Au milieu des éloges convenus en de telles circonstances, des dissonances se manifestent sur le rôle réel joué par le militant et le pionnier des premiers jours, son rôle de fondateur et d'homme politique, jugé souvent ambigü.
Une vie complexe, à l'image de la société israëlienne, de sa nature particulière et des ses évolutions.
Que des voix palestiniennes ne ménagent pas leur critiques, cela n'a rien pour étonner, lui qui ne fut pas toujours du côté des négociateurs les plus engagés, comme Rabin, qui, bien que militaire, voyait avec dégoût se développer l’idolâtrie de la terre, le Bloc de la foi et écrira dans ses mémoires, que c'était « un cancer au sein de la démocratie israélienne, mais le combat ne pouvait réussir alors que le parti travailliste était profondément divisé face aux militants du Goush Emounim, des gens que le ministre de la Défense, Shimon Peres, qualifiait de véritables idéalistes et soutenait... »
L'instrumentalisation des idéaux sionistes modérés du début fut assurée par des groupes de plus en plus radicaux, qui causèrent sa mort et pesèrent de tout leur poids pour radicaliser le pouvoir et s'engager dans une occupation, dite d'abord illégale, de ce qu'ils appelèrent Judée-Samarie, avec toutes les conséquences que l'on sait. Charles Enderlin a bien décrit le processus.
Un Shimon Peres de légende, qui lâcha prise avec la montée de la droite, du Likoud, puis de l'extrême- droite avec l'équipe de Netanyahou, de Liberman et des religieux les plus radicaux, avec l'ambition affirmée d'un Grand Israël,malgré toutes les protestations internationales et en dépit des accords signés.
Ils sont beaucoup à ressentir au moins une certaines gêne devant tant d'unanimisme officiel à la fin de sa vie. Le pragmatisme étatique a le plus souvent pris le pas sur la véritable volonté de paix, malgré le Prix Nobel de circonstance.
Un faucon devenu colombe, dit-on. C'est un peu plus compliqué que cela, quand on se rappelle la critiquable expédition libanaise, ses silences sous Sharon, la montér des radicalismes et ses initiatives dans les premières formes de colonisation, qui ne disait pas encore son nom. . La presse critique israëlienne, ou ce qu'il en reste, en est d'accord. Dans les années 70, alors qu’il est devenu ministre de la Défense, il cautionne l’émergence des premières colonies juives de Cisjordanie occupée
Leila Shahid a un jugement plus tranché: il y a eu plusieurs Shimon Peres. L’homme qui a eu l’image respectable, cosmopolite, internationaliste et plutôt laïc d’Israël. Il y a eu plusieurs personnages parce que, comme tous les grands hommes politiques, il était complexe. Mais, pour les Palestiniens, il restera l’homme qui n’a pas mis en œuvre les accords d’Oslo, celui qui n’a pas su succéder à Yitzhak Rabin après son assassinat, celui qui a d’ailleurs perdu les élections face à Netanyahu et, pour cette raison-là, il a été décevant pour les partisans de la paix palestiniens mais aussi israéliens. Et puis surtout, l’homme qui a, au lieu de continuer à défendre le parti travailliste, a choisi d’aller avec Ariel Sharon.
Un bilan mitigé, très mitigé.
Même certaines voix israëliennes tempèrent les hommages des inconditionnels.Certes il ne fut pas un faucon, mais il fut un pur sioniste, conforme aux idéaux de Ben Gourion, puis de Golda Meir,,,pour qui la Palestine était considérée comme sans hommes, à la pensée de Jabotinsky .Les projets d'extension étaient déjà présents dans les projets secrets initiaux.
La colonisation, engagée par Peres est devenue avec la droite, un phénomène qui est devenu grandissant, encouragé par les gouvernements successifs, qui faisaient semblant de le nier officiellement, poussé par les extrêmistes religieux, les born again, et les opportunistes en tous genres, attirés par les prix attractifs proposés par le gouvernement.
Puis bientôt naquit l'idée d'un Etat binational, que beaucoup voient comme débouchant nécessairement sur un système d'apartheid.
Un désastre pour le présent, une menace pur l'avenir.
Arte a récemment très bien décrit l'état et les impasses de ce système. Une bombe à retardement pour un avenir qui risque d'être proche..
... En 2016, la colonisation a pris des proportions si vertigineuses qu’elle conditionne littéralement la politique et l’identité d’Israël. Mais les films consacrés par le passé ces implantations condamnées par les conventions de Genève se sont souvent focalisés sur leurs répercussions, plus rarement sur les forces idéologiques et historiques qui les ont impulsées....
La situation semble bloquée, sans qu'aucun processus de paix n'apparaissent à l'horizon d'un développement que certains jugent irréversible. désespérant, juge le journaliste franco-israëlien Charles Enderlin. Déjà autour de 500000 colons...
Vérité des cartes |
Les accords d'Oslo furent une initiative qui eût pu aboutir... mais qui fut cousu de fil blanc, comme le reconnut la Banque Mondiale.
En attendant, la colonisation continue...
Est-il encore vrai que la disparition de Peres éloignera toute solution de paix initiée par les Israëliens, ( que)Les Palestiniens ont perdu un interlocuteur digne de leur confiance. Le statu quo a de longs jours devant lui?...Il y a beau temps que Peres ne pesait plus sur le cours des événements qui tendent à s'emballer, sans qu'on en voit une issue. A Washington, qui finance encore Israël, on ferme les yeux ou on regarde ailleurs, dans une politique à courte vue.
L'obsession sécuritaire prend une importance démesurée, comme le déplorent des journalistes israëliens comme Gidéon Levy et, qui plus est, elle tombe de plus en plus aux mains des nationalistes religieux.
______Le point de vue de Ilan Pape________________________
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