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jeudi 26 janvier 2012

Posthumanité: un mythe?

Rupture anthropologique ou illusion?

Progrès ou nouvelles formes de domination?

__L'homme serait-il une expérience ratée, car imparfait ?
"Au coeur de la mutation anthropologique, technologique et historique en cours, des logiques redoutables sont à l'oeuvre. Elles vont dans le sens d'une dématérialisation progressive de notre rapport au monde.
Le biologique témoignerait d'une " infirmité" dont il faudrait s'émanciper au plus vite. Ainsi, sous couvert de "libération ", la nouvelle pudibonderie conforte étrangement ce qu'il y a de pire dans le puritanisme religieux hérité du XIXe siècle. Et pas seulement au sujet des moeurs. Dans le discours néolibéral, l'adjectif "performant" désigne le Bien suprême. Mais ni le "système" ni ses logiciels ne savent prendre en compte des choses aussi fondamentales que la confiance, la solidarité, l'empathie, la gratuité, la cohésion sociale.
La Vie vivante, celle qu'il faut défendre bec et ongles, c'est celle qui échappe aux algorithmes des ordinateurs, à l'hégémonie des "experts" et des dominants, qui confondent "ce qui se compte" avec ce qui compte. "

_Assiste-t-on à une nouvelle forme de prométhéisme? Et que signifie la notion de posthumain?
La science-fiction d'hier commence à être la réalité d'aujourd'hui. Par exemple, les rapports de plus
en plus étroits entre la médecine et le numérique s'approfondissent. Que sera celle de demain?...
__L'humain, nous savons ou nous croyons savoir ce que c'est . Le post-humain, moins...C'est un concept problématique et flou, une auberge espagnole où chacun met un peu ce qu'il veut, une nébuleuse complexe où se polarise une part de nos rêves, de nos déceptions, de nos mythes aussi. L'homme aimerait tellement être autre, insatisfait de lui-même par narcissisme parfois exacerbé, qu'il se plaît à se percevoir comme entièrement différent dans un futur proche ou lointain, fantasmant sur des transformations futures radicales, que semblent offrir certaines avancées scientifiques réelles ou hypothétiques , qui feraient de lui, non pas peut-être un être parfait, mais transmuté et maîtrisé, jusqu'à vouloir se libérer de la différence des sexes, selon de vieux mythes grecs.
Après tout, depuis Cro-Magnon et ses ancêtres, l'humanité n'a cessé de changer d'apparence et de moyens. La biologie, puis la culture ont fait de l'homme d'aujourd'hui un être qu'un homme de Lascaux ne reconnaîtrait plus...
Mais quant à envisager une humanité qui se transcenderait cette fois-ci de manière consciente et programmée pour décupler ses pouvoirs et ses moyens afin de lui donner un visage inédit et quasiment parfait, voilà qui pose problème et qui renoue avec la vieille idée de progrès née au Siècle des Lumières. Le transhumanisme est "
une façon de penser le futur basée sur la conviction que l’espèce humaine dans sa forme actuelle ne représente pas la fin de notre développement mais est au contraire une phase intermédiaire, résultat actuel d’une évolution passée.... C’est le mouvement intellectuel et culturel qui affirme la possibilité et la désirabilité d’augmenter fondamentalement la condition humaine à travers l’application de la raison, spécialement en développant et en rendant largement disponibles les technologies pour éliminer l’âge et augmenter grandement les capacités intellectuelles, physiques et psychologiques de l’être humain...."
__Le transhumanisme est une forme de scientisme et de positivisme dont beaucoup d'aspects plongent leurs racines dans le passé (Pic de la mirandole) , partagée aujourd'hui par beaucoup de scientifiques américains, dont Douglas Melton
, qui va jusqu' à dire:
" «Nous pouvons certainement arrêter la mort. Si on élimine les cancers et les autres maladies, le deuxième facteur qui intervient dans notre vieillissement et notre mort est l'usure de notre corps. Mais je suis convaincu qu'on peut trouver les moyens d'allonger la durée de vie des vertébrés grâce à des modifications génétiques.» Douglas Melton n'est ni un visionnaire illuminé, ni un utopiste délirant. Il incarne ce que pense la grande majorité des scientifiques de sa génération aux Etats-Unis..."
Des espoirs sans certitudes, des projections sans démonstrations..
Ce rêve ne risque-t-il pas de côtoyer l'inhumain? Les vieux rêves d'immortalité et de perfection peuvent engendrer les pires délires et les pires cauchemars.
___Pour le biologiste Axel Kahn, "Ce sont de vieilles lunes. Imaginons des groupes de chercheurs qui décident d’améliorer les qualités héréditaires de l’homme par différents procédés biotechnologiques, électroniques, etc. Imaginons qu’ils choisissent de modifier tels gènes chez l’enfant à naître, de le concevoir plus grand, plus résistant, sans laisser faire le brassage aléatoire de l’évolution, qui procède à l’échelle de populations entières. Ce serait un acte d’orgueil démesuré. Personne ne sait dans quelles conditions nous vivrons dans 100 ans. Nous prenons le risque d’imposer des caractéristiques biologiques qui pourraient s’avérer préjudiciables aux générations futures.
Pour Besnier, soucieux de repenser l'éthique, l'homme peut aller plus loin que les simples prothèses de toutes natures qu'il peut se fabriquer.
"
Le post-humain commence avec l’idée d’en finir avec le déterminisme de la naissance, ce qu’annonce la pilule, ou le « bébé-éprouvette ». Mais, nous voyons déjà beaucoup plus loin. Avec l’ectogénèse, la procréation assistée dans une couveuse, les femmes cesseront de porter des embryons, de connaître la « grossesse ». D’après Henri Atlan (biologiste français, longtemps membre du comité consultatif d'éthique) cette technique sera au point au milieu du XXIe siècle. Le clonage reproductif devient lui aussi possible, et probable. L’utopie post-humaine imagine la sortie de l’histoire naturelle de l’humanité, telle que l’évolution l’a élaborée. Au fond, elle entend auto-produire des hommes, en créer des meilleurs, prendre la relève de la nature. En somme de consacrer l’apogée de l’humanité."
_Une façon de laisser place à ses propres créations, donc de se déresponsabiliser..
Nous ne sommes qu'au début de l'ère de l'homme bionique, mais...n'y a-t-il pas à craindre des technoprophètes ?
C'est ce que pense JC Guillebaud:

"Mères porteuses, nanotechnologies, intelligence artificielle, refus de l’enfant, fabrication de chimères, quête d’immortalité… Le corps humain serait-il has been ? En tout cas, avec les prouesses toujours plus ébouriffantes de la science et le grand bond en avant de la technique, voici venue l’époque des "technoprophètes". Chercheurs talentueux, joyeux apôtres d’une dématérialisation de l’homme, ils annoncent une ère radicalement nouvelle. Un temps où l’on n’aura plus besoin de l’être humain, cette vieille chose prisonnière d’un corps de chair et enserrée dans d’étroites limites biologiques et sociales. Loin de demeurer d’aimables utopistes, ces experts préparent activement, avec l’aide de puissants lobbies scientifiques et industriels, l’avènement de la posthumanité..."
____Certaines formes de progrès follement espérés ne seraient-elles pas qu'un "lumineux désastre" (V.Hugo)
Savons-nous encore entendre les paroles du profond Sénèque? (Lettres à Lucilius)

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