L'homme avide de pouvoir, de richesses et de gloire n'est pas qu'un personnage de roman, une figure décrite par certains Anciens ou par un auteur du 19° siècle, comme Stendhal. Il est de tous les temps.
La passion n'a pas perdu de son actualité et de sa force, même si elle s'exerce dans des cultures particulières, selon des modalités variées..
Sans passion, pas d'humanité. Pour le meilleur ou pour le pire. Pas d'amour fort, de dépassement exceptionnel de soi, ni d'ambitions parfois aveugles et destructrices. Sans le moteur du désir, nulle réalisation humaine d'importance, comme le reconnaissait, du point de vus de l'histoire, Hegel ( Rien de grand sans passion).
Mais la réalisation de soi est une aspiration ambigüe, prenant des chemins les plus contradictoires, souvent aveugle à elle-même sous la poussée de forces inconscientes, elles-mêmes ambivalentes, difficiles à comprendre, à analyser. La logique passionnelle est intéressante, mais désarmante, se perdant dans les méandres d'une l'imagination parfois déroutante.
La littérature est un puissant moyen de saisir la force et les méandres de certains parcours passionnels, de certaines vies au destin hors du commun, d'ambitieux de tous poils, d'arrivistes sans scrupules, de parvenus se hissant avec ferveur au sommet de leur malheur. Parfois jusqu'à l'autodestruction.
L'histoire, les faits divers, l'actualité en donnent mains exemples, qui fournissent matière à fascination admirative ou à répulsion
Là-dessus, Balzac, comme Zola et Stendhal, sont encore de notre temps par l'attention et le talent qu'il fournit à la description de la destinée de certains types de parvenus. La matière humaine qu'il décrit n'a pas changé, même si l'avidité de la réussite et la cupidité s'étalent aujourd'hui de façon plus générale et plus ostentatoire qu'à son époque, dans une société libéralisée et plus individualiste et atomisée, où l'image de soi est exacerbée dans notre société moins solidaire et marchande. La publicité, comme les shows télévisés nous invitent à nous considérer comme des personnages d'exception., flattant notre narcissisme: Parce je le vaux bien...La consommation ostentatoire envahit la vie. Le marketing de l'ego se démocratise...
L'auteur se Saché se plaisait à dire: “Les parvenus sont comme les singes desquels ils ont l'adresse: on les voit en hauteur, on admire leur agilité pendant l'escalade; mais arrivés à la cîme, on n'aperçoit plus que leurs côtés honteux.” (*)
Les figures d'un Tapie, d'un Madoff, pour ne pas parler de Berlusconi,ont illustré, chacun à leur manière, des parcours de parvenus modernes, séduisants puis pitoyables.
Le pouvoir de l'argent et la passion du pouvoir peuvent modifier parfois profondément des êtres.
Il y a un lien profond entre la cupidité et le développement des crises, qui ont, outre leur logique économique, leur dimension anthropologique. L'individualisme est une notion équivoque, mais le chacun pour soi a été érigé en principe par le libéralisme le plus extrême.
La réussite sociale du prétendu self made man, plus que la distinction, est devenue un thème omniprésent, voire obsessionnel, dans le monde des affaires.
La soif des objets qui y est liée se révèle être comme un symptôme de vide existentiel, comme le suggère Pérec dans Les choses.
La richesse, surtout le plus grande et la plus rapidement acquise, ignore ou oublie ses ressorts et ses conséquences.
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(*)_ A l'époque de la montée de la bourgeoisie, de l'ambition érigée en vertu à l'époque du mot d'ordre de Guizot: enrichissez-vous!.......Personnage central de la Comédie humaine, Eugène de Rastignac est l'incarnation de la nouvelle classe dominante. Dans la France postrévolutionnaire et postimpériale des années 1820-1830, la bourgeoisie a supplanté la noblesse en renversant l'Ancien Régime. Le monde qui vient sera le sien, elle en sera la maîtresse toute-puissante, y imposera ses codes, ses mœurs et ses lois. Rastignac symbolise cette ascension sociale. Lorsqu'il arrive à Paris, dans le Père Goriot, il n'est qu'un étudiant provincial, charentais, avide de se faire un nom dans la capitale. Mais il croit encore au mérite et au travail. Ses idéaux sont ceux de la Révolution française, qui a aboli les privilèges de la naissance pour que nul ne soit assigné à résidence sa vie durant. Pour que chacun, selon ses talents, atteigne la place qui lui revient.
C'est dans la bouche de Vautrin, l'âme damnée de la Comédie, que Balzac prend soin de mettre les mots qui dessillent Rastignac. La tirade se veut l'exposition implacable de la nouvelle mécanique sociale, sa loi d'airain : « Une rapide fortune est le problème que se proposent de résoudre en ce moment 50 000 jeunes gens qui se trouvent dans votre position. Vous êtes une unité de ce nombre-là. Jugez des efforts que vous avez à faire et de l'acharnement du combat. Il faut vous manger les uns les autres comme des araignées dans un pot, attendu qu'il n'y a pas 50 000 bonnes places. Savez-vous comment on fait son chemin ici ? Par l'éclat du génie ou l'adresse de la corruption. Il faut entrer dans cette masse d'hommes comme un boulet de canon, ou s'y glisser comme une peste. L'honnêteté ne sert à rien. » Ainsi Rastignac se familiarise-t-il avec le cynisme. Il retient la leçon. Vingt-cinq ans plus tard, à la fin de la Comédie humaine, « il a 300 000 livres de rente, il est pair de France, le roi l'a fait comte ».
Mais son coffre-fort n'a pas suivi le corbillard...
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-Relayé par Agoravox
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