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mercredi 17 février 2021

Point d'histoire

  Nazisme après-guerre [notes de lectures]

         Dénis et recyclages. Dénazifier: une mission ambiguë, inachevée et presque impossible

              Il a fallu du temps pour que les faits soient mis à jour. Exsangue, l'Allemagne d'après-guerre, subissant l'occupation des vainqueurs, mis du temps à se relever et à remettre sur pied une économie qui allait reprendre un rythme accéléré, le plan Marschall ayant été déterminant pour donner au pays les impulsions nécessaires.

           Très tôt une politique de dénazification fut instaurée dans la partie Ouest, mais fut inégalement menée selon les responsables des pays occupants, les lieux et les périodes.  Beaucoup de hauts responsables du régime de la dictature furent exfiltrés à l'aide de réseaux de solidarité et avec l'aide de pays où ils trouvèrent refuge. Le Vatican ne fut pas en reste.   Seule l'Autriche échappa au filet des instances chargées de la dénazification.                     Mais la RFA constituée manifesta beaucoup de réticences à faire le ménage au sein de sa propre population, même au sein des responsables de la haute administration: "...Ces derniers sont d'autant plus ménagés par la justice que 90 % des magistrats et avocats en fonction dans les années d'après-guerre avaient servi sous le régime hitlérien. Les autorités font au contraire de la chasse aux communistes dans la fonction publique une priorité. Le Service fédéral de renseignement (BND), mis sur pied par l'ancien responsable du renseignement militaire allemand sur le front de l'Est, Reinhard Gehlen, recrute nombre d'anciens nazis grâce aux États-Unis qui leur reconnaissent un anticommunisme ardent. Tout l'appareil d’État de la RFA est concerné.                                                                                  Le groupe de recherche sur l'histoire du ministère de l'Intérieur établit qu'en 1961, la part des anciens membres du parti nazi parmi les cadres supérieurs atteignaient 67 %, contre moins de 10 % en RDA. Hans Globke, à l'origine des lois antisémites de Nuremberg, devient même le directeur de cabinet de Konrad Adenauer, le premier chancelier fédéral..."  qui fut appelé le "grand recycleur".                                                                       Une des conséquences de la chappe de plomb qui s'est abattue très vite sur le pays pour un bon moment. Une épuration qui a tourné court, qui fut un échec à bien des égards, le contexte politique de l'Europe favorisant bien des oublis, de complicités, bien des dénis. Du moins pour la première dénazification. à la nature à la fois complexe, diversifiée et ambiguë. La passé est mal passé et il reste encore bien des traces aujourd'hui de ce qui fut le drame absolu de l'Allemagne et de ses séquelles. L'oubli des véritables causes de l'aventure fasciste reste toujours un problème. ________________________________

mardi 16 février 2021

Inde en rébellion

 Terres et révoltes paysannes

                    Depuis des semaines, les paysans indiens ne cessent de défiler dans les rues de Dehli, de façon parfois véhémente, contre les forces déployées par le Gouvernement Modi.      De futures lois pour libéraliser l'agriculture sont en question. Avec pour toile de fond la contestation d'une tendance générale à la privatisation des terres, qui affecte d'autres parties du monde. De plus en plus, on assiste à l'achat de terre de la part d'Etats ou de groupes industriels, qui y cherchent de nouvelles sources de revenus. Les terres sont devenues un enjeu, aux dépends de la paysannerie traditionnelle.   Comme le souligne une étude d’Oxfam, «l’agriculture a toujours été considérée comme une entreprise risquée qui générait de faibles rendements. Cela a changé ces dernières années, et le système alimentaire en est venu à être considéré comme un secteur qui garantira la croissance à long terme» . (Il est révélateur que les investisseurs milliardaires des États-Unis se soient tournés vers l’achat de terres agricoles: le plus grand propriétaire individuel de terres agricoles aux États-Unis est maintenant Bill Gates, et Jeff Bezos, propriétaire d’Amazon, n’est pas loin sur la liste. Il sera pratiquement impossible de retracer les investissements que ces milliardaires auront pu faire dans d’autres régions plus pauvres, car ils auront été réalisés par l’intermédiaire de diverses sociétés écrans.)

__Dans le droit fil de ce changement d’intérêt des investisseurs mondiaux pour les terres agricoles du Tiers-Monde, la Banque mondiale a consacré son Rapport annuel sur le développement mondial 2008 (ci-après WDR 2008-World Development Report) à l’agriculture. Après plus de deux décennies d’interruption, les auteurs du WDR ont décidé «qu’il est temps de placer à nouveau l’agriculture au centre de l’agenda du développement, en tenant compte du contexte très différent des opportunités et des défis qui se sont fait jour….Cet «accaparement mondial des terres» a suscité de nombreuses critiques. Mais de tels accaparements de terres n’ont pas été tentés uniquement par des pays dépendant des importations alimentaires, comme l’Arabie saoudite ou la Corée du Sud, qui étaient en situation d’insécurité alimentaire.  Aujourd’hui, les transnationales de l’agroalimentaire et les investisseurs financiers géants des pays les plus riches du monde sont eux aussi à la recherche de terres. En effet, la croissance même de l’insécurité alimentaire leur a fait comprendre que les investissements couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur des denrées alimentaires, de la «ferme à l’assiette», pouvaient leur rapporter de riches dividendes dans un avenir par ailleurs incertain..."

             Aujourd'hui en Inde, les paysans ne désarment pas, toujours déterminés, contre la déréglementation de l'agriculture, contre les géants de l'agroalimentaire, que favorise le pouvoir en place.       Une manifestation qui dure, parfois rudement réprimée, bien qu'encadrée. Les enjeux sont d'importance ...                           "...Trois lois adoptées  par le gouvernement par le gouvernement de Narendra Modi sous le nom de Farms Bills, qui engagent une profonde libéralisation du secteur agricole. Elles ouvrent la possibilité aux agriculteurs d’acheter et vendre en dehors des marchés régulés par l’État, appelés mandis. Elles facilitent et assouplissent les contrats entre fermiers et acteurs privés. Elles retirent enfin céréales, légumineuses, huiles alimentaires et oignons de la liste des biens essentiels, qui encadrait les prix et volumes d’achats de ces denrées.  Objectif affiché : « libérer » le secteur agricole du carcan de l’État, attirer les investissements étrangers et permettre aux agriculteurs de dégager des revenus supplémentaires en ouvrant de nouveaux marchés. Mais ces derniers ne croient pas à ces belles promesses. Pour de nombreuses unions agricoles et défenseurs des paysans, le peu de régulations dont bénéficiaient les agriculteurs est simplement supprimé pour les livrer à la mainmise du marché...."   Tout cela malgré les imperfections du système antérieur et ses dérives.   Un mouvement de la plus haute importance, là où l'agriculture tient encore une place majeure dans l'économie de ce grand pays. _____________________

lundi 15 février 2021

Le facteur et le chronomètre

Algorithmes et rentabilité.   ____Du facteur à l'opérateur postal.

                     3 heures 43 minutes et 59 secondes...C'est le chiffre ubuesque de durée d'une tournée moyenne, fixé par ceux qui "pensent" dans leurs bureaux....                                       Où est passé le facteur qui prenait le temps de faire son métier, tout en n'oubliant pas de dire bonjour à ceux qui n'étaient pas encore des "clients" et de s'enquérir de la santé de tel ou tel? Je ne parle pas du facteur de Mr Tati ou de celui chanté par Y. Montand. Non plus celui de Dany Boon. Non, le facteur "normal". Celui qui dans les villages surtout avait une fonction sociale certaine, surtout pour les plus isolés.          __Aujourd'hui,  en voiture ou à vélo électrique, il file en regardant sa montre. Il ne connaît plus personne et parfois ne reste que quelques mois. Les stagiaires, les intérimaires se succèdent, inconnus de tous, ils ne connaissent que des n° de maisons.     On est passé du facteur (terme dépassé) à l'opérateur postal. Plus pressé et plus stressé que jamais. Un chronomètre dans la tête. Son secteur de distribution change régulièrement et il n'a pas moins de courrier, même si on écrit moins. Les produits publicitaires et les petits colis se sont multipliés.

         La poste n'est plus ce qu'elle était. Elle est passée du statut de service public( notion archaïque!) à une société anonyme chargée de vendre des produits rentables. Le prix du timbre s'est envolé. Il y a les nouveaux bureaux hi-tech où on est prié de faire soi-même une partie du travail et il y a la face cachée de la poste. Celle qui échappe à nos yeux.         "....Dans son dernier livreLe Caché de la Poste, le chercheur, qui a travaillé auparavant sur une ethnographie des beaux quartiers vus par des étudiants d’origine populaire ou sur l’emploi de travailleurs sans papiers dans le BTP, y raconte les difficultés croissantes auxquelles font face les facteurs.   Il observe surtout au plus près les mécanismes et les effets des « réorganisations » constantes que subissent les centres postaux : tous les 18 à 24 mois, la direction de l’entreprise publique impose de réduire le nombre de facteurs, et donc augmente le périmètre des tournées.      L’argument au cœur de cette logique paraît simple : en douze ans, le nombre d’« objets distribués » a été divisé par deux. Mais cette argumentation oublie de signaler que le nombre de boîtes aux lettres desservies augmente sans cesse, et que le nombre de recommandés et de petits colis distribués par les facteurs grimpe en flèche chaque année.  Sur notre plateau, le sociologue discute avec Brahim Ibrahimi, facteur, syndicaliste Sud PTT dans les Hauts-de-Seine et acteur de toutes les luttes à La Poste. Ensemble, ils dévoilent un autre secret de fabrication de La Poste : les calculs, en apparence scientifiques, grâce auxquels ont été établies les tournées des postiers pendant une quinzaine d’années se fondaient sur des chronométrages et des mesures… dont l’entreprise a perdu toute trace il y a des années...."                                                                      La Poste n'est pas le seul ci-devant service public qui ait subi une mutation. Un changement de statut contesté. Depuis l'ouverture du capital, selon l'expression pudique employée dans les années 90. Le risque de finir comme France-téléphone est envisagé ça et là.   "...La loi de régulation postale de mai 2005 a ouvert la porte à une dégradation sans précédent du service public postal. Le contrat de service public signé en juillet 2008 entre l’État et la Poste reprend les critères retenus dans cette loi. Le gouvernement a mis en place une stratégie de défaisance qui l’a amené à soutenir la dernière directive postale en 2007. Pour compenser la perte de monopole, il a pris des mesures d’économies qui ôteraient tout « handicap concurrentiel » à la Poste. Il faut que celle-ci se mesure aux autres entreprises du secteur ! Et la mission de relève, de traitement et d’acheminement du courrier est, jusqu’au 1er janvier 2011, financée par le monopole pour les plis de moins de 50 grammes. Le cahier des charges qui prévoit la réduction des délais d’attente, par exemple, est une garantie bien limitée ! Si la porte est déjà ouverte, l’introduction de capitaux privés, même minoritaire, conduirait immédiatement à imposer de façon plus radicale la logique de rentabilité : l’ensemble des activités sera jugée sur des critères de rentabilité capitaliste : comparaison avec d’autres entreprises privées, ratios de charges de personnels et d’investissements... L’entrée en Bourse constituerait un pas supplémentaire, les résultats économiques et financiers des entreprises étant regardés du point de vue du cours de l’action et de la capacité à produire du dividende. Cela a des implications sur les stratégies d’entreprises, les choix d’investissements, l’emploi, les conditions de travail… L’expérience montre que la délégation de service public est totalement inopérante avec les grandes firmes privées. L’eau est un bon exemple. Cela tient à ce que les pouvoirs publics locaux, et même nationaux, n’ont pas les moyens de contraindre ces firmes à agir selon un autre objectif que le leur : profit maximum le plus vite possible..." ____________________

dimanche 14 février 2021

Est-ce ainsi que les vaches vivent?

La vache et le prisonnier.

                          L'hyper-capitalisme à l'étableUn système devenu fou.             ____Le productivisme sans frein, dans certains secteurs agricoles, notamment dans la production laitière, en Bretagne plus qu'ailleurs, débouche sur des situations où, au nom de la "libre" concurrence, les prix bas imposés par les géants de la transformation laitière, la vie des éleveurs, pris dans une logique hautement productiviste, devient  une course en avant perpétuelle à la production effrénée, à la modernisation à tous prix, à l'endettement permanent, à la solitude et même souvent au désespoir.                       ____  On s'interroge sur le nombre de suicides élevés dans le monde agricole. Une des raisons principales est l'absurdité de ce qui se passe en silence au coeur de nos systèmes de production fermiers, devenus trop souvent des usines où le beau mot d'éleveur a perdu son sens...Souvent pointée du doigt, la souffrance au travail n'est pas seulement sur les chaînes de montage industriel. Les super-grands de l'industrie laitière et leur logique propre, surtout quand la PAC a disparu, font la pluie et le beau temps dans nos étables, jusque dans les détails. On connaît les méthodes de Lactalis en particulier, qui a défrayé plus d'une fois la chronique.          ___C'est le cercle vicieux de la course au gigantisme. Quelques centimes de plus par litre de lait et la tendance pourrait s'inverser. Pour l'instant, beaucoup d'éleveurs sont prisonniers...parfois désespérés, comme le montre le film ''Petit paysan"....Une logique infernale. Le capitalisme de papa est entré dans les fermes, où plutôt l'exploitation tend à devenir la règle dans nos exploitations. A bas bruit. Mais on fait mieux ailleurs!  ...Et si les vaches mangeaient de l'herbe?...

                 .".....Dans un gigantesque bâtiment de cinq mille mètres carrés, des centaines de vaches qui ne fouleront jamais l’herbe déambulent sous de grands ventilateurs-brumisateurs qui tournent silencieusement. À intervalles réguliers, de petits wagonnets parcourent le corps de ferme sur leurs rails, circulant d’un silo de stockage à l’autre, mélangeant les aliments et distribuant les rations. Dans l’étable, rebaptisée « stabulation », les vaches vont et viennent autour de quatre imposantes machines rouges. Ce sont des robots de traite. Attirées par une ration de granulés, elles viennent s’y placer à tout moment du jour et de la nuit, laissant les portes se refermer le long de leurs flancs. Le processus est entièrement automatisé : le robot commence par identifier la vache grâce à son collier électronique, puis il détecte l’emplacement de ses pis au moyen d’une caméra intégrée. Débarrassés de leurs saletés par un rouleau nettoyeur, ceux-ci sont ensuite scannés par un laser 3D rouge qui détermine la localisation des mamelles au millimètre près. La machine y place alors ses gobelets trayeurs : la traite peut commencer...      En ce mois de septembre 2020, une journée portes ouvertes est organisée à l’exploitation agricole des Moulins de Kerollet, à Arzal, dans le Morbihan. M. Erwan Garrec, éleveur laitier d’une quarantaine d’années, a fait une heure de route pour assister à cette démonstration du dernier robot de traite de la marque Lely, qui domine le marché. Investir dans un tel système, « c’est s’offrir les services d’un “employé modèle”, capable de traire vos vaches vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pendant de nombreuses années », vante la brochure du groupe. « Ça vous dégage du temps et vous libère des contraintes liées à la traite », commente un vendeur du stand, avant de préciser : « À la moindre anomalie ou panne, vous recevez une alerte sur votre smartphone. » Grâce à son système de traite en continu, ce robot « permet d’augmenter facilement votre production de 10 à 15 % »....   M. Garrec n’a pas de smartphone, mais il rêve de la liberté qu’offrirait pareille technologie, lui qui s’occupe seul d’une grosse centaine de vaches laitières et travaille sans relâche plus de quinze heures par jour, trois cent soixante-cinq jours par an. Mais la liberté a un prix : s’offrir les services d’un de ces « employés modèles » impliquerait de débourser 150 000 euros, sans compter les 12 000 euros annuels de maintenance et les travaux d’aménagement à effectuer dans le bâtiment. Il faudrait de plus en changer tous les dix ans. Et, comme l’automate sature à partir d’une soixantaine de vaches, son exploitation en exigerait deux. Le vendeur le rassure : « Pour l’emprunt, on peut s’arranger. Le Crédit agricole encourage ses clients à se moderniser. Nous, on les connaît bien. »       Des emprunts, M. Garrec en a déjà contracté plusieurs. Pour son bâtiment, d’abord. Comme il a dû doubler le nombre de ses vaches afin de garantir la survie de son exploitation, il a fallu agrandir la ferme familiale, qui ne suffisait plus : une salle de traite plus vaste, un second silo pour stocker davantage de maïs. Et, comme il fallait plus de maïs, il a fallu doubler le nombre d’hectares destinés à en produire, et donc acquérir de nouveaux tracteurs..... M. Garrec produit aujourd’hui un million de litres de lait par an, soit trois fois plus que la moyenne des éleveurs laitiers français.    Une telle performance implique une course quotidienne contre la montre. Chaque matin, M. Garrec franchit en courant la centaine de mètres de pâturages qui séparent sa maison — construite sur l’une des parcelles de son exploitation — du bâtiment où se trouvent les vaches. Vêtu d’un bleu de travail, un seau à la main, il court encore, cette fois d’un bout à l’autre de sa stabulation de deux mille mètres carrés où flotte l’odeur nauséabonde du maïs ensilage (1). Ses gestes sont répétitifs et ajustés au centimètre près, pour économiser de précieuses secondes. Ce matin, il jette un coup d’œil rapide à sa montre et lance : « Ça va, on est dans les clous !....           « Grâce à cette alimentation, les vaches sont plus performantes », nous explique-t-il. Et puis, les faire pâturer s’avérerait chronophage, car elles sont nombreuses. Mais ce régime alimentaire coûte cher. Le maïs, qui vient de ses champs alentour, constitue son « plus gros poste de dépenses » : il nécessite des semences, des intrants, de l’irrigation et du travail agricole — externalisé par manque de temps.     Le maïs ensilage étant dépourvu de protéines, les rations distribuées aux vaches s’accompagnent de granulés de soja génétiquement modifié venu d’Amérique latine, ainsi que de minéraux et d’oligo-éléments en poudre.... Les vaches de M. Garrec sont des prim’Holstein, une race réputée pour être la plus productive du monde. « Le problème, c’est qu’elles sont fragiles. Il y a donc des frais de vétérinaire importants. » L’éleveur a cependant pu améliorer la productivité de son cheptel en recourant aux services de la coopérative d’insémination et de génétique animale Évolution. Son catalogue de plus d’une centaine de taureaux permet d’améliorer les performances des vaches, en adaptant par exemple leur morphologie (taille et hauteur de la mamelle, notamment) aux caractéristiques de la trayeuse. Cela n’empêche pas que 30 % du troupeau parte à l’abattoir chaque année en raison de mamelles non standards et de pis inadaptés. La proportion monterait à 50 % avec le calibrage du robot Lely Astronaut.    « On a un travail répétitif comme celui d’un ouvrier. Mais nous, on est notre propre patron. On prend des risques, on investit, on fait vivre et travailler plein de gens », développe M. Garrec en branchant inlassablement ses vaches aux trayeuses.... À vrai dire, c’est d’abord Lactalis, numéro un mondial des produits laitiers et treizième groupe agroalimentaire de la planète, que notre agriculteur fait vivre. « Là, je suis en train de produire le lait du mois de septembre, mais je ne sais pas encore à quel prix je le vendrai. » Car, dans la filière, c’est le client (ici Lactalis, mais il en va de même avec ses concurrents) qui fixe le prix et qui facture le produit, envoyant tous les mois au producteur sa « paye de lait ». Le contrat qui lie les deux parties ne fixe pas le prix, mais le nombre de litres qui doivent être produits.    Il est 1 heure du matin lorsque la course folle de M. Garrec prend fin. Après la traite du soir, il éteint la lumière du bâtiment et parcourt les pâturages en sens inverse, dans la nuit noire, guidé par la lumière de son téléphone, deux bouteilles de lait encore chaud à la main. Fourbu, il avale, avant de se coucher, un Nesquik dans lequel il a jeté de la semoule : « Ça prend cinq minutes. » Dans quelques heures, tout recommence.....                                      Selon M. Ronan Mahé, lui aussi éleveur, cette fragilité trouve également son principe dans le fait que, « depuis trente ans, le prix du lait n’a pas changé, et a même baissé ; pendant ce temps-là, tout a augmenté : aliments, matériel, charges, cotisations, mises aux normes, etc. ».      Plus du quart des paysans vivent ainsi sous le seuil de pauvreté, avec des revenus souvent inférieurs au revenu de solidarité active (RSA). Ils sont la catégorie socioprofessionnelle la plus touchée par la misère. En 2017, près de 20 % d’entre eux ont déclaré un revenu nul, voire un déficit de leur exploitation....   Lactalis avait atteint 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019, « avec un an d’avance sur ses objectifs ». Au cours de cette année « historique », le groupe a connu sa plus forte croissance, avec notamment neuf acquisitions. La fortune de M. Besnier a suivi la même progression, le hissant à la neuvième place du classement Challenges des personnes les plus riches de France (il est depuis redescendu à la onzième place). Lors d’une conférence de presse, il a également annoncé que le prix du lait allait encore baisser, « pour affronter les difficultés qui s’annoncent dans le secteur laitier » en raison de la pandémie de Covid-19 (3). « Il y a une course à la baisse entre les industriels, explique M. Le Bihan. Ils tirent les prix vers le bas pour dégager de la marge et rester concurrentiels. Lactalis, Sodiaal [première coopérative (4) laitière française] et les autres tiennent tous le même discours. »....                À la mi-septembre 2020, au moment même où M. Besnier savourait la réussite de Lactalis, « exemple presque parfait des succès du capitalisme familial à la française », lors de « son anniversaire, avec sa femme et ses trois enfants, en vacances à l’île de Ré (5) », M. Garrec nous confiait, assis à la table de son salon aux murs nus, face à la fenêtre par laquelle il voit passer ses vaches, qu’il rêvait de « fonder une famille ». Avant d’ajouter avec un soupçon d’angoisse dans la voix que, célibataire à 43 ans, il avait intérêt à ne plus traîner. Mais encore faudrait-il qu’il puisse « consacrer du temps » à sa famille, ce qui signifierait « soit prendre un employé, soit prendre un robot » — comme le Lely Astronaut dont il observait attentivement la démonstration quelques jours plus tôt. Or, dans les deux cas, cela impliquerait « de produire plus, pour compenser le coût ». Et donc de poursuivre sa course infernale contre le temps." ( Maëlle Mariette)  ____________________

samedi 13 février 2021

Paradis fiscaux (suite...sans fin?)

 D'ici et d'ailleurs.

                   Enjeux géopolitiques.

   Officiellement, ils auraient disparu, ou presque.
  Cela fait des années que certains proclament que le ménage a été fait, qu'ils n'existeraient même plus. Miracle du verbe! De la part de Moscovici et des autres. Ces derniers jours encore pourtant le problème rebondit. A nos portes.
      La fête paradisiaque continue, malgré les dénégations, de manières diverses et variées
Aux dépends des budgets publics, de la redistribution et de l'investissement productif.
Beaucoup de gesticulations médiatiques à ce sujet  de la part de l' OCDE et de pays pourtant directement concernés...
    La grande évasion continue, sous des formes toujours plus sophistiquées et plus ou moins "légalisées".
   Le feuilleton de l'évasion fiscale continue...
                          "   Loin d être un nouveau catalogue des différentes techniques de l'évasion fiscale tentative vouée généralement à l échec tant l' astuce des fiscalistes est sans limite et la réglementation en perpétuel changement , loin d être une démonstration apportant une impossible solution définitive aux dérives de la finance offshore, ce livre retrace par l histoire les enjeux géopolitiques qui ont toujours dominé le sujet des paradis fiscaux. Si, depuis la crise économique de 2008, l' opinion publique a pris conscience du phénomène, l actualité nous montre que l on est loin des déclarations du président français de l époque affirmant : « Les paradis fiscaux, c est fini ! ». SwissLeaks, LuxLeaks, affaire UBS, etc., chaque mois apporte son lot de scandales. 
     La raison en est simple : les paradis fiscaux ne sont pas un problème pour les grandes puissances tant qu elles réussissent à conserver leur pré carré offshore. Toucher à ces territoires, c est toucher à leur contrôle sur le système financier mondial et donc à leur souveraineté. Loin d être à la marge, la finance offshore est au coeur du capitalisme financier et chaque puissance lutte pour gagner en influence ; le règlement FATCA américain en est un parfait exemple. Ni sujet financier ou fiscal, ni sujet juridique, les paradis fiscaux sont le nouveau grand jeu des rivalités de pouvoir géopolitique entre puissances impliquant aussi certains lobbies industriels et financiers. Destiné au plus grand nombre et illustré de cas concrets, l' angle inédit proposé satisfera autant le lecteur curieux que le connaisseur souhaitant un éclairage nouveau. Il est temps de considérer le paradis fiscal comme une représentation, une construction géopolitique, afin que le débat soit enfin abordé sous son vrai visage...."

         Le problème des paradis fiscaux dépasse largement le cadre fiscal, il remet en cause la souveraineté des États et le consentement des peuples à mettre en commun des efforts - via l’impôt – pour financer un choix de société. Il est donc majeur.

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vendredi 12 février 2021

Saint Valentin

 Toute une histoire...

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Dette: il faut ou il faut pas...

...Les annuler?

             Il y a dettes et dettes. Il y a des dettes ruineuses et des dettes productives, dans le cadre d'investissements positifs, source d'enrichissements. Il y a la dette privée, qu'il vaut mieux rembourser au cours d'un vie, et la dette publique, celle d'Etats, qui ne peuvent mourir et qui peuvent "rouler" une dette dans un temps très long et qui a été souvent effacée, par décision politique, comme celle de l'Allemagne en 1953, comme celle que décida Nabuchodonosor en son temps.    Il y a la dette "coupable", celle engendrée pas des dirigeants irresponsables, souvent non élus, et il y a la dette des pays écrasés économiquement par des investisseurs ou des puissances qui les saignent, ou le peuple n'est en rien responsable.       Bref, la dette a de multiples sens et la dette d'une personne ruinée par sa faute ou par la maladie n'a rien à voir avec la dette de pays super endettés comme le Japon, qui la supporte facilement, car non dépendant des marchés financiers. Si la dette de notre pays a monté en flèche, alors qu' elle restait dans les "normes", c'est après la crise financière de 2008, où les Etats n'ont pu faire autre chose que de renflouer les banques, après leurs errements, leurs fautes et leur laxisme, elles qui aiment les dettes...mais surtout les intérêts.

             Pour ce qui est de la dette -Covid, qui s'accumule en vertu de choix politiques où le "quoi qu'il en coûte" est devenu une règle, le débat actuel est flou et parfois contradictoire, amenant les économistes à se contredire parfois en se projetant dans un avenir qui ne peut tenir que du pari dans une large mesure. Il y a la position ultra-orthodoxe-libérale de     Mme Lagarde qui défend  ses principes au nom de Article 123, découlant des accords de Maastricht, pourtant rejeté par certains membres de l'UE: c'est interdit, y faut y a qu'à...Il y a la position un peu moins rigide de Lemaire, qui mise sur une reprise économique vigoureuse pour effacer une dette  dont le remboursement peut-être repoussé sur plusieurs dizaines d'années, les taux négatifs actuels de remboursement étant exceptionnellement avantageux.  Le débat est en fait assez " lunaire", car nous sommes dans un temps suspendu, sans vision de l'avenir et les économistes de premier plan sont souvent en désaccord.                               Le débat revient sur le tapis (*). Il faut sortir de la culpabilité associée depuis longtemps à la dette, comme l'a bien montré Graeber, qui en retrace la longue histoire.      Il faut une nouvelle gouvernance européenne, comme le préconisent certains, même si la BCE a une politique monétaire plutôt favorable pour l'instant. Un certains nombre de tabous doivent sauter.  Il y a des alternatives. Les "bonnes" et vertueuses intentions peuvent être lourdes de conséquences négatives. Si nous avions encore la maîtrise de notre monnaie, un peu d'inflation, une orientation intelligente de l'épargne, une mise à contribution des grosses fortunes à la Roosevelt pourraient vite produire des effets positifs. .. Nous sommes déjà sortis de plus grands désastres....      

         ________________(*)  Michel Rocard: en son temps avait bien montré que de 1901 à 1973 la Banque de France a financé l’État sans intérêt. Si c’était encore le cas, notre dette serait 17% du PIB        Comme l'énonce Anne-Laure Delatte,"Il faudrait commencer par restructurer les dettes publiques des pays de la zone euro où elles pèsent le plus (au moins celles de la Grèce, de l’Italie et du Portugal). Retarder les échéances de remboursement des dettes donnerait de l’air aux finances publiques. Ensuite, il sera difficile de stabiliser la zone sans mettre en place des mécanismes de transfert automatiques et permanents entre les États. C’est ce qui existe entre les États américains, pourquoi pas dans la zone euro ? L’Union budgétaire a longtemps été un sujet tabou en Europe mais, en janvier dernier, le Trésor français a fait un pas en recommandant un budget commun européen pour financer l’investissement public et rendre ces transferts possibles. Cela impliquerait de lever un impôt européen et d’accroître le pouvoir de contrôle du Parlement européen.            Bref, deux routes bien distinctes se présentent à nous : soit un retour au franc dont on espère un gain de compétitivité, mais avec des effets très déstabilisants sur la dette des entreprises et une autonomie très relative de la politique économique ; soit on conserve l’euro, mais alors il faut achever le projet et donner une dimension politique à la monnaie européenne. Ces deux options ont le mérite d’être claires.

      Le problème est donc plus politique que purement économique et il n'y a pas que la dette grecque, finalement assez mineure par rapport au budget européen.___ Point de vue-débat: La dette en héritage___.

                         ____Le problème de la dette publique , au centre de l'Europe, fait  rarement l'objet d'une analyse sérieuse et historique
_"L'endettement public et la dette publique proprement dite ont un passé très riche, très haut en couleurs, et qui pourrait être plein d’enseignements. Ils sont étudiés, certes, mais pour eux-mêmes, de façon érudite, ce qui est légitime ..., mais sans beaucoup d’efforts comparatifs..".
     _Le débat est dans une large mesure confisqué ou dénaturé, réduisant souvent  l’État social à un fardeau improductif reporté de génération en génération...
    La dette est devenue un épouvantail commode.   
En ces temps actuels de crise, le passé du continent s'estompe, de même que les raisons qui avaient conduit Jean Monnet ou Alcide de Gasperi à créer l'Europe. Les responsables semblent ne réagir qu'en financiers préoccupés de leur pré carré, soucieux de gagner du temps, alors qu'on les attend en politiques, visionnaires et Européens..."
     Les problèmes économiques qui en découlent dans les pays subissant un étranglement monétaire, selon M.Wolfpourrait briser les sociétés, les gouvernements, voire les Etats.
     ."Le recours à l’emprunt ou, plus précisément, à l’argent extérieur aux circuits de dépôts monétaires contrôlés par l’administration française des Finances, n’est qu’une option parmi d’autres au sortir du second conflit mondial. Les marchés financiers internationaux et la compétition entre États pour s’y financer sont (à une époque) inexistants. La notion même « d’endettement » de l’État ne s’est ré-explicitée en France qu’avec la réémergence, à partir des années 1970, des marchés obligataires. Si la dette est faible en volume à l’époque, ce n’est pas exclusivement à cause des faibles déficits mais c’est aussi parce que le Trésor dispose d’une palette d’instruments variés qui rendent marginal l’appel à l’emprunt, au demeurant techniquement peu développé. Les dispositifs de trésorerie de la reconstruction sont tournés avant toute chose vers la garantie d’un financement sécurisé et régulier des dépenses publiques considérées comme nécessaires à l’expansion économique et à l’objectif de « plein emploi ». L’État finance ses découverts passagers en drainant de l’épargne et en collectant les ressources monétaires de son propre réseau, à la fois des particuliers mais aussi des institutions bancaires..."
___De Mirabeau aux Trente Glorieuses, le problème de la dette est récurrent, résolu de manières souvent très différentes (1), ce qui montre qu'il n'est pas du domaine de l'inéluctable, qu'il n'a rien à voir avec un phénomène naturel.
____Aujourd'hui, on peut se  référer au deux extrêmes, l'Allemagne et la Grèce, où semble jouer le principe deux poids, deux mesures, si on se réfère à l’annulation de la dette d'une Allemagne ruinée , il y a à peine 60 ans...
"... Après la seconde guerre mondiale, de multiples conditions ont été réunies pour permettre à l’Allemagne de l’Ouest de se développer rapidement en permettant la reconstruction de son appareil industriel. Non seulement la dette contractée par l’Allemagne en-dehors des deux guerres mondiales a été réduite de plus de 60%, mais le règlement des dettes de guerre et le paiement des réparations aux victimes civiles et aux Etats ont été reportés à une date indéterminée : de fait, à la réunification allemande qui est intervenue en 1990 et au traité de paix qui a été signé à Moscou la même année entre les autorités des deux Allemagnes en cours d’unification, les Etats-Unis, l’URSS, le Royaume-Uni et la France. Le poids des réparations sur l’économie allemande a donc été longtemps différé. Et dans le cas des réparations dues à la Grèce, celles-ci n’ont pas représenté le moindre effort de la part de l’Allemagne puisque les autorités allemandes refusent de donner suite aux demandes grecques. 
A la différence de ce qui s’était passé à l’issue de la première guerre mondiale, les puissances occidentales ont voulu après la seconde guerre mondiale éviter de faire peser sur l’Allemagne le poids de remboursements insoutenables car elles ont considéré qu’ils avaient favorisé l’accession du régime nazi au pouvoir. Les puissances occidentales voulaient également une Allemagne de l’Ouest forte économiquement (mais désarmée et occupée militairement) face à l’Union soviétique et ses alliés. Rien de tel n’est de mise avec la Grèce et les autres pays de la Périphérie au sein de l’Union européenne.
      Pour atteindre cet objectif, non seulement le fardeau de la dette a été très fortement allégé et des aides économiques sous forme de dons ont été octroyées à l’Allemagne, mais surtout on lui a permis d’appliquer une politique économique tout à fait favorable à son redéploiement. Les grands groupes industriels privés ont pu se consolider, ceux-là mêmes qui avaient joué un rôle clé dans l’aventure militaire de la première guerre mondiale, dans le soutien aux nazis, dans le génocide des peuples juifs, tsiganes…, dans la spoliation des pays occupés ou annexés, dans la production militaire et l’effort logistique gigantesque de la seconde guerre mondiale. L’Allemagne a pu développer d’impressionnantes infrastructures publiques, elle a pu soutenir ses industries afin de satisfaire la demande locale et de conquérir des marchés extérieurs. L’Allemagne a même été autorisée à rembourser une grande partie de sa dette dans sa monnaie nationale. Pour rendre cela concret, il suffit de réfléchir à la situation qui a suivi l’accord de Londres de 1953. L’Allemagne rembourse par exemple à la Belgique et à la France une partie de ses dettes de l’entre deux guerres en deutsche marks. Ces deutsche marks qui n’avaient pas d’intérêt dans les échanges avec le reste du monde, Belges et Français ont essayé de s’en débarrasser rapidement en achetant des marchandises et des équipements fournis par l’économie allemande et contribué à refaire de l’Allemagne une grande puissance exportatrice.
       De leur côté, la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Espagne, l’Estonie, la Slovénie et les autres pays périphériques de la zone euro doivent rembourser leurs dettes publiques en euros alors qu’ils en manquent vu leur déficit commercial face aux pays les plus forts de la zone euro. Dans le même temps, les puissances qui dominent la zone euro les obligent, via la Commission européenne et les traités adoptés, à mener des politiques qui les empêchent tant de satisfaire la demande de leur marché que d’exporter. S’ils veulent quand même réussir à exporter, ils sont poussés à réduire encore plus les salaires, ce qui comprime un peu plus la demande intérieure et accentue la récession. Le programme de privatisation achève de porter des coups à leur appareil industriel, à leurs infrastructures et à leur patrimoine en général..."
                 [-Texte original-]
   Mme Merkel et Mr Schäuble, bitte, un peu de mémoire, de bon sens et d'intérêt bien compris.!
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