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vendredi 17 mai 2024

Profiteurs de vieillesse

 C'est le temps de l'or gris

                  Les Ehpads, c'était une bonne idée, mais les dérives qu'ils connaissent trop souvent exigent une refonte complète de leur gestion, trop souvent défaillante, parfois coupable: manque cruel de personnel, défections de l'Etat, qui a manqué à ses engagements, celui de contrôle notamment.... On a laissé des sociétés privées faire la pluie et le beau temps dans un domaine où le profit, et même le surprofit, ne devrait pas décemment être la règle, surtout à l'heure où la grande vieillesse devient une question centrale dans nos sociétés. Certes, il y a pire ailleurs, mais nos anciens, qui ont fait la richesses du pays, méritent-ils la relégation, voire parfois la maltraitance.                                                                                               De bonnes affaires pour des sociétés privées dont la spécialité est la gestion de la grande vieillesse. La Silver Economy se porte bien et même très bien si on se réfère aux grands groupes qui en ont fait une spécialité, plus encore en Espagne et surtout au Royaume Uni, comme le montrait l'enquête de Arte avant-hier soir sur le sujet. Business is Business. On se souvient du scandale Orpéa. Les profiteurs de vieillesse n'ont pas baissé la garde pour autant et les sanctions furent légères.  ____                                                            "  Aujourd’hui, un Européen sur cinq a plus de 65 ans. En 2050, ce sera un sur trois. D’ici à 2070, la prise en charge de la dépendance des personnes âgées pourrait représenter 30 % du produit intérieur brut européen. Sans surprise, de grands groupes du secteur privé y voient une manne sur laquelle spéculer. En janvier 2022, le livre de Victor Castanet, « les Fossoyeurs » (Fayard), avait ébranlé tout le secteur des Ehpad : son enquête montrait comment les établissements du groupe Orpea avaient rogné sur les soins et l’alimentation de ses pensionnaires pour doper son cours de Bourse.     Dans ce remarquable documentaire, Laurence Delleur et Nathalie Amsellem reviennent à leur tour sur les pratiques délétères opérées en Europe par ces marchands de vieillesse. Trois multinationales dominent le secteur : Orpea, donc (devenu Emeis en mars dernier pour se refaire une virginité), Korian (appelé désormais Clariane) et DomusVi, toutes françaises et en partie financées par l’Etat - les coûts liés aux soins et à la dépendance étant à la charge des pouvoirs publics. En une dizaine d’années, elles ont doublé, voire triplé leur chiffre d’affaires. Nos voisins européens partagent les mêmes vicissitudes. En Espagne, où le privé règne sur 89 % du marché, une grand-mère a dû être hospitalisée après avoir passé deux mois en maison de retraite : « Quand les soignants ont su qu’elle venait de DomusVi, ils se sont décomposés… », raconte sa petite-filleDénutrie, déshydratée, elle souffrait d’une thrombose pulmonaire et d’escarres.    Au Royaume-Uni, où l’immobilier flambe, les terrains sur lesquels sont implantés des Ehpad sont revendus à prix d’or, laissant les familles sans solution d’accueil. En Allemagne, le recours massif aux aides à domicile a entraîné l’exploitation de jeunes femmes venues de Pologne, payées au lance-pierres.    Seule exception positive, le modèle danois permet aux anciens de rester majoritairement chez eux et d’être pris en charge à 100 % par les municipalités. Pas pour longtemps : face au vieillissement de la population, ces dernières sont désormais étranglées financièrement...."                                                                                         

              L'extrême vieillesse et  la dépendance, donnent lieu trop souvent à un marché lucratif.
   Le plus souvent, surtout dans le secteur entièrement privatisé, où il est conseillé d'investir (comme dans le secteur de l'industrie pharmaceutique, sans doute le plus profitable).

    C'est un marché qui ne pourra que grandir un peu partout, vues les évolutions démographiques, notamment en Europe. De très bons dividendes promis très souvent. Des marges confortables. Korian caracole en tête.
     Un nouveau business est né et se développe. Des Ehpad privés, parfois de luxe, où les services ne sont pas meilleurs qu'ailleurs, dans le secteur public ou semi-public. L'épisode passée de la crise que nous vivons a montré il y a quelques mois dans quelle situation d'abandon beaucoup se sont retrouvés du point de vue sanitaire et humain.
      Une nouvelle poule aux oeufs d'or se développe, sans que l'Etat, malgré ses aides, ne s'oppose. Au contraire, il a laissé la finance investir ce nouveau terrain prometteur..
                                    Il a fallu attendre début avril pour que les résidents décédés commencent à être comptabilisés comme victimes du coronavirus et il a fallu du temps pour que le personnel des Ehpads soient préparés et équipés ne serait-ce que de simples masques. Une imprévoyance? Non, une faute .  Certains avaient anticipé une hécatombe possible. Elle n'a pas eu lieu, mais avec le bilan provisoire, très lourd, on peut estimer que les victimes représentent une moitié des touchés mortellement par le virus fatal.

      "...Il faudra plusieurs mois, peut-être des années, pour que les experts établissent avec précision le vrai bilan du Covid-19. En attendant, le comptage quotidien de Jérôme Salomon, le directeur général de la santé, n'est qu'une estimation assez grossière, particulièrement en ce qui concerne les chiffres des Ehpad. « C'est forcément plus. Ne serait-ce que parce que la plateforme de comptage mise en place par le gouvernement fin mars ne repose que sur les signalements des établissements », constate Nathalie Maubourguet, présidente de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad. Ce médecin a interrogé ses confrères. Aucun d'entre eux n'a lui-même effectué de signalements, laissés à la charge des directeurs, pas toujours pressés, selon elle, de « singulariser » ainsi leur site… Autre indice de la sous-estimation : ces témoignages de salariés des pompes funèbres, qui voient pulluler, ces dernières semaines, des certificats de décès comportant la seule mention de « détresse respiratoire », sans la case Covid. « On nous a remonté de nombreux cas », affirme Claudette Brialix, présidente de la Fédération nationale des associations et amis des personnes âgées et de leurs familles (Fnapaef)....."

   Déjà, nos anciens relevaient de soins et de traitements pas toujours exemplaires, vu le manque de moyens, surtout en personnel, et donc le temps à leur consacrer était notoirement insuffisant, pour ne parler que des seuls soins.. La gestion de certains établissements, avec des aides d'Etat,  étaient surtout commandée par la loi du profit.  
    Un juteux marché pour des groupes privés, profitant de la manne commune et parfois d'astronomiques loyers, que beaucoup de famille ne peuvent assurer. Malgré les moyens, ils n'ont pas été traités là mieux qu'ailleurs.
    La "gestion" des aînés n'a pas été exemplaire, c'est le moins qu'on puisse dire. Surtout en cette période dangereuse où les précautions auraient dû être redoublées. Certains médecins avaient bien anticipé le désastre potentiel.
    Le marché de l'or gris a produit des dérives, malgré les progrès sur la prise en charge des plus dépendants.    
 Les actionnaires n'ont sans doute aucune idée de ce que leur gain a pu produire indirectement comme
désastre humain. La crise sanitaire a agi comme un révélateur. Il y a vieillir et vieillir....
             ___Depuis la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et de la Journée nationale de solidarité (lundi de Pentecôte) après la ­canicule de 2003, l’argent ne manque pas. Les maisons de retraite se partagent 8,2 milliards d’euros. Une somme qui profite également aux établissements privés, financés par de l’argent public à hauteur de 3,9 milliards d’euros. L’Etat, lui, semble avoir le plus grand mal à contrôler ce qui se passe derrière ces murs. Là où nous conduit cet excellent documentaire, hélas diffusé tardivement, en deuxième partie de soirée.   [Maisons de retraite : les secrets d’un gros business, de Xavier Deleu (Fr., 2017, 70 min)]

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