Temps de l'espoir, temps de l'incertitude.
__La Tunisie a montré le chemin, surprenant tout le monde par sa révolte soudaine, sa détermination et sa maturité.
Elle a servi de laboratoire pour des révolutions arabes en gestation.
L’onde de choc de la révolution du jasmin s'est faite sentir ailleurs, dans des pays proches, aux parcours historiques différents, mais à la configuration du pouvoir assez semblable.
La révolution est toujours festive, malgré les drames qui l'accompagnent souvent. Les douleurs et l'accouchement sont associés. Elle met en oeuvre espoir, solidarité, projets, elle ouvre des perspectives, de nouveaux horizons insoupçonnés avant. Elle brise résignation et fatalisme. L'utopie accompagne aussi le mouvement. Certains se perdent dans les rêves.
__L'après-révolution, c'est autre chose...
Aujourd'hui, l'heure est à l'attente et à la reconstruction.
Sur les décombres des régimes déchus, il reste à inventer de nouvelles formes de vie sociale, de nouvelles organisations. Une révolution n'est pas une partie de plaisir et un changement de structure ne se fait pas facilement, car on ne crée rien à partir de rien.
Après l’assassinat de César, Cicéron disait : « Le tyran est mort, mais la tyrannie survit ».
La structure policière n'est pas dissoute en Tunisie. L'armée est toujours là en Egypte, avec son pouvoir et ses intérêts. Saura-t-elle s'effacer?
__Les Tunisiens tentent de réinventer leur scène politique , plus de cinquante partis ont demandé à être légalisés. C'est le trop-plein du bouillonnement démocratique , qui va être difficile à gérer. Maladie infantile de la démocratie.
Pour l'Egypte, les choses sont moins claires. Nul ne sait où va déboucher le mouvement qui l' anime. Deux mois après, Le Caire est en révolution permanente. Une large victoire du «oui» a été obtenue au référendum, ce qui rend relativement optimiste. Mais les tensions sont fortes et des militants subissent encore l'arbitraire de l'armée.
_La contre-révolution peut toujours survenir de la part de forces qui ne sont pas éteintes, à la faveur de désordres provoqués ou générés par une situation économique difficile
Mais c'est le propre de toute révolution de connaître des hauts et des bas, de marcher de manière plus ou moins chaotique, pendant une période qui peut être assez longue. L'histoire de notre Révolution Française en est un bon exemple...
__Sur le printemps arabe planent des nuages, sans que nous puissions dire s'ils sont annonciateurs d'orages menaçants ou de pluies bénéfiques et fécondes.
Comme le dit Edgar Morin, "...Cette gigantesque vague démocratique ne doit rien aux démocraties occidentales qui, au contraire, soutenaient les despotismes qu'elles tenaient à pérenniser. Mais elle doit tout aux idées démocratiques nées en Occident. Déjà, en s'emparant des idées de droit des peuples nées dans l'Europe qui les opprimait, les Arabes colonisés opéraient leur décolonisation politique. En s'emparant des idées de liberté, les Arabes opèrent leur décolonisation mentale. Reste la décolonisation économique... qui reste à faire.
Mais le chemin est difficile et aléatoire de l'aspiration démocratique à la réalisation démocratique, du dépassement de l'état de sujet pour l'accession à l'état de citoyen. Le remarquable fut que là où la répression avait interdit et détruit les partis, emprisonné ou exilé les démocrates, la faiblesse politique a fait la force de la révolte.
Ce fut la force d'une spontanéité auto-organisatrice, désarçonnant, en un premier temps, par son caractère pacifique, les pouvoirs répressifs, inventant, à partir de la téléphonie mobile et d'Internet, ses communications immédiates et permanentes, et, par là, une organisation en réseau, sans tête donc non décapitable, mais avec d'innombrables têtes.Une merveilleuse créativité, inséparable du caractère pacifique du mouvement privilégiant l'intelligence et non la force, permit à la jeunesse d'entraîner à elle les générations et diverses classes sociales, leur enlevant le poids de résignation qu'elles enduraient.
Ce rôle moteur et majeur de la jeunesse arabe lui a permis d'exprimer les énergies et aspirations de toutes les jeunesses qui partout dans le monde ont animé les grandes résistances et les grandes révolutions.Mais la force de la spontanéité devient une faiblesse dès lors qu'il s'agit non plus de détruire une dictature, mais de construire une démocratie. Alors se fait sentir le vide d'institutions, de structures, d'idées, de pensée, qu'a produit et entretenu le despotisme. Certes, il se développe dans la jeunesse insurgée un bouillonnement créateur, mais celui-ci est inséparable d'un désordre brouillon, propice aux divisions et aux errements, soit d'une résignation précipitée, soit d'exigences immédiatement impossibles..."__
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Point de vue: Le chaos arabe : Un printemps ou un mirage ?
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