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lundi 13 janvier 2014

Sharon, the Warrior

 Complexe, ondoyant, brutal et contesté   (notes)
                                                           L' homme est loin de faire l'unanimité à l'intérieur même de son pays.
  Celui qu'on a appelé  l'homme de fer, à plusieurs facettes, paysan-guerrier, souvent rebelle à sa hiérarchie, fut d'une complexité et d'une ambiguïté rares.
 Présenté comme une sorte de César, il fut considéré comme un héros dans son pays à certaines occasions, un recours parfois, un homme sans scrupule aussi, même si on a pu penser qu'à la fin de sa vie, en quittant le Likoud, il était prêt à abandonner par réalisme le vieux projet d'un grand Israël, même si le retrait de Gaza fut surtout le résultat d'un calcul.
       Un chef de guerre qui fut sans scrupules, de Qibya (1) à Gaza, en passant par Sabra et Chatila (2).
Contrairement au conciliateur Rabin, il fut essentiellement partisan de la  force.
   Il laisse un héritage dangereux, contribuant à droitiser l'opinion israëlienne, à radicaliser plusieurs fois une frange de Palestiniens et entreprenant une colonisation rampante ou brutale en Cisjordanie.
                     Un homme de fer  comme le suggère Haïm Gouri,« Pour viser et tirer, il faut fermer un œil. Pour voir la réalité dans sa globalité, il faut avoir les deux yeux grands ouverts. Arik, qui était d’abord un soldat, a longtemps fermé un œil. Surtout celui de la morale… En devenant premier ministre, il a commencé de voir la réalité différemment.... 
   Il avait compris les limites de la politique de la force et tenu compte de l’usure de l’opinion israélienne ». Le vieux politicien, sans l’avouer, aurait également admis l’impact de l’« élément démographique » (la natalité beaucoup plus forte des Palestiniens les amenant à bientôt devenir majoritaires sur le territoire aujourd’hui de facto placé sous l’autorité d’Israël)...
  Pour en tirer des conclusions inverses, Géoula Cohen développait une idée voisine, celle d’une « dérive » générale de la société israélienne qui, selon elle, avait fini par contaminer jusqu’à Sharon lui-même. « Tout a commencé, disait-elle, avec la guerre d’octobre 1973. » L’attaque égypto-syrienne dans le Sinaï et sur le plateau du Golan, alors occupés par Israël, avait laminé les lignes de défense de son armée, qui accusait des pertes très importantes. « Le peuple a été pris d’une angoisse existentielle folle qui, malgré le retournement de la situation, ne l’a plus jamais quitté. Après 1973, la volonté nationale et individuelle à payer le prix du combat a progressivement décliné. Nous avons cherché à légitimer nos concessions...
( Après Sabra et Chatila)100 000 Israéliens scandent à Tel Aviv « Sharon assassin ». Une commission d’enquête menée par le juge Kahane conclura à sa « responsabilité indirecte » dans ce massacre. Mais elle classifie les parties les plus sensibles des auditions (elles le demeurent jusqu’à ce jour). La commission exige aussi l’exclusion d’Ariel Sharon de toute fonction à caractère sécuritaire dans l’avenir. Un verdict de mort politique ? En réalité, il revient au gouvernement un an après, comme ministre de l’industrie. Il multiplie ensuite les postes ministériels, dont le logement et la construction (qui détient la haute main sur le développement des colonies), puis l’énergie, enfin les affaires étrangères, en 1998, toujours dans des gouvernements de droite... 
Plus que tout autre dirigeant, il aura symbolisé, par son évolution, le dilemme dans lequel se débattent les Israéliens depuis la fin de la guerre des Six-Jours. Car les Palestiniens ont fini par imposer dans les consciences leur existence. Conséquence : les grandes postures du sionisme – « Les Palestiniens n’existent pas », avait clamé le premier ministre Golda Meir ; « Nous n’avons expulsé aucun Arabe », avait dit auparavant David Ben Gourion – sont désormais à ranger au registre des fictions politiques, tout comme l’occupation militaire des Palestiniens érode progressivement au plan international la propension israélienne à s’approprier la position victimaire dans le conflit. Depuis bientôt cinq décennies, Israël vit écartelé entre l’impossibilité de se défaire du « cancer palestinien » et le refus chronique d’accepter une solution qui respecte la parité « en droits et en dignité » des deux peuples...
C’est parce qu’il était partiellement conscient de ces enjeux qu’Ariel Sharon, avant son accident vasculaire cérébral (AVC), avait créé un nouveau mouvement politique, qu’il avait nommé Kadima. En français : « En avant ! » La plupart des témoignages décrivent Sharon comme un homme secret, tortueux, qui masquait ses intentions mais pas ses ambitions et n’accordait, même à ses proches, qu’une confiance conjoncturelle. Un manipulateur, qui a longtemps eu en Israël une notoriété de « menteur invétéré ». Un homme paradoxal, impulsif, mais capable de préparer ses coups très à l’avance et d’attendre son heure patiemment...
Un homme capable aussi de tous les pas de côté, ou même en arrière, en fonction des rapports de force et des circonstances, pour préserver ses objectifs finaux. Un homme qui toute sa vie a pensé que le temps jouerait toujours en faveur des Israéliens. Et qui, nous confiait son confident, Réouven Rivlin, était convaincu qu’il fallait parler de la paix « parce que c’est ce que les Israéliens et la communauté internationale veulent entendre, mais en laquelle il ne faut surtout pas croire ». Dans la fameuse interview précitée de 2001, Sharon expliquait aussi qu’au-delà des aléas, l’ambition du sionisme restait d’actualité ; elle consistait « à toujours aller de l’avant ». La dénomination de son parti n’était pas qu’une clause de style..."
      Sharon aura contribué à placer son pays dans une impasse durable, une impasse liée au statut de cet Etat si particulier.
Les quelques mois de discussion qui restent ne laissent pas entrevoir d'avancée notable.
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(1) "...L’Unité 101 pénètre dans le village dans la nuit du 14 au 15 octobre et jette des grenades dans les maisons. Un massacre collectif s’en suit dont rend compte le journal Ha’aretz du 26 octobre : « ils ont tiré sur chaque homme, femme et enfant qu’ils trouvèrent. Et pour finir sur les troupeaux de vaches. Ils dynamitèrent ensuite quarante-deux maisons, une école et une mosquée. » Soixante-neuf personnes trouvent la mort, en majorité des femmes et des enfants. Le Département d’Etat US, le 18 octobre, déclare que les responsables « devraient être amenés à rendre des comptes». Le 25 novembre, le Conseil de Sécurité de l’ONU, unanime, condamne Israël pour ce massacre. Ben Gourion félicite Sharon. L’Unité 101 incarne la volonté d’Israël de s’imposer dans la région..." (Jennar
(2) Selon Yeshayahu Leibovitz, professeur à l’Université Hébraïque et éditeur de l’Encyclopedia Hebraica, déclarait : « le massacre fut accompli par nous. Les Phalangistes sont nos mercenaires exactement comme les Ukrainiens, les Croates et les Slovaques furent les mercenaires d’Hitler, qui les a organisés en soldats pour faire le travail pour lui. De la même manière, nous avons organisé les assassins au Liban en vue de tuer les Palestiniens. »
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