Vase hésitation?
En France, contrairement à d'autres pays voisins, les débats se poursuivent et des contradictions se manifestent toujours, dans une sérénité qui reste à trouver. Beaucoup de scrupules, de tensions, d'affrontements politiques aussi sur un sujet certes délicat, mais souvent mal posé, détourné de son sens par certains. On tarde à vouloir légiférer, sans voir ce qui se passe réellement sur le terrain, surtout à l'hôpital, alors qu'il ne s'agit pas d'imposer des normes, mais de permettre certains actes, justement encadrés par la loi, pour éviter certaines dérives. Il y a ses débats légitimes et d'autres biaisés. Si le sujet est complexe, une fausse prudence produit des effets pervers. François Blot, réanimateur, essaie de dissiper quelques malentendus ou une certaine mauvaise foi: " ...Deux postures seront (alors) possibles : un, rester inébranlables pour de longues années à venir, y compris face aux pressions d’associations, dans un cadre inamovible. Deux, élargir un à un les critères, après quelque temps de résistance. La crainte de cet « élargissement progressif des critères d’éligibilité » dans les années à venir alimente déjà la théorie dite réactionnaire de la pente glissante, dont arguent les opposants à l’aide active à mourir. Rien n’est pourtant inéluctable : la Belgique élargit ses critères ; le Canada y réfléchit ; l’Oregon est ferme depuis vingt-cinq ans. Mais en suivant notre raisonnement par le paradoxe, demandons-nous si une apparente prudence encadrant l’aide active à mourir par de sévères critères d’exclusion, supposés rassurer les plus inquiets, ne créera pas au contraire les conditions de dérives que ceux-là mêmes dénoncent..." L'urgence s'impose. En toute sérénité. Pour surmonter les dénis, les tabous, les blocages et les clivages qui existent encore en France sur la question de la fin de vie, ou plutôt sur les conditions souvent tues que entourent les derniers instants de ceux qui se savent en sursis ou/et qui ne peuvent supporter les souffrances inextinguibles qui caractérisent leur dernier parcours. Si les pratiques de sédation ont fait des progrès, les accompagnements dans de trop rares centres de médecine palliative , il reste toujours des cas qui échapperont aux conditions énoncées par beaucoup de mourir dans la dignité, dans des conditions légales, encadrées. La loi Leonetti avait ses limites. Pour certains, c'est la dernière des libertés, avant de finir dans d'atroces souffrances ou de terminer ses jours "comme un légume" inconscient. La Belgique a franchi le pas courageusement depuis longtemps, sans que cela pose les problèmes que cela pose chez nous depuis des décennies, même dans les instances religieuses. le débat est pris au piège en France, souvent accaparé, dénaturé, manipulé par une droite religieuse étroite. dans notre pays, le débat est pris au piège de positions anti-euthanasie dogmatiques, empreintes d’une morale catholique souterraine mais prégnante, notamment dans le monde médical. Jean Leclercq, médecin belge : « Les Français, y compris des amis très chers, sont dans des fantasmes délirants. Ils présentent l’euthanasie comme un sommet d’individualisme. Je leur dis : “Que diable, ouvrez les yeux sur la mort, parlez-en !” En Belgique, on est pragmatiques, on a légiféré pour répondre à la demande de malades qui réclamaient le droit de décider du moment de la fin de leur vie au nom de l’autonomie et de la solidarité. » _ ___Voir le document d’Agnès Lejeune et Gaëlle Hardy, Les Mots de la fin, diffusé en début d’année sur Arte___ Là-bas, les cas de mort assistée n'ont pas pour autant explosé. Que deviendront chez nous les recommandations de la convention citoyenne ad hoc? Le sujet restera toujours difficile et individuel, car tout le monde n'a pas les mêmes rapports à sa propre fin. mais un cadre légal clair et courageux pourrait indéniablement aider patients et soignants dans certaines conditions limites. Nous écrivions il y a quelques années: ".... ___Depuis peu, on semble s'orienter vers une nouvelle législation en matière de fin de vie. Il est temps, car la réflexion tarde en France en cette matière. L'inertie, les résistances, les (fausses) peurs, les résistances, religieuses ou non, sont encore nombreuses. Il est temps, car la réflexion s'impose d'autant plus que les moyens de prolonger la vie, parfois au-delà du raisonnable, se perfectionnent toujours, parfois contre la volonté des personnes, si tant est qu'elles puissent encore en exprimer le désir. Certains pays voisins, où certains Etats américains ont ouvert la voie avec prudence, mais on peut encore faire mieux, dans le respect de la volonté des personnes. Sans tomber dans les excès japonais, qui ont une autre tradition et qui sont confrontés à une baisse démographique sévère. Mais que l' on cesse de tout mélanger et il est temps de donner une véritable liberté encadrée au corps médical, en concertation avec les familles. Il est des cas où certains scrupules n'ont plus lieu d'être. Seule compte la vie. La mort n'est "rien" pour nous, comme disait Epicure, qui y voyait le retour à un néant absolu, à une nature qui prend et recycle tout ce qu'elle produit. C'est pourtant "quelque chose", car dans le parcours d'une vie humaine, elle vient inéluctablement mettre un terme à une aventure singulière, à une expérience subjective, existentielle, dont le point final pose toujours problème pour soi et pour les proches. Rien ne vaut la vie, comme chante Souchon, mais il est des cas où la prolonger inconditionnellement peut faire problème, parfois cruellement. Lorsque la médecine a échoué sur tous les plans, lorsque la souffrance, parfois extrême, prend le dessus en permanence, quand les accompagnements ne sont plus d'aucune utilité ou n'existent pas, il devrait être accepté, dans le cadre d'une législation ouverte quoique rigoureuse, de pouvoir mettre un terme, par sa propre décision autant que possible, à une vie qui en vérité n'en est plus une.... Mais en France, contrairement à beaucoup de pays voisins même de tradition catholique, les lois restent restrictives et ambiguës, malgré les nombreuses et anciennes campagnes d'information, comme à l'AMD, un partie du corps législatif et des organismes d'Etat, s'enferme dans un conservatisme parfois aveugle, organisant une résistance qui, on le sait, ne pourra durer. L'exemple récent de Alain Cocq devrait pourtant interpeller, après tant d'autres; "...Il voulait mourir depuis plusieurs années – revendication qu’il avait par ailleurs médiatisée en 2020 – et réclamait le droit à l’euthanasie. Militant français de la fin de vie « digne », Alain Cocq, 58 ans, est mort mardi 15 juin par suicide assisté en Suisse, geste ultime mettant fin à des décennies de souffrance, qu’il a accompagné d’un dernier message fustigeant « le manque de courage » de la classe politique...."
Le débat est à nouveau sur la sellette, aujourd'hui à l'Assemblée. Avec beaucoup de résistances, comme si le sujet était encore tabou, après tant d'années de non dits et d'offensives de milieux conservateurs, souvent ignorants des pratiques réelles sur le terrain, surtout dans le contexte de la grande vieillesse et du milieu hospitalier. Après plusieurs pays d'Europe, dont le très catholique Portugal et l'Espagne . En France, les élus tergiversent, renvoient à la loi Léonetti, qui a montré ses limites, évoquent les soins palliatifs, toujours insuffisants. La proscratination est encore de mise. Beaucoup de confusions , parfois entretenues, règnent encore sur le sujet, malgré les choix et les exemples récents, comme pour Anne Bert ou Paulette. La loi doit s'exercer, non pour imposer quoi que soit, mais pour garantir des conditions de fin de vie qui ne soient pas des calvaires sans fin. C'est au sujet de décider, dans le cadre des conseils médicaux et sous le contrôle de la loi, celle justement qu'il faut changer pour encadrer une pratique souvent clandestine. Houellebeq se trompe. Il ne s'agit pas de fin sur commande. Il s'agit d'une assistance dans certains cas bien particuliers, le sujet état lui-même autant que possible demandeur.. Le terme d'euthanasie prête souvent à confusion. Pour une mort acceptable Vieillir:personne ne peut prétendre pouvoir y échapper, sinon en imagination. Mourir est la seule chose dont nous pouvons être sûrs et fait partie naturellement du cycle de la vie. Bien vieillir ne dépend pas que de nous. Ce que nous pouvons parfois choisir, ce sont les conditions de nos derniers instants, les modalités de notre fin programmée.
Une réflexion sans dogme |
Si celle-ci devient une caricature de vie, s'accompagne de souffrances insupportables, de dégradations profondes et irréversibles, l'euthanasie, quand elle peut être choisie, reste une solution permettant de garder une certaine maîtrise du passage que nous pouvons lucidement assumer. Mais il peut se faire que l'on décide à notre place si nos instants ultimes sont jugés marqués de trop de dégradations irréversibles, de douleurs insoutenables, de conscience diminuée, les efforts pour la réduire étant vains, les soins palliatifs jugés inutiles ou défaillants.
L'euthanasie est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls soignants, elle ne peut se réduire à un acte technique.
On sort là de la simple expertise médicale et les médecins sont partagés sur un domaine où l'on touche à des notions subjectives délicates de morale et parfois d'options religieuses, qui n'ont pas fini de faire débat.
La fin de vie en France n'est pas ce qu'on croyait.
Les conditions de la mort à l'hôpital notamment ont changé et la loi Leonetti n'est plus suffisante ou est mal appliqûée
En France, près de la moitié des décès (48 % en 2010) a été précédée d'une décision médicale ayant pu hâter la mort du patient. Mais des médicaments ont été donnés pour mettre délibérément fin à la vie dans seulement moins de 1 % des cas. Les décisions prises s'appuient dans leur grande majorité sur les dispositions de la loi Leonetti qui permet sous certaines conditions de limiter ou d'arrêter un traitement, ou d'administrer des médicaments afin de soulager les souffrances du patient, qui peuvent avoir pour effet d'avancer la survenue de la mort. Toutefois, les prescriptions légales encadrant ces décisions ne sont pas encore totalement connues ou respectées : les décisions de fin de vie ne sont pas toujours discutées avec les patients et les équipes soignantes ; la rédaction par les patients de directives anticipées, proposée par la loi Leonetti pour que les soignants prennent en compte leurs souhaits, reste en pratique très rare.
Des règles s'imposent pour encadrer une pratique souvent tue et des dérives toujours possibles, dans des situations toujours diverses, dans lesquelles le personnel soignant se trouve souvent seul, sans prescription ni garde-fou, seulement livré à sa propre conscience et à des errances possibles. La compassion n'est pas un guide sûr et la décision collective peut aider à la modération, la décision plus éclairée.
La réflexion évolue dans les pays européens, où les législations sont assez diverses.
En Belgique, l'euthanasie représente un droit strictement réglementé.
Le rapport Sicard entrouvre la porte au suicide assisté, définissant que l'assistance pourrait être envisagée dans certains cas exceptionnels, sans céder au calcul économique , aux intérêts collectifs ou familiaux, au désarroi passager du malade ou aux pressions douteuses des familles.
Des gardes-fous peuvent être mieux précisés, non pas tant pour prescrire ce qu'il faut faire, mais plutôt pour délimiter le périmètre des conditions d'intervention réfléchies, acceptables, humaines, au cas par cas.
Droit de mourir dans la dignité, oui, mais à condition que l'on s'entende sur le sens que l'on donne à la notion équivoque de "dignité"...
Le rapport de 2012 représente un pas important permettant d'affiner le jugement de tous sur ces questions et d'inspirer la réflexion et la pratique médicale, parfois isolée et désemparée.
On ne meurt plus comme autrefois, on vit plus vieux, à la merci de plus de risques de santé, au sein de structures hospitalières et de soins dont le personnel doit être éclairé, soutenu et déculpabilisé.
Comme le précise M.Winckler à propos du rapport Sicard , "Dans son rapport, le professeur Sicard porte un regard sévère sur une médecine sourde aux attentes des patients. "Chaque jour voit croître dans notre société une revendication très largement majoritaire (entre 80 % et 90 % selon les sondages d’opinion) de personnes répondant positivement à une demande de légalisation d’euthanasie, lit-on dans le rapport. Il ne s’agit pas de revendications simplistes ou naïves de personnes qui n’auraient pas compris la question. Il s’agit d’une demande profonde des personnes interrogées, de ne pas être soumises dans cette période d’extrême vulnérabilité de la fin de vie à une médecine sans âme." Des débats organisés dans plusieurs villes de France, la mission a ainsi retenu "le malaise, voire la colère" et surtout "la hantise [des Français] de basculer dans une situation de fin de vie insupportable, de souffrir ou de voir souffrir leurs proches".
Mieux vaut une loi imparfaite et provisoire qu'une pratique secrète et solitaire soumise aux aléas de la subjectivité. ______________________
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