Mais pas seulement...
Les orientations du développement politique et économie de Berlin, en tant que grande puissance montante, est de plus en plus clairement un problème majeur pour l'Union.
L'Allemagne fait de plus en plus cavalier seul, à l'ordolibéralisme tourné surtout vers l'Est, la Chine, les marchés émergents. Elle préside, contre ses propres intérêts à long terme, à la reconstitution d'une l'Europe des puissances où les règles bruxelloises ne sembleront plus qu'un souvenir.
L'axe franco-allemand a vécu.. Le modèle allemand est encore évoqué dans certaines sphères médiatiques, mais avec de moins en moins de conviction.
Certains penseurs d'Outre-Rhin avaient déjà tiré la sonnette d'alarme depuis une dizaine d'années, comme Hans Peter Martin ou l'ex-chancelier Smidt
La conquête de l'Europe centrale, son Hinterland, de sa main d'oeuvre abondante et bon marché, a été un puissant moyen de réduction des salaires donc des coûts de production. Les lois Haartz on fait le reste.
Angela bouscule l'Europe, mais avec des conséquences discutables sur les relations avec ses partenaires, bénéficiant de leurs faiblesses, mais aussi d'une monnaie qui sert bien ses intérêts. Avec le Brexit, l'Allemagne va dominer encore plus l'UE. Mais ce ne sera pas sans créer des problèmes encore inédits.
IL n'y a rien de "miraculeux" dans le développement de Berlin et son hégémonie de fait
, :
"« L'Europe allemande est maintenant sur le point de prévaloir sur
l'aspiration d'une Allemagne européenne. » [Romano Prodi, ex-président
de la Commission de Bruxelles]_"
Comme l'analyse Thomas Piketty, ce n'est pas par une productivité exceptionnelle que l'Allemagne développe comparativement spectaculairement son économie, mais pour d'autres raisons.
Pour résumer: la France et l’Allemagne ont des productivités voisines,
mais utilisent de façons très différentes leur haute productivité. A
chaque fois que la France produit 100 unités de biens et services elle
en consomme et en investit entre 101 et 102 unités sur son territoire
ces dernières années. A l’inverse, à chaque fois que l’Allemagne produit
100 unités, elle n’en consomme et investit que 92 unités. L’écart peut
sembler mince, mais dès lors qu’il se reproduit chaque année il engendre
des déséquilibres financiers et sociaux d’une ampleur considérable, qui
menacent aujourd’hui de faire exploser l’Europe.
Le pays n'a jamais remboursé ses dettes, lui qui a sur le sujet adopté une position de fer vis à vis des autres.
Non à l'Europe allemande, disait Ulrich Beck, récemment décédé, parlant de l’Allemagne comme d’un « empire accidentel ». « Il
n’y a pas de plan stratégique, pas d’intention d’occuper l’Europe, pas
de base militaire. La discussion sur un Quatrième Reich est donc
déplacée. Mais cet empire a une base économique »...Il n’est pas le seul à l’avoir utilisée. George Soros ou Martin Wolf du Financial Times ont eux aussi parlé d’un empire. Mais c’est un terme à la fois très chargé et flou...
Si l'on continue dans la direction prise en Europe ces cinq dernières
années, le risque est grand d’aller vers une Europe très différente du projet des Pères fondateurs. Comme le souligne le penseur allemand
Wolfgang Streeck [lire ici un entretien d’Antoine Perraud sur Mediapart],
nous risquons d’aller vers une Europe plus brutale, technocratique,
autoritaire, où la politique économique est de plus en plus isolée du
contrôle démocratique. D'ailleurs, même si l'on parvenait à une union
politique, rien ne dit qu’on pourrait changer les fondamentaux de la
politique économique. Quand Wolfgang Schäuble parle d’un pas
supplémentaire dans l’intégration, il parle en réalité d’une Europe qui
suivrait les règles allemandes...
L'ex-chancelier Schmidt avait depuis longtemps souligné les dérives possibles de son pays.
... Il est nécessaire de mettre en garde, avec fermeté mais
sans exagération, les hommes politiques allemands, les médias et
l'opinion publique. Si nous, Allemands, nous laissons emporter par notre
force économique et revendiquons le rôle politique central en Europe,
ou pour le moins de jouer le primus inter pares, alors une majorité
grandissante de nos voisins va se dresser contre nous. L'angoisse de la
périphérie face à un centre surpuissant reviendrait au galop. Les
conséquences probables d'une telle évolution pour l'Union européenne
seraient terribles. Et l'Allemagne se retrouverait isolée.
La
grande et très productive République fédérale d'Allemagne a besoin -
éventuellement pour se protéger d'elle-même - de l'intégration
européenne. C'est pour cela que depuis Helmut Kohl, en 1992, l'article
23 de la loi fondamentale nous oblige à concourir " au développement de
l'Union européenne ". L'article 23 nous impose, dans le cadre de cette
participation, de respecter le principe de subsidiarité. La crise
actuelle des institutions de l'Union ne modifie en rien ces principes.
Au
vu de notre position géopolitique centrale, de notre rôle malheureux
dans l'histoire européenne jusqu'au milieu du XXe siècle et de notre
performance économique actuelle, le gouvernement allemand doit porter la
plus grande attention aux intérêts de nos partenaires européens. Cet
altruisme est indispensable..
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