Vers une dislocation?
Selon JP Legoff, la façon dont on traite la crise grecque me paraît symptomatique de la
façon de faire de la politique au coup par coup, en parant tant bien que
mal au plus pressé, dans une optique étroitement économiste, avec une
inflation de communication et de commentaires qui tournent en boucle et
finissent par décourager l'envie même d'y voir clair et de penser qu'il
pourrait en être autrement.
La crise grecque continue d'être un révélateur.
La défiance et les crispations ne se cachent même plus.
On reparle pour la Nième fois de compromis, pour donner le change, mais la ligne dure du Berlin continue à créer des remous.
La Chancelière louvoie entre deux lignes pour finalement se ranger du côté de l'intransigeance du grand argentier. Les clivages apparaissent et évoluent au sein de la classe politique allemande.
Les faiblesses structurelles de l'Europe s'étalent au grand jour.
Le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, le SPD Michael Roth, et
le «spécialiste Finances» du SPD, Carsten Schneider, déclarent : «Les propositions de Wolfgang Schäuble ne sont pas sérieuses, et présentent un danger pour la zone euro.» Au
sein du SPD, certains sont toujours sur la ligne dure, comme le chef du
groupe parlementaire Thomas Oppermann, estimant qu’un troisième paquet
d’aide à la Grèce n’est possible «qu’avec de plus stricts engagements de la part d’Athènes et davantage de contrôles de la part des créanciers.» Les Verts allemands, longtemps étonnamment silencieux, sont montés au créneau. «Schäuble sabote un compromis avec la Grèce, et cela visiblement avec l’approbation de la chancelière et du vice-chancelier
Les désaccords règnent au coeur même du FMI.
L'Europe est secouée par des remous, dont on soupçonne qu'ils laisseront des traces profondes. Il n'est pas seulement question de la Grèce, qui vit une véritable tragédie. Crise et châtiment...Une boîte de Pandore est ouverte.
Malgré les concessions faites par Tsipras, au risque de révoltes et de réactions dangereuses à Athènes, Angela est toujours aussi obstinée, suivant sans doute une grande partie de l'opinion conditionnée pas une presse déchainée (Bild, die Welt). Les risques pour les contribuables sont surévalués..Comme le dit F. Lordon, « Les contribuables européens ne payent pas pour les fonctionnaires
grecs. Ils payent pour les épargnants européens. Car c’est une
tuyauterie financière désormais entièrement circulaire qui prête aux
Grecs pour qu’ils remboursent les créanciers de ces euros-là qui
circulent sous leur nez, les Grecs ne voient pas la couleur. Les
contribuables européens ont d’abord payé pour la reprise publique des
titres grecs détenus par les banques privées, un grand classique.
Maintenant ils payent directement pour eux-mêmes, enfin, certains pour
d’autres. On progresse »…
Wolfgang Schäuble reste rigidement dans ses bottes. (*) La finance, au sens le plus étroit, le plus comptable et libéro-technocratique donne le ton.
On pouvait penser que le SPD allemand allait jouer un rôle modérateur, mais il est pris lui aussi dans la tourmente.
Après ce plan d'aide humiliant, le leadership de Berlin, qui se substitue à Bruxelles, dans cette Europe sous influence, semble sur la voie d'une nouvel empire, une domination de fait.
"....Un empire soft, évidemment. Ou un «empire non impérial» selon la
formule un jour employée par l'ancien Président de la commission
européenne José Manuel Barroso.
Car les arts marchands ont remplacé l'art martial et le rang
hiérarchique ne se conquiert plus par les armes. Il est directement
indexé sur les succès - ou les infortunes - économiques....
... En dépit des faiblesses qu'on commence à lui reconnaitre et qui ne
peuvent manquer d'inquiéter (1) (extrême dépendance d'une économie
exportatrice aux variations de la demande mondiale, insuffisance des
investissements publics qui augurent mal de l'avenir), l'économie
allemande, avec l'aide d'un euro taillé tout spécialement selon ses
besoins, est devenue si supérieure qu'elle exerce sur ses voisins une
authentique fascination. Dès lors, le modèle austéritaire allemand
s'impose partout. Et l'on ne jure, pour tenter de faire repartir
l'économie européenne, que sur une sorte de «malthusianisme comptable»
qui consiste à ambitionner la baisse continue d'à peu près tout (le taux
d'endettement, les déficits, les salaires…). Or, si la recette est
adaptée à une nation de vieux épargnants soucieuse de consolider ses
excédents de maintenir une inflation faible, elle s'avère mortifère pour
la plupart des «partenaires» européens de l'Allemagne..."
Sur les tensions suscitées par la question grecque se greffent des tensions Berlin-Paris.
Les divisions se font sentir dans toute l'Europe.
L'ordre ordolibéral s'impose comme la norme.
Selon, Jean-Pierre Le Goff, il s'agit de comprendre, par-delà la crise
grecque actuelle et l'urgence, pourquoi et comment on en est arrivé là,
pour en tirer des leçons qui ne soient pas seulement de circonstances....
Il serait plus que temps de repenser l'Europe telle qu'elle est devenue.
Il n'y a d'issue que vers le haut...
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- Une défaite
- L’Europe aux périls de l’Euro
- La Grèce, victime
- L'unité dans la diversité?
- Tuer le projet européen
- Rupture?
- La Grèce risque de ne plus être un pays à la fin de cette semaine
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