Ça va jazzer

https://www.jazzradio.fr/

lundi 11 février 2019

Le bonheur...demain

Bonheur à tout prix
                               S'il est un thème et un leitmotiv lancinant, dominant et parfois impérieux, c'est bien celui du bonheur.Le plus souvent inconsciemment.

   Très peu explicité, mais de plus en plus présent, comme thème vecteur, à travers de multiples canaux, publicitaires ou non. Instrumentalisé à l'infini, c'est l'hameçon idéal,  quoique éculé, pour accrocher les esprits, susciter les envies, engendrer les fantasmes et finalement...l'acte d'achat.
   Il suffit de parcourir une revue pour s'en rendre compte. Le plus trivial objet, idéalisé, est souvent nimbé de rêves d'accomplissement, de réussite, de jouissance accomplie...En attendant de nouvelles déceptions et frustrations. L'obsolescence est aussi au bout du désir.
     L'injonction au bonheur est , dans nos sociétés, un des éléments moteurs de vente d'objets idéalisés, esthétisés à l'envi. D'objets de plus en plus nombreux, diversifiés, qui doivent devenir objets de désir, dans l'univers hyper-concurrentiel de la production sans fin. Consommer est devenu l'acte central de la citoyenneté, depuis le rêve américain déjà. Aujourd'hui le consommateur tend à supplanter le citoyen.
     Consomme et tais-toi. Consomme et rêve. L'idéal infusé jusque dans nos assiettes est omniprésent.
 Jusqu'à produire des injonctions les plus contradictoires. Injonctions de tous moments, contre toutes les souffrances et les frustrations qui nous habitent régulièrement, sans cesse relancées par l'idéal rêvé du bonheur.
   Un thème rémanent, comme un horizon qui fuit sans cesse, une nostalgie sans fin, un objectif jamais accompli, d'autant plus qu'on y investit trop de nos rêves et de nos fantasmes.
   Et pourtant il reprend toujours de la vigueur jusqu'à devenir un objet de marché.
     Soyez heureux! c'est plus qu'un conseil, c'est devenu une injection forte, un impératif, parfois  un ordre.
   Il y a des spécialistes pour cela, gourous ou coachs en tous genres chargés de vous indiquer les voies  du bonheur, les moyens d'y accéder à coup sûr.
        Certes, ce n'est pas nouveau, mais c'est devenu plus systématique et obsessionnel, organisé dans l'univers marchand qui est le nôtre, jusqu'à saturation. Il faut des thèmes accrocheurs pour vendre envers et contre tout, même le plus futile, voire le plus inutile. Le hameçons ordinaires finissent pas s'user très vite et il ne faut pas faire dans le prosaïque, même pour vendre un yaourt.
     La nouvelle happyindustry a ses codes et ses règles, quitte à se contredire et à ne pas aboutir à ses objectifs pourtant déclarées sûrs.
           La maximisation du moi est d'actualité, dans un monde de plus incertain et précaire.
  Son développement jusqu'à l'obsession est devenu un thème dominant, dans tous les domaines, jusqu'à prendre le contrôle de notre vie de plus en plus américanisée..
    Jusqu'à devenir un soft-instrument de contrôle des esprits.
 Certains se rendent vite compte de l'insatisfaction qu'elle produit, jusqu'à devenir parfois toxique
  Etre moins obsédé par soi-même serait le meilleur moyen de ne pas tomber dans le piège de ce mirage , pour une plus grande sérénité, en revoyant l'ensemble de nos valeurs.
       Tout incite à se méfier de ceux qui prétendent posséder les secrets du bonheur....
             Kant n'en faisait qu'un concept indéterminé. 
________
     ....Dans la bouche de celles et ceux qui les élaborent et les commercialisent, les emodities seraient devenus les outils les plus efficaces de réussite ou, plus modestement, les soutiens indispensables pour se maintenir à flot dans un contexte socioéconomique dégradé, imprévisible, menaçant et terriblement anxiogène.   La thèse d’Happycratie est que les marchandises émotionnelles sont effectivement celles dont la philosophie sous-jacente possède le plus d’affinités avec les nouvelles exigences de flexibilité qui caractérisent le monde du travail et la vie en société.    Dans la période post-crise 2008, durant laquelle les inégalités se creusent, les chances de mobilité sociale s’amenuisent, le fonctionnement du marché du travail se durcit, l’appel à faire preuve d’enthousiasme, de positivité et d’autonomie contribue à faire porter sur les individus la responsabilité de tout ce qui dysfonctionne.   Des phénomènes structurels lourds comme les variations du taux de chômage ou la dette des États peuvent passer au second plan ou même être occultés au profit de l’encouragement à devenir l’entrepreneur de soi-même, à rebondir et à faire de ses échecs des opportunités –autant de maximes qui forment un néo-bouddhisme absurde, une «pornographie émotionnelle» que les adeptes des fils d’actualité du réseau Linkedin ne connaissent malheureusement que trop bien.
       La manière positive d’envisager la vie serait devenue notre façon adaptative de survivre à la nouvelle donne économique, mais également une forme d’obéissance et de conformisme, écrivent les sociologues, qui prendrait «la forme d’un travail sur le moi et d’une maximisation de ce moi»....    «Alors même que les populations n’ignorent en rien cette instabilité et cette précarité générales, les forces structurelles qui façonnent les existences individuelles restent à leurs yeux pour l’essentiel illisibles, incompréhensibles»..._______________________________________
        Les Emirats arabes unis viennent de nommer une femme ministre du Bonheur. 
     De la part d'un pays où le divorce est quasi impossible et la violence conjugale un droit accordé à l'époux, la décision ne manque pas de sel. Mais, an delà du paradoxe,la mesure ne témoigne-t-elle pas d'une évolution louable des préoccupations gouvernementales? Pas si l'on on croit le sociologue William Davies. Dans The Happiness Industry, il analyse d'un oeil très chagrin l'omniprésente quête du bonheur dont témoignent les innombrables livres, applications, sommets internationaux ou séminaires d'entreprise dédiés à l'augmentation à notre bien-être.
   Les entreprises, confrontées au stress et à l’insatisfaction de leurs clients comme de leurs salariés, multiplient les initiatives en ce sens. British Airways teste une « couverture du bonheur », qui vire au bleu quand les passagers sont détendus ; et un festival artistique utilise les caméras de surveillance pour compter les sourires des participants. Les Etats font de même. En 2010, le gouvernement britannique a mis sur pied une équipe dédiée à « la perspicacité comportementale », notamment grâce à l’analyse des niveaux de « bonheur ». Elle devait imaginer «  des politiques susceptibles d’encourager les gens à faire de meilleurs choix pour eux et pour la société ». Une démarche qui a également séduit les Etats-Unis et l’Australie. 
      Mais sous couvert de politique du bonheur, affirme Davies en substance, nous assistons au développement de nouvelles formes de contrôle et de manipulation. Car cette mise en équation scientifique et économique d’un sentiment aussi impalpable dissimule un objectif insidieux : concevoir un « indice unique de l’optimisation humaine », qui réduit la vie à des attributs que l’on peut identifier, mettre en courbes et, in fine, contrôler. Ce n’est pas un hasard si, en Grande-Bretagne, les chômeurs doivent suivre des formations à la pensée positive. L’attention au bien-être, écrit Davies, est au service d’un programme néolibéral qui « rend les individus responsables de leur propre malheur, et ignore le contexte qui y a contribué ». (Books)

______________________________

Aucun commentaire: