D'autant plus que, sur la question, le silence dure
Un dossier déjà très lourd
« La plupart des scientifiques pensent qu’exprimer publiquement leur point de vue sur des questions politiques et participer aux débats de société pourrait compromettre leur objectivité et leur neutralité ». (…) « Nous considérons qu’il n’est plus acceptable de nous taire. » Dans une tribune publiée le 29 novembre dernier dans Le Monde, un collectif international d’une centaine de scientifiques sort de son silence et prend la plume, acérée, pour dénoncer la stratégie déployée par certains industriels. La manip ? Déformer « délibérément des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse ». Tel est le sort réservé, selon eux, aux perturbateurs endocriniens comme ce fut le cas pour le changement climatique ou les dangers du tabac. La raison qui les pousse à sortir de leur réserve est double. D’un côté, il existe bien un consensus des sociétés savantes sur le fait que « les perturbateurs endocriniens constituent une menace mondiale pour la santé » – nulle controverse en vue ; de l’autre, la seule voie possible et efficace pour s’en prémunir passe par la réglementation. Les mesures individuelles ne peuvent en effet suffire pour réduire l’exposition, précisent-ils.
Sur le dioxyde de titane, il faut encore informer et alerter les pouvoirs publics
C’est une nouvelle mise en garde sur les risques associés aux nanoparticules, ces particules lilliputiennes présentes dans de multiples produits de consommation courante, notamment alimentaires. Une étude sur des rats conduite par des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), publiée vendredi 20 janvier dans Scientific Reports, met en évidence un effet non seulement délétère pour le système immunitaire, mais aussi possiblement cancérogène du dioxyde de titane (TiO2), un additif très courant, utilisé par les industriels en Europe sous l’appellation E171. Même si les scientifiques soulignent que leurs résultats ne sont pas directement transposables à l’homme, il n’en s’agit pas moins d’une sérieuse alerte sanitaire à l’adresse des consommateurs et des pouvoirs publics.
Sous forme nanoparticulaire, le TiO2 est incorporé à de nombreux produits de la vie quotidienne, comme les cosmétiques, les dentifrices, les crèmes solaires et diverses formulations pharmaceutiques, mais aussi les peintures ou les matériaux de construction. Dans le secteur agroalimentaire, on trouve du E171, notamment dans les bonbons, les biscuits, les produits chocolatés ou les gommes à mâcher. En juin 2016, l’association Agir pour l’environnement avait révélé sa présence dans des biscuits LU, des chewing-gums Malabar et de la blanquette de veau William Saurin. Tout récemment, le 19 janvier, elle a montré qu’il y en avait également dans les bonbons Têtes brûlées et les chewing-gums NEW’R de Leclerc.
Les perturbateurs endocriniens ne perturbent pas trop les firmes.C'est plus rentable de nier le problème ou de semer le doute.
...C’est un paragraphe qui n’a l’air de rien, ajouté tout en bas du document à la dernière minute. Il évoque, dans une formulation aussi tortueuse qu’impénétrable, une dérogation pour les produits agissant sur « la mue et/ou la croissance des organismes nuisibles ». Mais, reformulé en langage commun, il s’agit ni plus ni moins d’une concession de la Commission européenne au lobby des pesticides.
Quelques jours avant Noël, mercredi 21 décembre, avec trois ans de retard, la Commission doit soumettre au vote sa proposition de réglementation sur les perturbateurs endocriniens, ces produits chimiques omniprésents, capables d’interférer avec le système hormonal des êtres vivants à des doses parfois infimes. Cette proposition est censée appliquer une disposition très stricte du règlement européen sur les pesticides : l’interdiction des pesticides qui seront reconnus comme perturbateurs endocriniens.
Ce sont donc les critères qui permettent de les identifier que la Commission a élaborés et que les représentants des Etats membres doivent adopter ou rejeter Le vote se tiendra au sein du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la sécurité animale après six mois de tractations.
Si le diable se cache dans les détails, le paragraphe inséré par la Commission à la dernière minute n’a, lui, rien d’anecdotique. Alors que le « règlement pesticides » exige de retirer les perturbateurs endocriniens du marché, il crée une dérogation pour tout un groupe de pesticides qui ont justement la particularité… d’être des perturbateurs endocriniens. Certains pesticides, en effet, anéantissent les insectes ou les plantes dits « nuisibles » aux cultures en agissant sur leur système hormonal pour bloquer leur mue ou leur croissance. En d’autres termes, ce sont des pesticides qui ont été conçus pour être des perturbateurs endocriniens. Or, plutôt que de se servir de cette connaissance pour les identifier et les interdire, la Commission propose qu’ils soient épargnés...
Le lobbying bruxellois ne faiblit pas.
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