La crise devant nous
Comme Chronos dévorant ses propres enfants, il est dans la nature du capitalisme de détruire ses propres créations...
Patrick Artus, comme d'autres économistes, l'écrivait naguère: le capitalisme, tel qu'il fonctionne sous sa forme hyperfinanciarisée, hypermondialisée et prédatrice, est sur la voie d'une probable autodestruction.
Comme Marx l'avait déjà analysé à la lumière du capitalisme naissant, contradiction et destruction créatrice sont au coeur du système, mais depuis une trentaine d'années sous des formes plus marquées et violentes. C'est pourquoi la crise n'est pas dernière nous....
Selon Sapir, au sein même de la zône euro, "l’économie (de la zone euro) est en train de se dévorer elle-même, ou
plus précisément une partie de la zone (l’Allemagne et globalement les
pays du « Nord ») est en train de dévorer l’économie des pays du
« Sud ».
Prenons l’exemple des dévaluations internes, autrement dit de ces
politiques qui consistent à baisser les salaires brutalement, à la fois
directement et indirectement par le biais de fortes réductions des
avantages sociaux, dans le but, dit-on, d’accroître la compétitivité de
ces pays. Que ce passe-t-il alors ? La baisse importante de revenu des
ménages provoque une contraction de la croissance (Grèce, Espagne,
Italie, Portugal). Cette contraction engendre une chute de la
production, mais aussi des marges bénéficiaires des entreprises. Le
chômage y dépasse alors les 25% (Grèce et Espagne). Si la compétitivité
s’améliore, ce qui est le cas en Espagne, c’est essentiellement au
détriment des autres pays du Sud, soit essentiellement la France.
La production industrielle se stabilise pour un temps. Mais cela ne
dure pas. En effet, la chute des marges globales, et l’incertitude sur
le niveau de la demande, entraînent une forte chute de l’investissement.
Sans investissement, les entreprises ne peuvent exploiter le gain en
compétitivité. Pire, les entreprises ont du mal à renouveler leur
appareil productif. Ce dernier vieillissant, la productivité du travail
cesse de s’accroître, puis commence à diminuer.
Il faut alors pousser plus loin la baisse des revenus pour maintenir la
compétitivité par rapport aux autres pays. Progressivement, l’économie
devient complètement extravertie car la demande intérieure disparaît.
Les économies en dévaluation interne ne peuvent trouver leur salut qu’au
dépens des autres, car il n’y a plus de marché intérieur. Ce schéma
pourrait être acceptable dans le cas d’un petit pays dont les
partenaires maintiendraient une politique économique expansive. Mais,
quand cette dévaluation interne est le fait de la 3ème et de la 4ème
économie de la zone Euro (Italie et Espagne), c’est une politique sans
issue. Cela se traduit par une croissance de l’Allemagne, et une
stagnation, voire une récession pour l’ensemble de la zone. La
productivité globale sur la Zone Euro augmente, du fait de l’Allemagne,
mais elle décroît désormais en Espagne et Italie, et stagne en France.
Aujourd’hui, l’effondrement de l’investissement (qu’il s’agisse de
l’investissement productif ou de l’investissement en logement) est le
signe le plus tangible que la crise n’est pas derrière mais devant nous..."
Tout le monde est finalement perdant
L'Allemagne fait la course en tête d’un jeu pervers où tout le monde est en définitive perdant:
"L’amélioration de la compétitivité des exportateurs
allemands est de plus en plus identifiée comme la cause structurelle des
difficultés récentes dans la zone euro", souligne l’institution
onusienne basée à Genève, qui critique notamment les réformes engagées
en 2003 par le gouvernement Schröder.
L’OIT y voit au contraire un frein à la croissance européenne. "Les
coûts du travail en Allemagne ont chuté depuis une décennie par rapport
aux concurrents, mettant leur croissance sous pression, avec des
conséquences néfastes pour la viabilité de leurs finances publiques", note l’organisation qui vise à promouvoir le travail décent à travers le monde..." L'excès de pourvoir de l'actionnariat contribue à rendre le capital particulièrement carnivore, compromettant le long terme et l'investissement. Le temps des rentiers constitue une nouveauté, minant le salariat et le développement économique? l'ouverture vers les investissements de l'avenir.
La caste cannibale ne renonce pas, somnanbulique, aveugle à ce qui se passe sous ses yeux.
Nous vivons plus que jamais sous le signe de l'héritage de Delors et Lamy.
Le grand virage annoncé confirme la tendance.
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