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mardi 11 octobre 2022

La fabrique de l'ignorance

Il y a ignorance et ignorance

                               Il y a l'ignorance ordinaire, courante, qui résulte d'un défaut de savoir, parfois souvent provisoire, celle du commun des mortels dont l'esprit n'a pas été préparé à se poser les bonne questions, qu'on pourrait qualifier d'ignorance simple, explicable, et celle du scientifique, qu'on peut qualifier de "savante", confronté à des questions pour un temps - parfois très long - insolubles, à cause de leur complexité, souvent provisoirement,  un temps donné, celui de la recherche patiente et méthodique. Aucun savoir ne progresse sans certitudes premières remises en question, le plus souvent dans une démarche collective où se confrontent les hypothèses, patiemment vérifiées, dans laquelle le doute (méthodique) joue un rôle majeur. G. Bachelard a bien décrit cette dialectique en dehors de laquelle aucune pensée rationnelle, dans quelque domaine que ce soit, ne peut voir jour....                                                                                             Et y a l'ignorance "construite", non désintéressée, qui a pour projet implicite, masqué, de détourner les esprits de la pensée informée et critique, au nom d'intérêts masqués, mais âprement défendus, en biaisant des résultats établis, en les édulcorant, en exploitant certaines de ces failles, en utilisant certains chercheurs peu scrupuleux pour abonder dans leur sens pour semer la confusion et le doute et continuer leurs petites affaires en retardant toute mesure coercitive. On connaît la stratégie des cigarettiers qui financèrent de nombreuses études biaisées pour  valoriser leurs produits en faisant réfuter la nocivité de leur business.                La bonne analyse produite pas France 5 hier soir en donne une assez bonne illustration dans des domaines le plus souvent industriellement sensibles. Certains groupes puissant utilisent la méthode scientifique contre la science, à seul fin de troubler les esprits et créer le doute dans les esprits peu ou mal informés ou peu critiques. Un véritable détournement de la science, dont l'origine est déjà ancienne. L'arme du doute peut être provisoirement efficace et parfois redoutable.                                                                                      ___Le doute, qu'il soit cartésien, méthodique ou plus modeste et circonscrit, est toujours une attitude qu'il importe de valoriser en toutes circonstances. Que soit dans la vie quotidienne, dans la recherche d'informations, ou dans celui de la recherche ou des débats scientifiques.

     Le doute est libérateur quand il est animé par le désir de sortir d'un dogmatisme trompeur,  de rechercher une vérité plus satisfaisante, d'oser penser par soi-même, comme disait Kant. C'est toujours possible, à des degrés divers, toujours libérateur.
    Mais le doute peut être instrumentalisé, utilisé à dessein comme un moyen d'instiller un soupçon, de faire naître une résistance vis à vis de connaissances pourtant bien ou assez bien établies. Parce qu'elles gêneraient, remettraient en question des vérités qui dérangent, qui mettent en péril des intérêts bien établis, un business fructueux, contestés par des esprits suffisamment éclairés et indépendants.
     C'est le cas bien connu des défenseurs du business de l'amiante, ce poison qui n'a pas fini de faire des ravages et dont les dangers ont été signalés dès le début du XX° siècle.
   C'est le cas, tout aussi connu du lobby des cigarettiers, toujours en action, qui dépensent des sommes pharaoniques pour produire des rapports à l'aspect "scientifique" pour justifier la poursuite de leurs affaires très juteuses, au détriment de la santé publique.
   Le plus insidieux, c'est lorsque une industrie, aux productions dûment contestées pour leurs méfaits, soudoient des "experts" complaisants pour susciter des questions là où il n'y a plus lieu d'en poser, pour relancer des recherches biaisées, pour éviter que le dernier mot de soit donné à ceux qui  ont fermement établi la nocivité de produits devenus d'un usage commun. 
    Au niveau politique, local ou plus large, des firmes savent aussi y faire pour influencer les débats sur les questions sur les réglementations ou des interdictions. Parce qu'elles ont de puissants moyens.
  C'est ce que montre bien, et depuis des années, certaines enquêtes, comme celle sur les produits à base de glyphosate, la molécule la plus utilisée au monde.
    Le dossier est déjà lourd. Les études de Marie-Monique Robin sur le sujet sont décisives, mais pas uniques.
    Ce qu'on a appelé la manufacture du doute dans différentes productions contestées, dont le monde rapidement grandissant des perturbateurs endocriniens.
   Parfois des questions légitimes peuvent encore se poser, mais il est des points qui ne peuvent plus être contestés sans être partisans intéressés.
   Mettre la science à l'abri des pressions de certains intérêts privés, dont le but est de distiller le doute, est aujourd'hui plus qu'hier un projet nécessaire, un combat permanent.

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