Convergence, disaient-ils?
Mirage...
Les beaux principes maastrichtiens sont battus en brèche, contredits par une réalité allant à l'encontre du discours officiel, dans le déni des nouvelles hégémonies, au coeur d'un processus creusant les inégalités. L'Europe néolibérale favorise les divergences (et creuse les inégalités), pas la solidarité dans une saine concurrence non faussée.
Plus l'Union européenne s'élargit, plus les fossés se creusent, surtout à la périphérie; plus elle est en crise, plus elle favorise les divergences. On le reconnaît officiellement, à mots feutrés:
"...La dynamique de convergence au sein de
l'Union européenne, caractéristique des élargissements successifs, a
ralenti depuis trente ans. Les nouveaux élargissements à l'est
encouragent indubitablement la croissance dans les pays concernés, mais
on assiste de fait à un décalage croissant au niveau régional, les
régions les plus éloignées du cœur de l'Europe voyant leur retard
s'accentuer, y compris par rapport à des régions plus centrales au sein
d'un même pays. Dans ces conditions, le rattrapage économique des
nouveaux membres de l'Union risque d'être inégal en fonction des pays et
des régions et même assez problématique pour les pays et régions les
plus à l'est, qui auront beaucoup de difficultés à accélérer leur
croissance..".
Le centriste Jean Artuis condamne les formes diverses de dumping qui se sont installés, à l'encontre des principes formulés la main sur le coeur.
Un journaliste belge considère ces pratiques concurrentielles faussés comme une compétition qui ruine l'Europe, affaiblit les Etats, pas seulement économiquement...
"...La question, fondamentale, de la concurrence fiscale entre États
n’est que trop rarement abordée de front. C’est tout le mérite du livre
d’Éric Walravens, publié le 17 avril (éditions Les petits
matins/Institut Veblen), de sortir ce sujet des non-dits, d’en démonter
les mécanismes, et de remettre en cause une logique qui contribue
inexorablement à la ruine des États européens et à la perte de leur
souveraineté.
« La compétition économique domine les relations entre États. La fiscalité en est l’une des armes privilégiées », écrit dès les premières pages l’auteur, journaliste économique à l’agence de presse belge Belga, qui tient par ailleurs un très bon blog sur Mediapart. « Le propos de ce livre est d’explorer les coulisses d’un chantage qui contribue à délégitimer l’impôt »,
souligne-t-il. Pour son premier ouvrage, le journaliste s’est penché
sur des sujets qui ont trop longtemps semblé sans intérêt à ses
confrères. « Je m’occupe de la politique européenne, et j’ai toujours
été frappé de voir à quel point, lors des conseils européens et des
conférences de presse qui les suivent, les questions fiscales étaient
reléguées au second plan, raconte Éric Walravens à Mediapart. Les
seuls que cela intéresse à Bruxelles, ce sont les journalistes suisses
et luxembourgeois. Mais pour eux, les questions d’impôts et de taxes
représentent un intérêt national. »
À la faveur des récentes initiatives internationales, dont Mediapart se fait régulièrement l’écho, le sujet a un peu quitté le cercle restreint des paradis fiscaux. Au gré des révélations, sur la façon dont les multinationales s’exonèrent de tout impôt ou presque en Europe, ou sur l’exil fiscal de telle star ou de tel capitaine d’industrie,
l’opinion publique prend lentement conscience de l’ampleur du problème.
Les indignés d’un jour auront tout intérêt à lire ce livre, qui dresse
un catalogue saisissant de toutes les dérives, la plupart légales,
possibles en Europe. L’auteur s’est principalement concentré sur les
efforts des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg et de l’Irlande pour
attirer sur leur territoire les riches particuliers et les entreprises
florissantes nés dans les pays voisins. Et les astuces, souvent
racontées dans le livre par des acteurs les ayant défendues ou les ayant
vues naître, sont légion.
Par exemple, qui sait que depuis qu’une ingénieuse niche fiscale a
été votée en Belgique, en 2003, la production cinématographique belge a
presque quadruplé ? Au détriment de la France principalement. La
Belgique produit aujourd’hui près du tiers des films français, au grand
dam des techniciens hexagonaux, privés d’une partie de leur travail par
un système sophistiqué d’ingénierie financière. Ce système permet même à
l’État belge de prendre en charge une grosse partie du salaire des
stars des films tournés de l’autre côté de la frontière. Ce qui fait de
Dany Boon « le fonctionnaire le mieux payé du royaume », ironise l’auteur.
La Belgique est aussi un « paradis fiscal accidentel »,
pointe-t-il : alors que l’impôt sur le revenu, et donc sur le travail, y
est l’un des plus élevés au monde, le pays, qui connut le secret
bancaire jusqu’en 2010, n’exige en revanche aucun impôt sur la fortune
ou sur les plus-values aux riches détenteurs de capital qu’elle héberge.
Il est donc en pointe dans la « chasse aux riches » en Europe, aux
côtés notamment du Royaume-Uni, où une vieille règle datant de l’empire
colonial « offre la possibilité – unique au monde – d’être résident britannique tout en déclarant un domicile à l’étranger ».
Et donc de ne pas payer ses impôts en Grande-Bretagne. L’idéal pour des
centaines de milliardaires issus de pays du Sud, qui ne payent pas non
plus d’impôts trop importants dans leur pays d’origine. Un cran est
encore franchi avec les « visas dorés », qui voient de petits pays européens comme Malte faire payer l’octroi de la nationalité à des chanceux très fortunés…
Le constat du journaliste est sombre : « Le débat sur l’impôt
aujourd’hui n’est plus tellement un débat sur ce qui est souhaitable,
mais sur ce qui est possible. Le système est-il juste ? La question
devient très secondaire. Ceux qui peuvent – souvent les plus riches –
passent entre les mailles du filet. Tant pis pour les autres. » Le
système s’est particulièrement développé au sein de l’Union européenne,
où la libre circulation des capitaux est un dogme, défendu notamment par
l’autorité juridique suprême de tous les pays de l’UE, la Cour de
justice européenne."
Les pratiques commerciales mercantilistes de la droite économique allemande accentuent les écarts entre les pays, où la solidarité n'est plus qu'un vain mot.
Le nouveau statut des travailleurs détachés vise à renforcer le dumping social, dans la plus grande cacophonie.
L'exemple ne vient pas de haut:
La puissance de feu du lobby financier dans les institutions et les centres de décision de l'Union européenne laisse sceptique sur ses orientations et la capacité de Bruxelles à modifier ses dogmes économiques. 4 lobbyistes pour un fonctionnaire!
"..L’industrie financière dépense plus de 120 millions d’euros par an
dans ses activités de lobbying à Bruxelles. Elle emploie 1 700
lobbyistes, soit quatre fois plus que les fonctionnaires européens
travaillant sur les questions financières. En tout, 700 entreprises et
associations travaillent ensemble pour mener à bien ce lobbying. C’est
sept fois plus que toutes les ONG et syndicats présents à Bruxelles...
Voici les conclusions chocs d’un rapport publié aujourd’hui
et intitulé « La puissance de feu du lobby financier »,
publié par l’ONG Corporate Europe Observatory et deux organisations
syndicales autrichiennes. La réforme des institutions et des règles
financières « s’est révélée difficile » en Europe, rappelle Kenneth
Haar, membre de Corporate Europe observatory, « et ces chiffres
constituent une importante partie de l’explication ».
Les absurdes concurrences encouragées continuent à défaire l'Europe rêvée par ses fondateurs.
Même des parlementaires de droite se réveillent.
Par conviction ou opportunisme?
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