On a connu des jours meilleurs
Entre Berlin et Paris, on ne peut pas dire que le temps soit au beau. La conjoncture liée au changement de la donne politique Outre-Rhin a changé les termes des relations. Les échanges se font beaucoup plus tendus, plus crispés. Peut-on néanmoins parler de divorce? Ce serait aller trop loin. Les relations privilégiées et relativement harmonieuses d'antan semblent en tout cas pour l'instant compromises, la question de l'Ukraine et de ses conséquences économiques venant jeter une ombre sur les intérêts des deux voisins. Même s'ils sont condamnés à s'entendre. Sur la question du nucléaire, par exemple, la hache de guerre est déterrée. Le courant ne passe plus sur la question de l'énergie, de l'électricité en particulier. De nouvelles rivalités se font jour, sur fond d'une histoire compliquée et de domination économique de Berlin dans une Union européenne et d'une monnaie commune qui lui profitent, grâce à ses spectaculaires excédents commerciaux, qui aujourd'hui commencent à faire problème. A vrai dire, il n'y a jamais eu, au sens fort, politiquement et économiquement parlant, d'amitié franco-allemande, de "couple" sans nuages, .L'expression "amitié franco-allemande" est à prendre avec précaution. La réconciliation a eu bien lieu, certes. On se souvient de Kohl et Mitterand se tenant la main devant le mausolée de Verdun, à la suite de la formule de De Gaulle, après sa rencontre à Colombey avec Adenauer: "Les Français et les Allemands doivent devenir des frères. La fraternité des deux peuples doit devenir quelque chose d’élémentaire [...].Il est clair que nos intérêts se rencontrent et se rencontreront de plus en plus. Elle a besoin de nous autant que nous avons besoin d’elle."... Une formule de pure forme, qui a plus l'apparence d'un voeu pieux que d'une réalité en train de se faire laborieusement que de durer. En fait, très vite, les tensions se sont manifestées, les intérêts ont divergés et les micro-conflits n'ont pas manqué, au coeur des différents phases du "dialogue" franco-allemand. Les puissants intérêts industriels de Bonn et sa politique mercantile la tournant de manière privilégiée vers l'Est, et surtout la Chine, et ses grands choix politiques la maintenaient dans le giron de Washington. Ce qui en faisait un nain politique dans l'espace européen en mal de cohérence, mais où elle menait la barque, économiquement, à la faveur d'un mark surévalué...
Au coeur des crises actuelles, des divergences apparaissent comme jamais. Ce qui engendre bien des doutes chez certains commentateurs: "...Par le passé, des tensions sont survenues ponctuellement à quelques reprises : ce fut le cas entre Jacques Chirac et Gerhard Schröder au moment des négociations à propos du traité de Nice en 1999. Ce fut le cas également entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel au moment de la crise monétaire de 2011-2012 qui faillit emporter l’euro. Mais le caractère quasi systématique, depuis quelques années, de l’opposition entre la France et l’Allemagne sur tous les sujets qui comptent, le durcissement ces derniers mois de ce qu’il faut peut-être appeler désormais un antagonisme franco-allemand, constitue une nouvelle preuve de ce que la construction européenne est entrée dans sa phase ultime, celle de son déclin...." Mais les divergences actuelles sont-elles destinées à durer, voire à s'approfondir, au coeur d'une Europe qui se délite? Nul n'est prophète en ce domaine... Un couple, oui, mais désuni. Surtout depuis le départ d'A.Merkel et la coalition hétéroclite qui suivi, les questions d'énergie venant au premier plan. Le poids économique de l'Allemagne, l'avantage que lui confère sa monnaie font douter à beaucoup l'idée d'un couple sans nuages. Berlin reste ambigü sur beaucoup de points. Il n'y a pas que la question du nucléaire qui est en cause. Le choc des modèles ne date pas d'aujourd'hui et risque de durer... _____________
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