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Un peu d'histoire ne nuit pas. ___ La Russie et son environnement.
" L’année 2022 a remis en question de multiples paradigmes qui semblaient constitutifs du monde tel qu’il s’est construit après la fin de la guerre froide. L’espace post-soviétique, composé des quinze républiques issues de la dislocation de l’URSS en 1991, était depuis cette date largement dominé par la Russie. La donne change rapidement sous l’effet de la guerre en Ukraine. Fortement déstabilisé par une série de conflits – affrontements sanglants au Kazakhstan en janvier, début de la guerre en Ukraine en février, nouvelles flambées de violence entre le Tadjikistan et le Kirghizistan en septembre et entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en novembre, l’ancien pré carré de la Russie est aujourd’hui un laboratoire géopolitique captivant. De nouveaux rapports de force peuvent y naître… à condition que les puissances extérieures, notamment l’Union européenne, les États-Unis et la Chine, réagissent intelligemment à cette sortie de la « vassalité » établie par Moscou vis-à-vis de son « étranger proche ». Depuis le début des années 1990, les trajectoires des républiques post-soviétiques oscillent entre des périodes de rapprochement et de mise à distance avec la Russie, visibles notamment dans des « révolutions de velours » survenues, avec des succès divers, en Géorgie en 2003, en Ukraine en 2004 puis en 2013-2014, en Biélorussie en 2005 ou au Kirghizistan également en 2005. L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et, surtout, le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022 ont conduit la plupart de ces pays à une nouvelle quête d’émancipation. L’édifice géopolitique construit par Moscou dans son pré carré prend désormais l’apparence d’un château de cartes aux fondements fragiles, bien loin de la forteresse incarnée notamment par la complexe architecture institutionnelle érigée par le Kremlin sous les trois formes de l’Organisation du traité de sécurité collective, de la Communauté de États indépendants et de l’Union économique eurasiatique. Bien que très hétérogène, l’espace post-soviétique (à l’exception de la Biélorussie) donne de multiples signaux de prises de distance vis-à-vis de Moscou. Leurs modalités varient de signaux très symboliques (manquements aux rencontres officielles) jusqu’aux demandes d’adhésion à l’UE déposées par la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine, les deux dernières étant devenues officiellement pays candidats en juin 2022. L’Ukraine est naturellement aujourd’hui le pays ex-soviétique dont la coupure avec la Russie est la plus nette et, sans doute, définitive. L’ensemble du voisinage de la Russie est concerné.
En Asie centrale, le Kirghizistan a refusé en octobre dernier d’accueillir les manœuvres militaires annuelles de l’Organisation du traité de sécurité collective, sous l’égide de la Russie, et mène des négociations de partenariat avec Washington. Le Kazakhstan a annulé la parade militaire du 9 mai, un acte particulièrement symbolique au regard du poids historique que porte cette date dans l’espace post-soviétique. L’Ouzbékistan et le Kazakhstan ont envoyé une aide humanitaire en Ukraine dès le début de la guerre, et l’ont rendue publique. Au cours du dernier sommet de la Communauté des États indépendants à Astana, le président du Tadjikistan, Emomali Rahmon, a dénoncé l’attitude de la Russie vis-à-vis des pays d’Asie centrale, acte significatif pour un pays resté sous la mainmise russe depuis la dislocation de l’URSS. La situation est similaire du côté des pays du Caucase du Sud. L’Arménie, qui avait soutenu la Russie au sein des Nations unies et du Conseil de l’Europe après l’annexion de la Crimée, a refusé de signer, en novembre dernier, la déclaration finale du sommet de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) en raison de son « inefficacité dans la gestion du conflit arméno-azerbaïdjanais ». L’Azerbaïdjan, premier pays à avoir promis et fourni une aide humanitaire à l’Ukraine, semble également avoir changé de ton vis-à-vis de la Russie en autorisant, par exemple, la télévision d’État à parler d’agression russe en Ukraine. Plus récemment, en décembre, le transfert d’équipements azerbaïdjanais à l’Ukraine dans le cadre de l’aide humanitaire a suscité une réaction immédiate de la part de la Russie. Les tentatives des républiques post-soviétiques de s’affranchir de l’emprise russe font naturellement l’objet de multiples commentaires dans les médias occidentaux et semblent tout particulièrement attirer l’attention des gouvernements des États de l’UE et des États-Unis. Cependant, bien que le Kremlin ne puisse y être indifférent, il ne semble pas s’en l’inquiéter outre mesure et, en tout cas, s’efforce de maintenir les apparences de relations habituelles avec les pays de son voisin. La médiatisation du premier Forum économique eurasiatique tenu à Bichkek en mai 2022 (avec promesse d’ouverture de nouveaux dossiers de coopération) et d’une possible « union gazière » avec le Kazakhstan et l’Ouzbékistan annoncée fin novembre, plusieurs rencontres de Poutine avec ses homologues de l’« étranger proche » en cours d’année ainsi que le rôle de médiateur joué par la Russie dans le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ne sont que quelques exemples parmi d’autres de la stratégie de continuité adoptée par Moscou. Le 26 décembre, lors de la réunion de fin d’année des chefs d’État et de gouvernement de la CEI, et de manière outrageusement symbolique, Poutine a redessiné les contours de sa zone d’influence en offrant à ses homologues des bagues sur lesquelles sont sculptés le symbole de l’organisation régionale ainsi que les mots « Bonne année 2023 » et « Russie ».
___ Géopolitique de la Russie __________________
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