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mardi 14 février 2012

H.Ford: singulier destin

____Mythe au double visage

De la lumière à l'ombre

De la rationalité industrielle aux dérives mégalomaniaques


_____C'était l'époque où Détroit rêvait... au coeur de l' American dream, quand la cité n'était pas encore ce qu'elle est récemment devenue...
Après l'ère des pionniers conquérants territoriaux, l'ère des aventuriers industriels commençait vraiment, le pétrole ne manquait pas. Tout semblait possible. A partir de (presque) rien, on pouvait encore se faire un nom et une fortune, dans les terres vierges de l'industrie, dans un dynamisme que Tocqueville avait bien décrit dès le 19° siècle.

__Dès 1908, Henri Ford, figure emblématique de l'épopée industrielle US, d'origine modeste, peu cultivé, mais malin et ardent bricoleur, trouve l'occasion de fabriquer une petite machine à vapeur et une des toutes premières voitures, qu'il rêve de diffuser à tous. Puis, sur un marché prometteur, vient vite le succès, grâce aux nouvelles méthodes de production qui ont fait sa réputation. L'histoire officielle n'évoque guère quelques mythes concernant des inventions qu'on lui a attribuées. (1)
L'homme qui instaure un maximum de rationalité dans l'organisation du travail, grâce au taylorisme, est aussi un patron paternaliste, méfiant vis à vis de toutes formes de contestations, et ne reculant devant aucune méthode pour maintenir son pouvoir de droit divin, comme beaucoup d'autres à l'époque, notamment Rockefeller. Il se méfie notamment de toutes formes de mouvement revendicatif et syndical.

"Au début des années 1930, malgré la Grande Dépression, Henry Ford accélère la production à un rythme insupportable. Il règne sur ses usines par la crainte ; alors que leurs conditions de vie se dégradent, ouvriers et cadres se méfient des mouchards. Ford utilise en effet près de 3 500 hommes de main pour empêcher les syndicats d’entrer dans l’usine. Le maire de Détroit observe d’ailleurs qu’« Henry Ford emploie certains des pires bandits de notre ville ». Harry Bennett, un ancien Marine nommé à la tête du service de sécurité interne, emploie différentes tactiques d’intimidation pour écraser la syndicalisation dont le plus célèbre incident, survenu en 1937, aboutit à une bagarre sanglante ; l’événement sera connu sous le nom de « Bataille de l’Overpass ». La même année, Walter Reuther, futur président de l’United Auto Workers (l’Union des Ouvriers de l’Automobile) est brutalisé à Red River pour avoir distribué des tracts syndicaux..."
____Voilà pour l'homme rationnel: efficace et opportuniste, d'une philanthropie intéressée ("une voiture pour tous")
La face irrationnelle, c'est son antisémitisme affiché et militant, qui va l'amener aux pires dérives et aux pires fréquentations. Il se met à fréquenter
et à soutenir les mouvements précurseurs et alliés du nazisme aux Etats-Unis. Une osmose s'est produite naturellement entre les thèmes racistes du futur Reich et ceux qui régnaient depuis longtemps Outre-Atlantique, dont C.Lindbergh fut à une époque un ardent propagandiste.
"..Les doctrines scientifiques et les pratiques racistes politiques et juridiques des Etats-Unis ont eu un impact non négligeable sur les courants équivalents en Allemagne.Cette connexion américaine remonte tout d’abord à la longue tradition de la fabrication juridique de la race – une tradition qui exerce une grande fascination sur le mouvement nazi dès ses origines. En effet, pour des raisons historiques, liées entre autres à la pratique ininterrompue, des siècles durant, de l’esclavage des Noirs, les Etats-Unis offrent le cas peut-être unique d’une métropole qui a exercé, et sur son propre sol, une classification raciste officielle comme fondement de la citoyenneté..".
Ford va même devenir un inspirateur d’Adolf Hitler et celui-ci lui fit décerner une très haute distinction nazie. Lors de la réception, en présence de l’attaché culturel allemand, Ford lève son verre et souhaite : « le succès de la jeune et puissante Allemagne nazie dans sa tâche d’éradication de toutes les vermines et dégénérés qui salissent la race blanche ». Le Führer garda toujours une photo de l'industriel dans son bureau.
___________Henry Ford participa également à l'effort de guerre allemand, comme certaines grandes banques américaines, et des groupes industriels (General Motors, Standart Oil, ITT, etc...), ce que confirme de façon détaillée l'historien belgo-canadien
Jacques R.Pauwels , dans son étude très débattue sur La guerre 1939-1945 : une "bonne" guerre ...pour quelques grands intérêts US, jouant contre leur camp)
__Selon Pierre Abramovici : « En 1938, Ford Compagny ouvrira, dans la banlieue de Berlin une usine d'assemblage de véhicules de transports de troupes. Avec Opel, société d'origine allemande, mais propriété de General Motor, l'autre grand constructeur automobile US, Ford produira près de 90 % des half-tracks de 3 tonnes et 70 % des camions lourd et moyen tonnage utilisés par la Wehrmacht. » Après la guerre, les firmes ITT et General Motors se font dédommager par le gouvernement américain pour les dommages causées à leurs usines en partie détruites par les bombardiers américains. « De son côté, Ford arrache un peu moins d'un million de dollars pour les dégâts provoqués à ses chaînes de fabrication de camions militaires installées à Cologne. Sans compter les 38 millions de francs versés, pendant la guerre, par Vichy, après le bombardement par des avions alliés de son usine de Poissy dans laquelle elle produisait vingt camions par jour destinés à la Wehrmacht. »
___Ford Company à Cologne utilisa des travailleurs esclaves. Aucune suite ne fut donnée après la guerre à cette bonne collaboration.La société fut indemnisée pour les dommages subis en Allemagne lors des bombardements allié (1 million de dollars pour la « destruction » de son usine de Cologne, qui fut pourtant totalement reconstruite et opérationnelle dès 1945).
____________Le rêve amazonien fut la dernière folie de H.Ford, qui passa de l'industrie au commerce et aux plantations d' l'hévéas, nécessaires pour les pneus de ses voitures. La folie des grandeurs et la lutte contre une nature difficile, les problèmes sociaux et sa politique paternaliste et autoritaire aboutirent à l'échec de l'aventure brésilienne qui lui avait coûté une fortune.
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(1)Contrairement à la croyance répandue, Henry Ford n’invente pas l’automobile. C’est plutôt un certain Karl Benz qui accomplit l’exploit en 1885. Ferdinand Verbiest avait lancé l’idée en 1672, avec un véhicule autonome à vapeur qui ne connut pas un succès retentissant. C’est 13 ans avant la fondation de la compagnie Ford que la première production industrielle d’automobiles est lancée, en France, par Émile Levasseur et Armand Peugeot. Dès 1897, la Daimler Motor Company se lançait dans la production de masse de son véhicule, la même année où Rudolf Diesel construisait son premier moteur.
Contrairement à la croyance répandue, la chaîne de montage n’a pas été inventée par Henry Ford. La chaîne de production avait été conçue par Oliver Evans en 1780 et la chaîne d’assemblage proprement dite fut l’œuvre de Eli Whitney, autre fils de fermier états-unien né dans la région de Boston, qui organisa ainsi sa fabrique de mousquets en… 1801 ! Une chaîne d’assemblage a également été inaugurée la même année en Angleterre par le Français Marc Brunel.

Contrairement à la croyance répandue, Ford n’a pas non plus été le pionnier de la chaîne d’assemblage pour l’industrie automobile. Ransom Eli Olds l’avait brevetée en 1901, faisant de sa compagnie, la Olds Motor Vehicle Company, la première entreprise états-unienne à se lancer dans la production de masse dans le secteur automobile.

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