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mardi 31 janvier 2017

Le Docteur Védrine...

...Se penche sur l'Europe malade
                                           Généralement discret sur ces questions, l'ancien ministre de F. Mitterand se livre sur la situation d'une Europe qu'il estime très affaiblie, désorientée, voire en péril grave, et se met à penser à une possible refondation;
                             : « L’Europe, ou plus exactement l’Union européenne, est dans un état grave de déréliction ou tout au moins d’hébétude… La fragilité de l’Union européenne est profonde ». Rien d’original, direz-vous ! Au-delà des maux institutionnels qu’il juge secondaires, Hubert Védrine nous livre la raison principale de cette situation : « le fossé entre élites européistes et populations s’est ainsi creusé au fil des années. Il est devenu le problème numéro un. Le plus dangereux ». Alors que les signaux de ce désamour entre les peuples et l’Europe étaient nombreux, il faudra attendre le coup de tonnerre du « Brexit » pour que les dirigeants politiques prennent la véritable mesure de ce décrochage."
                        L’imposition d’une indispensable pause. A un moment où le véhicule européen est de plus en plus poussif, doit passer au moins une fois par mois chez le garagiste (tant le moteur a des ratés) et aussi fréquemment chez le carrossier (tant les embardées sont légions), la moins mauvaise solution ne consisterait-elle pas à le mettre au repos prolongé ? C’est la solution innovante que propose Hubert Védrine à titre de mesure conservatoire en faisant en sorte que cette pause brève soit « ni honteuse ni masquée » et qu’elle soit précédée par une « Adresse aux peuples » dans les termes les plus clairs pour renouer avec les sceptiques. Il propose d’opérer une distinction claire entre questions urgentes comme la question des migrations (exclues du champ de la pause) et questions centrales sur lesquelles de nécessaires clarifications s’imposent (inclues impérativement dans le champ de la pause). L’objectif essentiel serait d’agir dans la plus grande clarté.   
       La réunion d’une conférence refondatrice. « On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment » a-t-on coutume de dire en reprenant, la plupart du temps, cette formule du cardinal de Retz dans ses mémoires ! Hubert Védrine propose de mettre sur la table toutes les questions les plus délicates qui seraient traitées lors d’une conférence de haut niveau politique : subsidiarité, sécurité, Europe puissance, défense européenne, harmonisation fiscale, préservation du mode de vie européen. Après un bilan du fonctionnement, de ses méthodes et de ses décisions, viendrait celui des clarifications, en particulier du rôle de la commission européenne et des définitions limitatives des domaines d’action de l’Union (ceux où elle possède une véritable valeur ajoutée). L’objectif, clairement affiché par son auteur, serait de servir un grand projet politique mobilisateur susceptible de réconcilier les élites et leurs populations.
       La recherche d’une véritable refondation. Enfin, dernier volet du triptyque, le résultat de la conférence de refondation (aussi longue que nécessaire), selon les termes mêmes d’Hubert Védrine, « ferait l’objet d’un texte politique de conclusions qui recentrerait l’Union sur l’essentiel et qui, après une intense campagne d’explication, pourrait être soumis à référendum le même jour dans chaque État membre y ayant participé et ayant endossé ses résultats ».
     Il s’agirait d’une sorte de feuille de route lisible et transparente pour le futur endossée par les citoyens et non adoptée à leur insu. Hubert Védrine insiste par ailleurs sur l’importance des concepts de fédération d’États-Nations, d’Europe sociale et de pivot franco-allemand. Sur ce dernier point, la tâche est ardue tant le décrochage de Paris par rapport à Berlin est grand et suppose des réformes importantes pour envisager un rattrapage permettant de rééquilibrer le couple. L’objectif de notre ex-ministre des Affaires étrangères est ambitieux. 
    « Dans tous les cas, le statu quo n’est plus tenable » résume Hubert Védrine
                     Le constat est sévère et le projet est louable. Reconquérir les peuples semble une nécessité impérieuse, mais cela supposerait un radical changement de fonctionnement, rapidement négocié..
         Le bon docteur semble bien loin de faire l'analyse des maux qui taraudent l'UE, surtout depuis que la crise, qui a servi de révélatrice à un vice de fonctionnement politico-économique et à une gestion purement libérale qui en est venue à contredire les idéaux à la base du projet, notamment toute solidarité, toute harmonisation sociale, à l'heure où les intérêts particuliers des Etats se renforcent aux dépens des autres, à l'heure où les lobbies ont une telle puissance dissolvante à Bruxelles.
     Que l'UE, telle qu'elle fonctionne réellement, loin des vues des fondateurs, tue l'Europe  n'est pas un paradoxe et que la notion de "peuple européen" soit purement fictive n'est pas une révélation, la question allemande venant de plus en plus au centre des débats critiques, au coeur des remous économiques dans lesquels nous sommes emportés. Comme le disait récemment Wolfgang Streek, «l'Allemagne en est arrivée à tenir l'Union européenne pour une extension d'elle-même, où ce qui est bon pour l'Allemagne est par définition bon pour les autres (…) Proches en cela des États-Unis,les élites allemandes projettent ce qu'elles estiment évident, naturel et raisonnable sur leur monde extérieur, et s'étonnent que l'on puisse voir le monde autrement qu'elles».
     Le fédéralisme n'est pas pour demain. Seule une monnaie commune et non plus unique, bridant la production et les exportations des plus faibles, pourrait constituer une première solution.
  Si l'on en croit certains économistes, le constat de l'échec et les admonestations morales et politiques ne suffiront pas...
      Encore un effort, docteur, pour pousser plus loin votre diagnostic.
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