "maillons faibles" de l'Europe, sur ses causes, le statut actuel de l'euro, son avenir,les risques potentiels de déstabilisation, sur la solidarité européenne mise à rude épreuve, sur la nécessaire révision de la politique économique et monétaire des institutions.
Cette attaque spéculative sur la Grèce (demain, d'autres pays?) n'est pas sans analogie avec la manière dont a été victime la Russie, en 2009
La Grèce n'est pas la seule à "maquiller" sa dette
-Crise grecque: le faux alibi de la dette
-Les Européens s’engagent à soutenir la Grèce pour défendre l’euro
-L'euro peut-il survivre à la crise ?
-Le quotidien allemand «Bild» invite les Grecs «à se lever tôt et à travailler
-Une opinion allemande hostile
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-La dette publique : qui en profitera, qui en pâtira et qui en est responsable ? - AgoraVox
-Crise de l'euro : crises sociales et spéculateurs-vautours - AgoraVox
-La crise grecque a donné le pouvoir à l'Allemagne:
"...«En entrant dans l'euro, un pays doit en accepter les règles», écrit Otmar Issing dans le Financial Times (15 février). L'ancien économiste en chef de la Bundesbank puis de la BCE rappelle que l'Union monétaire n'a pas été complétée par une Union politique. Comme tous les pontes de la Bundesbank, il n'était guère favorable à cette monnaie unique imposée par Helmut Kohl. Mais une fois faite, une fois Maastricht signé, il fallait une solidarité budgétaire: chaque pays avait la responsabilité de tenir ses comptes pour le bien commun de l'euro. Rapidement, ce ne fut pourtant pas le cas. Le laxisme n'a jamais été sanctionné parce que les moyens de coercition de Bruxelles sont insuffisants et parce que la France, grand pays, a ouvert la voie de la désobéissance. Au grand dam allemand, les onze membres puis les quinze ont fermé les yeux sur leurs fautes budgétaires réciproques et Athènes a pu danser.___La récréation est finie! Otmar Issing rappelle la ligne juste: les «anciennes politiques monétaires» de l'inflation et de la dévaluation sont interdites au sein de l'euro. Il ne saurait être question de «transférer l'argent des contribuables des pays qui suivent la règles à ceux des pays qui la viole». Ce serait «grossir l'hostilité envers Bruxelles et en créer entre les pays membres». «La surveillance molle et les compromis doivent s'arrêter». La crise grecque permet de revenir à ce point de départ.____Angela Merkel a évoqué l'idée d'un gouvernement économique» en prononçant cette expression pour la première fois à Bruxelles cette semaine. Paris a pu croire que « l'idée française» d'accompagner l'union politique d'une union économique, si chérie depuis Maastricht, avait enfin fait son chemin y compris chez les récalcitrants voisins. Edouard Balladur comme tous les dirigeants français rêve de «donner des pouvoirs nouveaux à l'eurogroupe». Mais il lui faudra déchanter: la «coordination économique» à laquelle songent les Allemands est: la rigueur pour tous et les marchés en flics des déficits. Voilà l'Europe post-crise. Les capitales ne se rendent sans doute pas encore compte de la force du changement qui va leur être imposé...."
-La Grèce pousse l'Europe à changer de régime:
"...Barroso, prudent, espère que « les petits intérêts nationaux n’empêcheront pas la mise en place d’une plus grande coordination et d’une vraie gouvernance européenne ».« on en est au stade préliminaire des discussions. Paris et Berlin ne sont pas encore sur la même longueur d'onde », reconnaît, désespéré, une source proche du dossier, même si les « réunions secrètes » se poursuivent. « Athènes, pour faire bouger les choses, menace même de faire appel au FMI pour lui prêter de l’argent, ce qui serait le comble de l’humiliation pour nous ». Les marchés financiers laisseront-ils à l’Eurozone le temps de trancher ses querelles idéologiques ? Car les réticences nationales demeurent fortes. Il n’est ainsi même pas encore acquis que les partenaires d’Athènes voleront bien à son secours : .."
-Le ver était dans le fruit -
-Dettes publiques: la crise grecque n'est qu'un amuse-gueule :
"...La crise grecque n'est qu'un amuse-gueule compte tenu de la situation intenable des finances publiques dans la grande majorité des pays développés. Deux, l'endettement «au bilan», celui qui est affiché officiellement en forte hausse du fait de la crise financière mondiale, n'est que la partie émergée d'un iceberg, les engagements «hors bilan» non financés liés au vieillissement des populations. Trois, le retour à un déficit inférieur à 3% du PIB (qui d'ailleurs n'a jamais été un objectif mais un plafond!) du défunt Pacte de stabilité et de croissance de l'Union europénne est une mauvaise plaisanterie: ce dont il va s'agir, c'est de dégager des excédents budgétaires primaires (avant service de la dette) substantiels pour éviter la banqueroute. Quatre, la question n'est pas de savoir s'il faudra payer trente années de dérives budgétaires, mais qui paiera et de quelle manière.
D'abord, l'état de lieux. «Selon l'OCDE, rappellent Stephen Cecchetti, patron de la recherche de la BRI, et ses collègues dans leur étude, la dette totale du secteur public des pays industrialisés devrait dépasser 100% du PIB en 2010, ce qui n'est jamais advenu en temps de paix.» Mais «pour aussi mauvais que ces problèmes budgétaires puissent apparaître, s'en tenir uniquement à ces chiffres officiels est certainement la garantie de se tromper lourdement.» ..."
-Crise : Europe, cherche un nouveau Roosevelt!
-Faut-il s'inquiéter du déficit britannique?
-Coup de gueule sur l'Europe sociale - AgoraVox
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"Maquillage de comptes ou habillage légal de bilan ? Sous le feu des critiques pour leur responsabilité dans la crise financière, les banques de Wall Street, Goldman Sachs en particulier, sont au coeur d’un nouveau scandale. Cette fois, il ne s’agit plus de "subprimes", ces crédits hypothécaires explosifs vendus à des ménages modestes, mais de produits financiers sophistiqués proposés à des Etats endettés pour enjoliver leurs comptes.
__Encore une fois, la Grèce est au coeur de cette affaire. Mais le pays est, semble-t-il, loin d’être le seul à avoir eu recours à des astuces financières conseillées par des banques de New York et de Londres. Le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie le Portugal ont, eux aussi, "optimisé" leurs comptes avec l’aide de Goldman Sachs, JP Morgan, Barclays ou encore "feu Lehman Brothers".__Dans le cas grec, la très controversée Goldman Sachs aurait, selon la presse allemande et américaine, offert ses services à Athènes pour réduire, en 2001, ses déficits en utilisant des "swaps de devises". Un outil qui permet de se protéger des effets de changes en transformant en euros la dette initialement émise en dollars et en yens.__"Légal !", affirment les autorités grecques. Sauf que le taux de change utilisé ici aurait été exagérément favorable. Bilan de l’opération : 1 milliard d’euros de dette gommée pour le pays et 300 millions de commissions empochés par la banque.__"Ce serait une honte s’il s’avérait que les banques, qui nous ont déjà amenés au bord du précipice, ont également participé à la falsification des statistiques budgétaires de la Grèce", a réagi la chancelière allemande, Angela Merkel, mercredi 17 février.__La Grèce a-t-elle triché ? Peut-être, mais dans les faits, le savoir-faire des banques américaines a profité à de nombreux pays. "Il s’agit d’opérations naturelles, qui participent de la bonne gestion de la dette", assure un émetteur de dette souveraine en Europe. Les mécaniques sont variées. "Elles n’ont de limites que la créativité des financiers", indique un ancien haut responsable de banque.__L’Italie a fait partie des pays les plus friands de cette ingénierie financière. Le pays a notamment multiplié les opérations de titrisation de sa dette. Autrement dit, l’Etat a revendu au marché ses créances sous forme de titres financiers pour se débarrasser de sa dette. La Belgique, de son côté, a titrisé des arriérés fiscaux, se souvient un opérateur sur le marché de la dette : "C’était en 2006." Le pays a ainsi évité d’emprunter de l’argent, faute d’avoir perçu à temps les sommes dues par les contribuables.Certains Etats ont vendu de la dette indexée "sur un peu n’importe quoi", indique un opérateur de marché. Exemple : ces emprunts grecs émis en 2000, dont le remboursement des intérêts était adossé aux profits attendus de la loterie nationale !__"Quand on est "limite’’, on a forcément la tentation d’utiliser ces astuces-là pour essayer de réduire sa dette, commente René Defossez, stratège sur le marché des taux chez Natixis . Ce n’est pas très orthodoxe, mais ce n’est pas forcément contestable."
__La France n’a pas été pas absente du jeu. Le pays assure n’avoir jamais eu recours aux services de Goldman Sachs. "Nous ne faisons sans doute pas d’opérations assez "funky’’sur la dette française", indique-t-on au Trésor.__Mais jusqu’en 2002, le pays a utilisé des outils financiers complexes de couverture (des "swaps de taux") pour modifier les échéances de remboursements de sa créance. A première vue, grâce à ces artifices, tout le monde est gagnant. "Pour les Etats, ces opérations permettent de reporter la dette à plus tard. Et pour les banques, ce sont des promesses de marges juteuses", indique Emmanuel Fruchard, consultant en risques financiers. Les établissements empocheraient en moyenne 1 % voire plus des montants de dettes émis.__Sur ce "marché", les banques anglo-saxonnes ont été particulièrement actives et recherchées. Du fait de leur savoir-faire, mais aussi "en faisant miroiter un accès direct à des investisseurs étrangers comme des fonds de pensions", indique l’économiste Philippe Brossard, de l’agence Macrorama. Pour lui, "fignoler" de la sorte la structure des déficits publics n’est pas sans risque. Si l’Etat semble gagnant à court terme, il peut être contraint par la banque à rembourser des intérêts beaucoup plus lourds à long terme. Le New York Times En utilisant des outils sophistiqués, les Etats se rendent dépendants des banques, ajoute M. Brossard. Certains avaient traité avec Lehman Brothers et se sont inquiétés lorsque l’établissement a fait faillite." raconte ainsi que le ministre grec des finances avait dénoncé, en 2005, l’opération de Goldman Sachs, se plaignant du fait que l’Etat devait rembourser de grosses sommes à la banque américaine jusqu’en... 2019. "Conscient du danger, Eurostat, l’institut européen de statistiques, censé valider ces opérations, a mis en 2008 le holà à certaines pratiques, en déconseillant, notamment le recours à la titrisation.Est-ce assez ? Pour Michel Sapin, ancien ministre français des finances et secrétaire national du Parti socialiste à l’économie, "une régulation plus contraignante est absolument nécessaire sur le marché. D’autant plus qu’il s’agit ici de la signature d’un Etat".___Claire Gatinois et Marie de Vergès (Le Monde)
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La Grèce au bal des hypocrites__________En cet automne 2004, les débats sont électriques au Comité économique et financier (CEF). Les directeurs du Trésor de la zone euro, les représentants des banques centrales, de la Commission et de la Banque centrale européenne se réunissent à Bruxelles, comme chaque mois. Mais cette fois, ils sont sous le choc.___Le ministre des finances grec, George Alogoskoufis, vient de présenter au Parlement le résultat de l’audit engagé par les conservateurs, après leur victoire en mars. Les comptes publics de la Grèce s’avèrent sans rapport avec les chiffres annoncés jusque-là : en 2000, le déficit n’était pas de 2 % du produit intérieur brut (PIB), mais de 4,1 %. En 2001, l’année où le pays est entré dans la zone euro, il n’était pas de 1,4 %, mais de 3,7 %. En 2003, idem. En 2004, il n’était pas de 1,2 %, mais de 5,3 %... L’appareil statistique sur le recensement des dépenses, les hypothèses de croissance, le calcul de la dette, les reportings de la Grèce à Eurostat (office européen des statistiques), toutes les données étaient fausses. Dans ces proportions-là, du jamais-vu.
___Au sein de la Banque centrale européenne (BCE), l’exaspération est à son comble. "Tout le monde était très agacé. On a eu le sentiment de s’être faits avoir", se souvient l’une des membres du comité de politique monétaire de l’institution. Les relations entre la BCE et la déléguée grecque étaient déjà "épineuses", se souvient-elle. "La manière de faire les présentations de comptes n’était pas toujours très soignée. Cela ne donnait pas une impression de sérieux."____Au Comité économique et financier, c’est aussi la douche froide : la Grèce a menti. Plus ou moins légalement, afin d’arranger ses comptes et d’entrer en douceur dans la zone euro. Poliment, on la regarde soudain d’un autre oeil : comme un passager clandestin de l’Union monétaire. Au comité, les représentants de l’Etat grec font profil bas. Evasifs, ils font porter la faute sur le gouvernement socialiste, promettent des clarifications.___Une fois de plus, une fracture se dessine entre le Sud et le Nord : "La solidarité latine contre la rigueur germanique, avec les Français et les Belges comme arbitres", résume Jean-Pierre Jouyet, alors directeur français du Trésor. Jürgen Stark, à l’époque sous-gouverneur de la Banque centrale allemande, demande une surveillance renforcée de ces Etats entrés sur le tard dans l’Union européenne (UE), affublés du surnom peu sympathique de "pays du club Med". L’Italie, l’Espagne, le Portugal craignent de se voir assimilés à l’accusé : "On ne savait pas si c’était la fin ou le début de l’histoire. On avait peur de la contagion", indique un participant. "Quant à moi, dit M. Jouyet, ma position était légaliste : "La Grèce a triché, il faut la sanctionner.""___Mais la Grèce n’est pas sanctionnée. C’est comme ça : l’Union européenne met en garde, distribue des cartons jaunes, mais ne sévit pas. Jamais. Pourquoi ? "Parce que les Européens, ce sont les Tontons flingueurs", plaisante M. Jouyet, désormais président de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Comme dans le film de Georges Lautner, précise-t-il, tout le monde se tient par la barbichette, craint d’être "éparpillé façon puzzle" et fait la paix dans la cuisine autour d’un alcool à la pomme. Si les Etats membres sont indignés par les tricheries à grande échelle de la Grèce, aucun n’a intérêt, pour des raisons différentes, à crier haro sur ce pays. Chacun a plus à y perdre qu’à y gagner. Conclusion : les Tontons flingueurs n’ont pas flingué.___L’affaire grecque de 2004 survient dans un contexte politique où l’euro (mis en place le 1er janvier 2002) en est à ses balbutiements, où les gardiens du temple sont peu regardants. Après le 11 septembre 2001, les économies patinent. La monnaie unique est faible.
___Rares sont les Etats de l’eurozone qui n’ont rien à se reprocher : les Irlandais ont trop d’inflation, une croissance en surchauffe. Ils ne respectent pas la "ligne de conduite économique" de l’UE ; les Allemands, les Français et les Italiens font exploser leurs déficits et, avec eux, les règles du pacte de stabilité. Personne n’est puni. Giovanni Ravasio, à la Commission, met en garde M. Jouyet. "Il m’a dit : "Jean-Pierre, si le Conseil laisse passer l’Irlande sans rien dire pour non-respect de la politique économique, vous pouvez dire au revoir à la discipline européenne.’’"_Par ailleurs, chacun a ses petites tricheries légales, ses zones grises de comptabilité, ses tours de passe-passe comptables. La France a bénéficié d’un versement exceptionnel de France Télécom, lors du changement de statut de l’opérateur. L’Allemagne a fait de même avec les recettes des licences pour l’exploitation de la norme de téléphonie mobile UMTS, et joue sur la séparation des budgets de l’Etat fédéral et des LändeDans cet exercice, pour profiter des ambiguïtés du langage comptable et pratiquer la débudgétisation, l’Italie reste la grande championne. Avec l’accord de Bruxelles, elle multiplie les opérations de titrisation de ses dettes : revendues au marché sous la forme de titres financiers, ses créances disparaissent de son déficit. "C’était conforme. Mais quand l’Italie faisait ça, on rigolait bien, se souvient René Defossez, opérateur sur les marchés. On se disait : "Ils sont encore en train de tripatouiller leurs comptes !’’"__Les banques les plus prestigieuses sont mandatées pour "aider" certains Etats à présenter les comptes publics sous un meilleur jour. Au service de la Grèce, Goldman Sachs permet au pays de "gommer" l’équivalent d’un milliard d’euros de dette publique en 2001. Et la banque JP Morgan, explique un banquier, "faisait pareil avec l’Italie".__En 2005, le magazine Euromoney va jusqu’à évoquer "l’Enronisation" des comptes publics européens - du nom de cette entreprise américaine, Enron, au coeur de l’un des plus grands scandales financiers de Wall Street. "La créativité comptable n’est pas le monopole des entreprises privées", ironise l’économiste Jean-Paul Fitoussi.__Dans ce contexte d’hypocrisie généralisée, la Grèce peut-elle être accusée de ce que certains qualifiaient de "mensonge d’Etat" ? "Tous ceux qui disent que (le gouvernement socialiste) a falsifié les chiffres mentent", défend Iannos Papantoniou, ministre socialiste des finances de 1994 à 2001. Il dit sans détour ce que formule plus poliment l’actuel premier ministre socialiste, Georges Papandréou.___Selon les protagonistes grecs, les variations de l’affichage des déficits grecs ne sont pas le produit d’un "mensonge" voué à rester dans les clous exigés par l’Europe, mais d’un changement de règle comptable pour plomber le budget du gouvernement précédent. En 2004, ce changement de règle a joué sur l’affectation du budget de la défense, important en raison du conflit latent avec la Turquie : les conservateurs ont pris en compte la date de la commande des armes plutôt que celle de leur livraison.__"La Commission européenne recommandait pourtant notre méthode comptable", s’indigne l’ancien ministre socialiste, M. Papantoniou. Qui accuse : "Je pense qu’il y a eu une complicité entre M. Caramanlis et M. Barroso (président de la Commission et ami politique des conservateurs). La Commission a accepté un changement des règles de comptabilité contraires aux usages pour aider les conservateurs. Elle a encouragé l’amalgame, et c’est une grave erreur."___Yannis Stournaras, conseiller économique du gouvernement grec de 1994 à 2000, renchérit : " Il ne s’agit pas de falsification, mais seulement d’une mauvaise gestion de la situation par le gouvernement inexpérimenté des conservateurs, qui voulaient se débarrasser du fardeau des dépenses militaires, en les attribuant au passé." Il ajoute : "Ils ne savaient pas que ce changement provoquerait un tel scandale au sein de la zone euro."___A tort ou à raison, cet épisode de 2004 marque un tournant pour la Grèce : dès lors, sa crédibilité est entamée. Le pays deviendra un objet de défiance pour les investisseurs et la cible des spéculateurs. Mais qui est le plus coupable ? La Grèce, qui a truqué ses chiffres, où l’UE, qui n’a rien vu et n’a puni personne ? Comme le remarque Didier Reynders, ministre des finances belge et ancien président de l’Eurogroupe, "la crédibilité est ébranlée à plusieurs niveaux : tant à celui du gouvernement grec qu’à celui de l’UE et de la zone euro qui n’ont pas vérifié les chiffres". Un haut diplomate français renchérit : "La Commission européenne doit jouer un rôle de gardien et d’alerte. Barroso n’a pas été aussi vigilant qu’il aurait dû l’être."__C’est le péché originel de l’UE et de la zone euro : un système de confiance mutuelle, sans garde-fou, sans instances de surveillance, sans l’autorité d’arbitre dont bénéficie le Fonds monétaire international (FMI) pour remettre au carré la comptabilité des pays.__Mais les Européens accepteraient-ils de se doter d’une telle instance qui vienne se mêler de leurs affaires statistiques ? L’interventionnisme n’est pas tout à fait du goût de cette vieille maison, l’Union européenne, où l’on aime tant les petits arrangements entre amis..."____(Claire Gatinois et Marion Van RenterghemArticle paru dans l’édition du 20.02.10__________________
-La Grèce et Goldman Sachs (2)
-La Grèce, l'euro et les spéculateurs (1)
-Goldman Sachs :santé douteuse?
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