Presse et (més)usages de l'histoire
___________________________La presse va mal
Ça se voit...
Les titres accrocheurs à la Bild font de plus en plus florès et se répondent par mimétisme.
Sous tutelle et mourante , la presse hebdomadaire surtout, dans le cadre d'une crise plus large, fait feu de tout bois, jouant sur le fait divers, le buzz et le sensationnel, les rapprochements historiques douteux..
L'histoire, souvent instrumentalisée, subit un traitement singulier, une certaine presse se croyant apte à se mettre à l'école de l'Histoire, ou à celle qu'elle imagine, jouant sur les analogies de surface, télescopant les événements, tordant le sens des faits.
______Le passé est revisité par une presse en mal de lecteurs, eux-mêmes souvent accrochés à des images d'Epinal et incapables de recul historique et critique.
Comme dit Antoine Perraud,"... la presse est devenue la Madame Irma du passé : une voyante penchée
sur son rétroviseur de cristal. Où ne mènera donc pas le « service » au
lecteur, après la météo, la bourse et le trafic automobile en guise
d’informations ?!
L’inanité de cette couverture et du dossier afférent tranche d’avec
l’article publié dans le même hebdomadaire, le 23 décembre 1974, par
François Furet, sous le titre « Le journaliste accoucheur ». L’historien
y proposait cette définition du journalisme : « Fabriquer du sens avec du bruit. » Le Nouvel Observateur, dans sa course de canard acéphale, fabrique aujourd’hui du bruit avec du sens...
Il
n’est pas le seul à profiter du désarroi de l’esprit public pour le
désorienter davantage encore, telle une boussole qui indiquerait le sud.
Le Point, dans cette course prudhommesque aux références historiques aléatoires, sort de son chapeau 1789. L’Express n’a plus qu’à préempter 1848 et Marianne 1871 !
Le Nouvel Observateur a choisi les années 30 au nom du « chaos ».
Le chaos n’est pas un critère mais un cliché. Les décennies précédentes
furent chaotiques. En 1924, le monarchiste Jacques Bainville conclut
ainsi son Histoire de France, alors lue bien au-delà des cercles maurrassiens : « On
peut remarquer que presque partout en Europe, les gouvernements ont
perdu pied. Le vieux monde est dans un état qui ressemble beaucoup au
chaos. »
Les hebdomadaires en quête de chalands, donc de consommateurs dupés
plutôt que de citoyens critiques, agressent l’histoire, en la faisant
régresser sous l’effet d’une instrumentalisation fâcheuse. Nous ne
recommandons certes pas d’enfermer Clio dans un écrin d’érudition. Nous ne souhaitons pas errer dans le présent en marmonnant la formule latine « Ignoramus et ignorabimus » (nous ne savons pas et ne saurons jamais).
Nous refusons toutefois de considérer le passé tel un self-service
présentant, sur des plateaux, moult exemples prêts à se reproduire à
mesure que tourne la roue du temps. Vous reprendrez bien un peu d’années
30 ? Merci, je préfère une pincée de 1789 !...Ces hebdomadaires confondent le travail de mémoire avec un exercice ou
un jeu de mémoire. Ils confondent surtout mémoire et histoire, ainsi
distinguées par Pierre Nora : « Parce qu'elle est affective et
magique, la mémoire ne s'accommode que des détails qui la confortent ;
elle se nourrit de souvenirs flous, télescopants, globaux ou flottants,
particuliers ou symboliques, sensible à tous les transferts, écrans,
censure ou projections. L'histoire, parce que opération intellectuelle
et laïcisante, appelle analyse et discours critique. La mémoire installe
le souvenir dans le sacré, l'histoire l'en débusque...
Interroger le passé avec les questionnements du présent est une
affaire trop sérieuse pour la confier à des margoulins de rencontre,
auto-promus historiens d'un jour ! ..."(Mediapart)
________L'histoire ne se répète pas... elle bégaie.
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- Qui croit encore que nous sommes en 2013?
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